Coronavirus : les entreprises de propreté des Hauts-de-France en première ligne pour préparer la reprise
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Coronavirus : les entreprises de propreté des Hauts-de-France en première ligne pour préparer la reprise

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Directement touchées dans leur activité par le confinement, les entreprises de nettoyage se révèlent un maillon central dans l'organisation de la reprise. D'accessoires, les enjeux d'hygiène et de propreté devraient devenir essentiels dans la période qui s'ouvre, se félicitent les différents acteurs de cette filière dans les Hauts-de-France.

— Photo : Alexis Delespierre

Aux premières loges lors de la mise en place du confinement, les entreprises de nettoyage des Hauts-de-France sont aussi parmi les premières concernées par la reprise. Rarement, leurs services ont pu paraître aussi précieux qu’en cette période de crise sanitaire. Longtemps invisibilisés, voire plus ou moins méprisés, leurs agents et leur travail deviennent aujourd’hui un enjeu majeur pour toutes les entreprises qui tentent d’organiser un retour à la normale dans les prochaines semaines.

Ce changement de paradigme est plus qu’apprécié par les entreprises du secteur, bien conscientes, et depuis longtemps, de l’importance du service qu’elles proposent. Surtout si ce revirement est synonyme d’un développement conséquent de leur activité, après des semaines de disette. Comme tous les acteurs économiques, les entreprises du nettoyage ont été prises de court par la brutale baisse d’activité, mi-mars. Chez le lillois Cleaning Bio (270 salariés, 5,5 M€ de CA), l’activité a chuté de 70 % au début du confinement, avant de s’établir à 44 % de la normale. Idem chez Clinitex, à Lezennes (3 500 salariés, 50 M€ de CA), dans le Nord, dont un client sur deux aura fermé ses portes le temps du confinement. Chez le valenciennois NSI Groupe, l’activité a chuté de 19 % sur le mois de mars, puis de 40 à 50 % en avril. D’ores et déjà, l’entreprise de 650 salariés, qui a réalisé 8 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019, revoit ses prévisions à la baisse pour 2020. Elle affiche désormais un objectif entre 9,5 et 10 millions d’euros sur l’année, contre les 11,3 millions d’euros prévus initialement.

Retour en force du tertiaire

Si les trois entreprises n’ont pas exactement la même typologie de clients, toutes ont observé le même phénomène : la disparition quasi totale des clients tertiaires, qui ont fermé leurs bureaux pour passer en télétravail. L’activité de nettoyage dans les parties communes d’immeubles et dans l’industrie, notamment agroalimentaire, s’est en revanche maintenue pendant la période. Et aujourd’hui, les appels entrants reprennent, voire, redoublent.

« Chez nous, tout le tertiaire s’est arrêté, mais aussi les activités liées aux écoles, à la restauration, aux cinémas. Ça a été très brutal mi-mars, mais depuis le début du mois d’avril nous sentons une reprise. Certains sièges sociaux ont déjà rouvert et, avec l’annonce d’un déconfinement le 11 mai, tout le monde se met en ordre de marche. Nous avons déjà été rappelés dans certains collèges et dans le tertiaire, on nous demande des créneaux supplémentaires pour passer tous les jours au lieu d’une fois par semaine, par exemple », témoigne Édouard Pick, chez Clinitex.

Même son de cloche du côté de NSI groupe, où la reprise s’annonce plutôt bien. « La moitié de nos clients nous appelle pour doubler leurs contrats, voire plus, en vue de la reprise. Nos équipes vont passer tous les jours, et plus longtemps, là où ils n’allaient que deux ou trois fois par semaine. C’est le cas de certains magasins par exemple, qui augmentent déjà leurs créneaux de nettoyage alors que le public n’est pas encore revenu. Pour le moment, une partie de nos équipes est encore en chômage partiel, mais nous n’excluons pas de devoir recruter après le 11 mai, pour faire face à la demande. » De quoi redonner confiance pour l’avenir, une fois l’orage passé.

