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Coronavirus : « Le guide sanitaire du BTP est un premier cadre, mais la reprise va être compliquée »
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Benoît Loison président de la Fédération du Bâtiment Nord et Pas-de-Calais Coronavirus : « Le guide sanitaire du BTP est un premier cadre, mais la reprise va être compliquée »

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Benoît Loison, le président de la Fédération Française du Bâtiment du Nord et du Pas-de-Calais, détaille pour Le Journal des Entreprises les conditions nécessaires pour une reprise sereine des chantiers. Pour lui, le compte n'y est pas encore, et la reprise se fera au cas par cas, avec beaucoup de précautions.

— Photo : FFB Nord - Pas-de-Calais

Le Journal des Entreprises : Depuis le communiqué que vous avez publié au début du confinement, intitulé « Nous sommes en guerre », dans lequel vous dénonciez la volonté affichée du gouvernement de maintenir les chantiers, la FFB a validé le guide de préconisations sanitaires. Une réouverture des chantiers vous paraît-elle aujourd’hui envisageable ?

Benoît Loison : Depuis, nous avons surtout remporté la bataille de l’obtention du chômage partiel pour les entreprises du bâtiment, ce qui n’était pas une évidence au départ ! Le secteur du bâtiment était déjà dans une situation assez tendue, avec des carnets de commandes certes bien remplis, mais peu de trésorerie, et de gros problèmes de recrutement. Ces dernières années, il y a eu des hausses des coûts des matériaux, des hausses de salaires, mais pas de hausse des prix. Et depuis la crise de 2008, les efforts consentis sur les salaires pour garder les équipes ont bien asséché les trésoreries, et affaibli les marges. Chez nous, 93 % des entreprises ont arrêté tout ou partie des chantiers, mais les charges fixes continuent de tomber. La plupart ont envie et besoin de reprendre, et ce guide de préconisations, attendu, offre enfin un cadre. Mais sa mise en œuvre demeure très compliquée, et la reprise, même partielle, va prendre beaucoup de temps.

Quels sont les points de blocage qui demeurent, selon vous ?

Benoît Loison : Il y en a beaucoup encore ! Tout est compliqué, rien que le fait d’obtenir du gel et des masques pour tout le monde va être long. Au niveau de la FFB Nord et Pas-de-Calais, nous avons commandé 160 000 masques et 30 000 bidons de gel hydroalcoolique pour nos adhérents, nous attendons la livraison. Mais au-delà de ça, nous ne sommes pas les seuls décisionnaires pour la reprise, il faut que le client en ait la volonté. Or, beaucoup de particuliers n’ont pas très envie en ce moment d’avoir des ouvriers qui défilent chez eux ! Et du côté des entreprises, elles sont toutes fermées, c’est très difficile d’accéder aux chantiers, même pour de simples relevés. Dans nos entreprises, il faut aussi convaincre les compagnons de reprendre. Ils sont comme tout le monde, ils entendent qu’il faut rester chez soi. Et même si certains souhaitent reprendre, comment cela va-t-il se passer si on apprend qu’un gars est tombé malade dans une équipe ? Ça va être la panique, et je crains un effet « feu de paille », avec des chantiers qui ferment, à peine rouverts.

La volonté politique reste pourtant bien présente de voir les équipes reprendre le chemin des chantiers…

Benoît Loison : Oui, on sent notamment une très forte volonté des préfets d’accompagner la reprise. Mais il faut bien comprendre que les enjeux sont sanitaires, mais aussi économiques pour les entreprises, qui ont déjà des marges faibles. Le code de bonnes pratiques, c’est très bien, mais concrètement, le mettre en œuvre va représenter un coût supplémentaire pour les entreprises. Par exemple, il va falloir prévoir deux nacelles là où il n’en fallait qu’une. Il va falloir plus de camionnettes pour se rendre sur les chantiers, trouver des solutions pour les compagnons qui n’ont pas de moyen de locomotion. Il va falloir prévoir la désinfection fréquente des bases de vie. Pour les chantiers en grand déplacement, il va falloir s’assurer que les compagnons ont chacun leur chambre, quand souvent ils en partagent une à plusieurs pour réduire les coûts. Et puis, si on doit travailler en équipes réduites pour limiter les risques, les durées de chantiers vont s’allonger, ce qui représente aussi des surcoûts pour les entrepreneurs, en termes de location de matériel, par exemple. Nos équipes de juristes sont sur le pont pour aider les entreprises, puisque beaucoup de contrats vont devoir être renégociés en termes de délais, d’accès aux chantiers, de responsabilité, de ressources humaines… On avance petit à petit, mais tout ça est encore très précaire.

Selon vous, quels sont les délais réalistes pour une reprise généralisée des chantiers ?

Benoît Loison : C’est à chaque chef d’entreprise d’arbitrer. Cela va dépendre aussi des annonces du gouvernement concernant la durée de confinement, mais à mon avis, il n’y aura pas de changement significatif au mois de mai. Actuellement, il y a des essais de reprise, ici et là, sur certains chantiers, mais on est loin d’être prêts. La priorité, c’est la santé de nos salariés. Dans nos entreprises, la vraie richesse, c’est l’homme. Nous travaillons dans un climat de confiance, que nous ne pouvons pas nous permettre de briser. D’autant plus qu’après la crise, l’activité va reprendre en flèche, entre les chantiers interrompus et les nouveaux. Nous aurons besoin de nos compagnons pour faire face à ce moment-là.

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