Coronavirus : Le coworking à l'épreuve de la crise sanitaire dans les Hauts-de-France
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Coronavirus : Le coworking à l'épreuve de la crise sanitaire dans les Hauts-de-France

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Très à la mode ces dernières années, le coworking a connu un fort développement dans les Hauts-de-France, avec la création de nombreux espaces de travail partagé. Mais ses atouts et ses valeurs, prônant le partage, la rencontre et la proximité, sont-ils encore d'actualité en temps de crise sanitaire?

Le modèle du coworking, où usagers réguliers et de passage se côtoient de près, comme ici chez Now Coworking à Lille, restera-t-il séduisant après la crise du coronavirus? — Photo : © David Morganti

Convivialité, partage et rencontres, la promesse du coworking paraît presque déplacée en ces temps de pandémie, qui riment davantage avec distanciation sociale, gestes barrières et visioconférence. Hier encore pourtant, l’idée de partager un même espace de travail, une cafetière et une photocopieuse avec des inconnus, susceptibles de devenir des clients ou des partenaires commerciaux, était plus que séduisante. En témoigne le nombre d’espaces de coworking, de tous types, qui ont fleuri dans les Hauts-de-France ces dernières années. De la TPE au grand groupe international, l’offre, de la plus familiale à la plus standardisée, s’est développée de façon spectaculaire en réponse à des besoins bien précis : souplesse, confort, maîtrise des charges fixes, et développement du réseau.

Des bureaux désertés, des clients fragilisés

Une proposition mise à mal par l’entrée en confinement. Vidés du jour au lendemain, comme tous les locaux tertiaires, les espaces de coworking ont vu leur fréquentation et leur chiffre d’affaires diminuer drastiquement. « La baisse d’activité a été quasi totale », témoigne ainsi Édouard Laubies, dirigeant de la chaîne rouennaise Now Coworking (17 salariés, CA : NC), implantée au sein de la CCI à Lille, qui a vu son chiffre d’affaires diminuer de moitié en mars et avril. « Nos locaux sont restés ouverts, pour le plus grand bonheur des quelques clients qui sont venus, et se sont partagé 3 000 m² à trois ou quatre. Mais environ 98 % des nomades ont rendu leur abonnement. C’était à prévoir, et la flexibilité fait complètement partie du contrat de base. En revanche, au niveau des entreprises, seules les plus fragiles ont résilié le leur, et pour le moment nous ne comptabilisons que de rares impayés. Quasiment toutes ont préféré conserver leurs bureaux. »

Dans ses douze lieux répartis entre le nord et l’ouest de la France, la Maison du Coworking (9 salariés, CA : NC), chaîne d’espaces de coworking basée à Villeneuve d'Ascq, accueille un millier de clients, de l’entreprise individuelle à la TPE / PME. « Nous avons bien sûr mesuré une baisse de la fréquentation de nos différents sites. Environ 80 % de nos clients ont opté pour le télétravail, même si les accès aux locaux sont maintenus. Au niveau des paiements, nous n’avons pas eu de mauvaises surprises, mais nous avons eu des mauvaises nouvelles. Certains de nos clients les plus fragiles, notamment dans le tourisme ou le voyage, ont déjà déposé le bilan. Il est probable que nous soyons confrontés à plusieurs vagues de dépôt le bilan chez nos clients dans les prochains mois, » retrace Chris Geraghty, le directeur des opérations de la Maison du Coworking, qui anticipe une baisse conséquente du chiffre d'affaires de l'entreprise sur 2020.

