Pas-de-Calais
Elanplast : « Nous avons pris deux jeunes migrants en apprentissage »
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Arnaud Pommier codirigeant d'Elanplast Elanplast : « Nous avons pris deux jeunes migrants en apprentissage »

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Codirigeant de la société Elanplast, aux côtés de Laurent Thueux, Arnaud Pommier a pris deux jeunes migrants en apprentissage. Une initiative qui lui a permis de pallier les difficultés à recruter dans le domaine de l’usinage plastique, tout en contribuant à changer le regard porté sur l’immigration.

— Photo : ESL, le JDE

Qu’est-ce qui vous a incité à accueillir deux jeunes migrants en apprentissage ?

Arnaud Pommier : Nous avons beaucoup de mal à recruter de manière générale, y compris des apprentis, car l’usinage est un métier décrié. Il y a de moins en moins de formations dans ce domaine, vers lequel les jeunes ne s’orientent plus. Les centres de formation n’arrivent d’ailleurs pas à remplir leurs promotions… L’année dernière, Elanplast (15 salariés, 1,2 M€ de CA) a accueilli huit jeunes apprentis qui ne sont pas restés. Certains ont même quitté l’entreprise au bout de deux jours, trouvant le métier trop difficile ou par manque d’envie… Et nous avons aussi fait face à de véritables problèmes de savoir être. C’est un souci que je n’ai pas rencontré avec Ibrahima, 17 ans, et Lassana, 19 ans, les deux jeunes migrants que nous accueillons depuis bientôt un an en apprentissage, sur notre activité d’usinage plastique. Mais il est vrai que j’ai d’abord hésité, en raison des complications que cela représentait.

Comment avez-vous été mis en relation avec ces deux jeunes ?

Arnaud Pommier : J’ai été convié par le lycée professionnel Jacques Durand, situé à Saint-Omer (Pas-de-Calais), à un speed meeting d’une demi-journée. Cette opération était destinée à placer les apprentis de leur formation usinage, assez récente. À cette occasion, j’ai rencontré un jeune étudiant qui m’a semblé très bien, dynamique et souriant. Mais il était migrant, une position qui sortait de l’ordinaire… Arrivé en France depuis peu, il ne maîtrisait pas bien la langue. Je n’ai donc pas donné suite. J’ai changé d’avis plus tard, grâce à un client : il m’a parlé d’un ami dirigeant, dans le domaine de la chaudronnerie, qui a pris un migrant en apprentissage. Ça s’est tellement bien passé qu’ensuite, il en a pris six ! J’ai donc recontacté le lycée Jacques Durand et ils m’ont également proposé un autre jeune, dans la même situation. Ils ont tous les deux intégré l’entreprise en décembre 2019.

Un an après, quel regard portez-vous sur cette expérience ?

Arnaud Pommier : Ces deux jeunes avaient un niveau de connaissances techniques très faible, mais un savoir être remarquable, que nous avons du mal à trouver chez les jeunes gens que nous recevons. Ils sont souriants, polis, à l’heure. Ils ont la volonté de travailler et de s’intégrer. C’est très plaisant. Mon associé et moi souhaitons les embaucher au terme de leur deuxième année d’apprentissage. Pour le moment, nous n’avons plus besoin de recruter, mais c’est une expérience que nous n’hésiterons pas à renouveler. En revanche, nous avons dû sortir de notre seul rôle d’employeur pour eux, car ils ont eu besoin de plus d’aide que des salariés classiques. L’entreprise les a par exemple accompagnés dans l’ouverture d’un compte bancaire. Habitant Dunkerque, Lassana rencontrait pas mal de problèmes de transport jusqu’à Tincques (Pas-de-Calais), nous avons donc loué au nom de l’entreprise un petit meublé pour lui, car les propriétaires n’acceptaient pas son dossier. Ils ont aussi besoin d’être très encadrés : ils n’aiment pas tellement l’école et nous avons dû nous fâcher, en leur rappelant que s’ils n’obtiennent pas leur diplôme, nous ne pourrons pas les embaucher. Globalement, nous sommes très satisfaits de cette expérience, qui permet de contrebalancer l’image négative liée à l’immigration.

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