Coronavirus : « La situation actuelle est très différente de la crise de 2008 »
Interview # Conjoncture

Kathie Werquin-Wattebled directrice régionale de la Banque de France pour les Hauts-de-France Coronavirus : « La situation actuelle est très différente de la crise de 2008 »

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Kathie Werquin-Wattebled, directrice régionale de la Banque de France pour les Hauts-de-France, livre son regard sur la crise économique liée au Coronavirus Covid-19. La situation n'a pas grand-chose à voir avec la crise financière de 2008 et une fois n'est pas coutume, l'industrie pourrait repartir plus rapidement que les activités de services.

— Photo : Banque de France

Le Journal des Entreprises : Certains acteurs évoquent déjà une crise économique pire que celle de 2008, qu’en pensez-vous ?

Kathie Werquin-Wattebled : La situation actuelle est très différente de celle de 2008. Elle est inédite. En 2008, il s’agissait d’une crise financière, au démarrage plus lent. Dans le cas présent, le départ s’est avéré violent, brutal, et tout le monde est concerné… C’est une chose que nous n’avions pas prévue dans nos modèles de fonctionnement économique. Dans leur plan de continuité d’activité, les entreprises modélisent par exemple une grosse grève mais pas une telle pandémie, car dans les faits, ça n’arrive quasiment jamais.

Par ailleurs, les crises économiques classiques touchent surtout l’industrie ou le BTP. En général, les services s’en sortent mieux. C’est lié au fait que la croissance française est fortement tirée par la consommation interne. Nous ne sommes pas très forts en matière d’exportations, donc en cas de ralentissement européen ou mondial, la consommation interne joue habituellement un rôle d’amortisseur. Là, même si le pouvoir d’achat est relativement préservé grâce au chômage partiel massif, les particuliers ne peuvent pas consommer. À la sortie du confinement, les entreprises qui proposent des biens s’en tireront mieux que les sociétés de services : les particuliers achèteront en juin la voiture qu’ils n’ont pas pu acheter en avril, mais ils n’iront pas deux fois de suite au restaurant ou chez le coiffeur…

Quelle va être l’ampleur des dégâts pour le monde économique ?

Kathie Werquin-Wattebled : La durée de la crise sanitaire va être l’élément prédominant pour savoir si on peut passer ce cap sans trop de dégâts. D’importantes mesures monétaires ou budgétaires ont été mises en place, de manière massive et ce, dès la première semaine, pour permettre aux banques et aux États de se refinancer. Il n’y a pas de raisons qu’il y ait une crise de liquidité. Ces mesures vont permettre de sauver les entreprises viables, depuis la TPE jusqu’au groupe, mais certaines sociétés déjà fragiles avant la crise du coronavirus ne passeront pas le cap. Je ne vois pas ce que l’on peut faire de plus. Mais il faut que la situation ne dure pas plus de quelques semaines ou quelques mois. Au-delà, il ne sera pas possible de remplacer un vrai fonctionnement économique uniquement par des politiques budgétaires ou monétaires…

Du côté des entreprises, nous enregistrons une nouvelle flambée de dépôts de dossiers auprès de notre cellule de médiation du crédit, qui a été créée pour la crise de 2008. Depuis mi-mars, nous avons reçu 120 dossiers pour les Hauts-de-France, contre quasiment zéro avant la crise du coronavirus. C’est un thermomètre. Il est vrai que cet afflux de contentieux est en partie lié au fait que toutes les entreprises ont pris contact avec leur banque en l’espace de quinze jours et toutes n’ont pas encore pu obtenir de réponses… Mais il y a aussi une part de dossiers d’entreprises qui n’ont pas eu gain de cause et dans ce cas, nous sommes le filet de rattrapage.

Quelles traces cette crise va-t-elle laisser ?

Kathie Werquin-Wattebled : Sur l’année, il y a aura une perte nette de PIB, liée aux dépenses qui n’auront pas été faites et qui ne sont pas rattrapables : les vacances au ski, les vacances de Pâques, les sorties au restaurant… Mais je suis d’un naturel optimiste et j’espère que nous allons en tirer des enseignements en matière de fonctionnement économique. Beaucoup d’entreprises ont réussi à mettre en place le télétravail, malgré les doutes ou les craintes que celui-ci suscitait. Continuer à y avoir recours par la suite peut être l’occasion de gagner en productivité sur les réunions ou les déplacements, qui sont consommateurs de temps… De plus, les conf call démarrent à l’heure et se terminent à l’heure. J'espère que chaque entreprise mènera une réflexion sur le sujet.

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