Coronavirus : la dynamique de l'immobilier va-t-elle se gripper dans les Hauts-de-France ?
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Coronavirus : la dynamique de l'immobilier va-t-elle se gripper dans les Hauts-de-France ?

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En hausse constante depuis plusieurs années, les prix de l'immobilier profitent d'un marché particulièrement dynamique dans les Hauts-de-France. Mais ça, c'était avant la pandémie et le confinement... Quels effets sont à prévoir, à court et moyen terme?

Photo : mastersenaiper - CC0 Pixabay

L’épidémie de Covid-19 et le confinement qu’elle a entraîné mettront-ils à mal la belle progression enregistrée par l’immobilier dans les Hauts-de-France ces dernières années ? Depuis plusieurs années les prix battent des records dans la région, où le marché se révèle particulièrement tendu, dans différentes zones.

En 2019, selon les chiffres de l’Office Interdépartemental des Notaires, les prix médians des appartements anciens dans le Nord ont ainsi augmenté de 4,9 %, à 2 360 € du mètre carré, pour s’établir à 3 150 € du mètre carré à Lille - une moyenne qui cache de fortes disparités selon les quartiers, puisque certaines rues du Vieux-Lille peuvent désormais flirter avec les 7 000 € du mètre carré. Dans le Pas-de-Calais, le prix médian, en hausse de 2,6 %, s’établit à 1 950 € du mètre carré, mais peut, comme à Arras ou Saint-Omer, enregistrer une hausse allant jusqu’à 10 % pour les appartements anciens.

Pour les maisons anciennes, c’est Calais qui se distingue en affichant en 2019 une hausse de 3,8 % quand, sur le département, la tendance est à la baisse, de -0,7 %. Pour le neuf, les prix sont à la hausse dans le Pas-de-Calais, à + 1,9 % soit 3 470 € du mètre carré, et + 0,3 % pour les maisons. Alors que dans le Nord, le neuf est plutôt à la baisse, avec -1 % sur les appartements et -2,1 % sur les maisons. Le tout, dans un contexte où la demande est, dans la plupart des zones, plus forte que l’offre, et où les biens sont rares et partent très vite. Un effet de la pression démographique et des nouveaux modes de vie des habitants, mais aussi de nombreux investisseurs exogènes, parisiens ou lyonnais, sur le marché.

Coup d’arrêt brutal avec le confinement

Voilà pour le tableau, rapide, de la situation, florissante, d’avant la crise. Aujourd’hui à l’arrêt, dans le neuf comme dans l’ancien, le marché régional risque de se voir altéré au lendemain du confinement, avec la mise en vente, d’un coup, des biens qui n’auront pas pu être vendus pendant quelques mois. Mais pas de quoi, a priori, déstabiliser durablement le marché, estime Salah Kouathé, responsable des ventes pour la métropole lilloise au sein de la société immobilière Sergic. « En ce moment il n’y a ni ventes, ni visites. Grâce à la signature électronique autorisée par le gouvernement, les dossiers en cours avant le confinement ont pu être réglés, mais c’est tout. Après le confinement, on va enchaîner sur l’été, qui n’est pas la période la plus dynamique pour l’immobilier. Il y aura certes un peu plus de stock à écouler jusqu’en juillet, mais c’est tout, et je ne m’attends pas à une vraie reprise avant septembre. Pour les marchés dynamiques comme le marché lillois, la période ne va pas changer grand-chose, la demande sera toujours plus élevée que l’offre et le surplus de biens sera vite absorbé, avec très peu d’influence sur les prix. Pour les autres communes en revanche, où l’offre était plus élevée avant la crise, la situation risque d’être un peu plus compliquée, et de prendre plus de temps pour revenir à la normale. »

Du côté des promoteurs, l’inquiétude n’est pas tant au niveau des prix que des délais, après le retard pris pendant le confinement. « Non seulement 95 % des chantiers sont à l’arrêt, mais en plus l’administration elle-même ne fonctionne plus, toutes les demandes de permis de construire sont suspendues. Donc au sortir du confinement, ça va être le tunnel, le temps que l’administration rattrape le retard », prévient Philippe Depasse, le président de la Fédération des Promoteurs Immobiliers Hauts-de-France, qui appelle à des « mesures dopantes fortes » comparables au dispositif Sellier créé après 2008, afin de soutenir le secteur qui se prépare à la fin de la loi Pinel en 2021.

À court terme, acheteurs et vendeurs dans l’incertitude

Quant aux comportements des acheteurs et vendeurs potentiels, c’est pour le moment l’inconnue. Vont-ils préférer réaliser l’opération qui était prévue, ou la reporter ? « Pour les vendeurs, le confinement ne change rien, les projets sont juste décalés », affirme Salah Kouathe, en contact régulier avec ses clients. « Très peu des gens qui ont des biens en vente chez nous disent vouloir repousser leur projet à cause de la pandémie. En revanche pour les acheteurs, davantage de questions vont se poser, surtout si une récession se profile : faut-il acheter tout de suite au sortir du confinement, ou attendre de voir comment évoluent la situation économique globale, et notamment l’emploi ? Va aussi se poser le problème de l’accès au crédit, les banques risquent de se montrer plus exigeantes dans la période qui arrive, et l’accès au crédit, très facile ces derniers temps avec des taux très bas, risque de se compliquer pour pas mal de gens. »

La revanche des villes moyennes ?

Malgré ce risque d’un accès au crédit plus restreint, le nombre d’acheteurs devrait rester suffisant pour maintenir la dynamique actuelle, rassure Michel Lechenault, responsable éditorial du groupe Se Loger. « Nous avons connu plusieurs années de hausse continue. Même si les ventes reculent un peu au lendemain de la crise actuelle, il n’y aura pas de chute des prix comme après 2008. Au pire, on reviendra sur les niveaux de prix des années précédentes, qui restaient élevés. À Roubaix, les prix ont augmenté de 12 % l’an dernier, de 13 % à Villeneuve-d’Ascq… si les marchés devaient perdre 5 ou 10 %, on retomberait sur des prix de 2019, rien de catastrophique, donc. Mais si on se projette un peu plus loin, peut être que le confinement et le télétravail vont avoir un effet inattendu contre une tendance lourde, la métropolisation, que l’on connaît depuis ces dernières années. Avec les développements du télétravail, et l’attrait pour les maisons après l’expérience du confinement en appartement, on va peut-être assister d’ici dix ans à la revanche des villes moyennes ! »

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