Faire face au risque d’impayés

Édouard Pick veut néanmoins rester prudent quant à la suite des évènements. « Certains de nos clients ne se remettront pas du confinement. Actuellement, nous comptons 30 % de factures en souffrance, sur lesquelles nous restons très vigilants. Nous laissons bien sûr à nos clients le bénéfice du doute, il y a beaucoup de raisons pour lesquelles il peut être difficile de régler ses factures à temps en ce moment. Mais il est clair que pour certains, la situation sera très compliquée, et nous nous attendons à un certain nombre de défaillances dans les mois qui arrivent. Et ce, sans parler des secteurs comme le spectacle ou la restauration, pour lesquels il n’est pas encore question de reprise, » anticipe le dirigeant de Clinitex.

Avec 40 à 45 % de ses 3 500 salariés en chômage partiel, le groupe s’est engagé dès le début de la crise à alléger les factures de ses clients. 100 % des heures non travaillées et indemnisées par l’État leur sont reversées, de même que les consommables non utilisés ne sont pas facturés. Un effort de transparence qui, espère Édouard Pick, aidera à maintenir un climat de confiance avec chacun de ses clients.

Nouveaux enjeux, nouveaux process

Avec l’urgence sanitaire, les attentes vont fortement évoluer en matière de propreté et d’hygiène, s’accordent à dire les professionnels du secteur. Toutes les entreprises sont bien conscientes que, pour ramener leurs salariés dans leurs locaux, il faut prouver qu’elles se donnent les moyens de les protéger. « C’est à nous d’être proactifs et d’accompagner nos clients pour faire une transition de la propreté vers l’hygiène », estime Yann Orpin, président du Medef Grand Lille et dirigeant de Cleaning Bio. « En vue de la reprise, nous développons une offre de désinfection des locaux, avec des appareils achetés au moment de la grippe H1N1, qui permettent de désinfecter 6 000 m² en une journée. Et nous proposons désormais des kits en libre-service, pour que les salariés de nos clients puissent nettoyer leurs postes de travail régulièrement, entre deux passages de nos agents. »

Du côté de Clinitex aussi, les prestations de désinfection, avec délivrance de certificat, vont bon train avant la reprise. Et son offre de « kiosque » met, depuis plusieurs années, des produits à la disposition des salariés. « Cela permet d’aller vers du sur-mesure, pour que chacun gère son poste selon ses attentes personnelles, dans un contexte où l’aspect psychologique et le sentiment de sécurité jouent beaucoup », souligne Édouard Pick.

Un nouveau regard sur le métier

Mais le plus gros changement apporté par la pandémie de coronavirus, c’est sans doute l’évolution du regard porté sur les métiers de la propreté. « Nos agents font partie des nouveaux "héros du quotidien". Nous assistons à une inversion de valeur. Désormais, ce sont les clients qui organisent leur activité en fonction de notre passage », se félicite Édouard Pick. « C’est une période très challengeante pour nos métiers. Nos clients nous en demandent beaucoup et cela risque de mettre en difficulté les acteurs les moins solides. On va vite faire la différence entre les bons et les autres, ça va exacerber des tendances existantes. »

Romain Tellier, PDG de NSI Groupe, abonde. « Jamais je n’aurais cru qu’une crise nous mettrait à ce point sous les projecteurs. Nous avons tout de suite été classés parmi les activités "utiles à la nation", et nos agents ont reçu de nombreux témoignages de reconnaissance, qui les ont beaucoup touchés. J’espère que cette période va leur faire porter un nouveau regard sur leur métier, très dévalorisé, et nous permettre de meilleurs recrutements, et moins de turn-over. Et in fine, de pouvoir négocier une augmentation des taux horaires auprès de nos clients, pour assurer de meilleures rémunérations à nos salariés ! », s’aventure le dirigeant, qui a offert trois jours de congé supplémentaires, ainsi qu’une prime exceptionnelle, à ses agents en première ligne, qui ont continué à travailler dans les hôpitaux et les Ehpad.

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