Chez Besquare à Roubaix (un salarié, CA NC), la gérante Sophie Bellet a, elle, fait le choix de baisser temporairement le rideau. « Sur les 26 entreprises abonnées, une seule a choisi de résilier son abonnement. Toutes les autres se sont maintenues, et certaines ont même refusé la remise que je leur ai proposée sur leur abonnement, en disant que d’autres en auraient davantage besoin. Cette solidarité, nous l’avons aussi retrouvée dans les » cafés zoom « que nous avons mis en place pendant le confinement : chacun a partagé les compétences pouvant être utiles aux autres. On mesure qu’il y a un vrai sentiment d’appartenance parmi nos usagers, même en l’absence de bureaux ! » souri Sophie Bellet, qui reste optimiste pour la suite, même si Be Square a vu son chiffre baisser de 50 % en mars avril. « Nous prévoyons une baisse de 40 % environ, au moins jusqu’à septembre. Une bonne partie de notre activité repose sur la location de salles de réunion, qui pour le moment est au point mort, mais pourrait reprendre pour des rendez-vous en petits comités, dans le respect des distances imposées. »

Organiser la reprise

Adapter les lieux et les pratiques pour permettre une reprise de l’activité, c’est désormais l’enjeu pour les espaces de coworking. Il s’agit de donner envie aux utilisateurs de revenir travailler dans les locaux, malgré le risque de contamination. Responsabilité et communication seront les maîtres-mots, estiment nos interlocuteurs, qui de toute façon, ne comptent pas sur un pic d’affluence dès la mi-mai. « Les gens vont revenir progressivement, quelques jours par semaine d’abord, puis de façon plus régulière. Chez nous, les mesures de distanciation sont assez faciles à mettre en œuvre, parce qu’on a de la place », explique Sophie Bellet. « Nous avons créé un marquage au sol, nous recommandons le port du masque dans les parties communes, et du gel hydroalcoolique sera à disposition, notamment aux points stratégiques, comme la machine à café. Pour ce qui est des bureaux, nous pouvons assez facilement proposer à ceux qui le souhaitent de s’installer dans une salle de réunion, s’ils se trouvent trop à l’étroit. »

Chez Now Coworking, des mesures similaires ont été mises en œuvre, qui risquent de bouleverser un temps les habitudes. « Dans l’open space, nous avons retiré une chaise sur deux, pour faciliter la distanciation. Nous mettons en place un marquage au sol et un sens de circulation dans les couloirs, et mettons à disposition de quoi nettoyer les espaces de travail. Nos salariés vont désinfecter les ascenseurs, poignées de portes etc., plusieurs fois par jour. Et la cafetière ne sera plus en libre accès, nous passerons dans les couloirs pour proposer du café. »

Comment renouer avec la croissance ?

Au-delà du maintien d’activité, la dynamique même du coworking risque-t-elle d’être durablement ralentie par l’épisode épidémique ? Pour l’heure, les professionnels interrogés ne semblent pas inquiets outre mesure, même s’il est clair que l’avantage ira aux structures proposant des bureaux fermés, et pas seulement des open spaces.

Pour la suite, un glissement va sans doute s’opérer dans la clientèle, note Chris Geraghty, de la Maison du Coworking. « Certains de nos clients TPE ou individuels vont chercher à maîtriser davantage leurs charges, en continuant à travailler à domicile après le confinement. En revanche, d’autres entreprises, plus grandes, vont sans doute maintenir le télétravail, mais en donnant accès à leurs salariés à des espaces de coworking. Nous bénéficions d’un modèle stable et rentable, et nous sommes convaincus de notre utilité, à une époque compliquée. En s’adaptant correctement, le service offert par le coworking va rester pleinement valable. »

Même opinion pour Édouard Laubies, de Now Coworking qui n’imagine pas le secteur balayé par le Covid-19. « Il ne faut pas oublier que le coworking est né de la crise de 2008. Son modèle flexible, sans engagement, peu cher, est parfaitement adapté aux besoins en période difficile. C’est un métier neuf, qui est en train de se construire, et ceux qui se lancent là-dedans sont des aventuriers. Ils sauront s’adapter et se réinventer », assure le dirigeant. « Avec le confinement, beaucoup d’entreprises et de salariés ont découvert que le télétravail était parfaitement envisageable, et le coworking en est le parfait corollaire. Sur le fond, il n’est pas du tout remis en question par la crise que nous traversons, bien au contraire. »

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