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Comment Arc adapte sa production pour pérenniser son activité
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Comment Arc adapte sa production pour pérenniser son activité

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Depuis quelques années, le géant des arts de la table, Arc doit faire face à diverses difficultés. Les effets de la guerre en Ukraine et de la hausse des prix de l’énergie interviennent dans une situation déjà tendue. Pour faire face, l’entreprise a annoncé une réduction de son activité, qui devrait perdurer jusqu’au début 2023.

Dès cet automne, quatre fours vont être arrêtés sur le site d'Arc, à Arques. Trois d'entre eux reprendront début 2023, si la conjoncture s'est améliorée. — Photo : MOITESSIER

Comme pour beaucoup d’autres industriels et entreprises, la guerre en Ukraine n’est pas sans conséquence sur l’activité d’Arc, leader mondial de la verrerie et des arts de la table (740 M€ de CA 2021, 5 000 salariés à Arques), installé à Arques dans le Pas-de-Calais depuis 1825. Des difficultés qui s’ajoutent à la longue liste de coups durs encaissés ces dernières années par le groupe. Présent dans 12 pays, employant 7 500 salariés dans le monde, le géant verrier n’a en effet pas été épargné au fil des ans par les difficultés financières, et s’est vu régulièrement renfloué pour soutenir sa compétitivité. La conjoncture actuelle vient donc encore tendre une situation déjà fragilisée.

"Dès le mois de juillet, nous avons rencontré deux aléas liés à la guerre", note Guillaume Rabel-Suquet, directeur des ressources humaines et de la communication. "Le premier concerne l’inflation qui a conduit nos clients particuliers à changer leur comportement d’achat. Ils se sont notamment recentrés sur les achats de première nécessité." Un changement opéré en une quinzaine de jours et qui a une incidence non négligeable sur le carnet de commandes : une perte de commandes estimée à 25 % sur les mois de septembre à décembre. "Nous avions prévu initialement un fléchissement des commandes sur les mois de novembre et décembre. Or, là, il s’opère plus tôt dans l’année", constate Guillaume Rabel-Suquet.

Envolée des prix de l’énergie

À cela s’ajoute un autre facteur non négligeable : l’envolée des prix de l’énergie. "Arc consomme 80 % de sa facture énergétique en gaz. Or, le prix de ce dernier a explosé ces derniers mois. En 2021, notre facture de gaz était de 19 millions d’euros. En 2022, elle s’élèvera à 75 millions d’euros, soit plus de 56 millions d’euros en un an. Si cela continue ainsi, en 2023, nous serons aux alentours de 200 millions d’euros, c’est intenable", conclut le directeur des ressources humaines. Et, la répercussion sur le prix de revient unitaire est sans appel : l’an dernier, la part de l’énergie dans le prix de revient d’un verre avoisinait les 10 % ; cette année, elle atteint les 40 %. "C’est inimaginable. On consomme un million de mégawattheure de gaz par an. Et il nous reste encore l’électricité à payer", met en perspective Guillaume Rabel-Suquet. Le groupe avait tenté d’anticiper cette contrainte dès le mois d’août avec une nouvelle injection de capitaux de la part de son actionnaire majoritaire, l’américain Dick Cashin, de 18,5 millions d’euros, suivie par un prêt de l’État français du même montant. "Cette nouvelle tranche est déclenchée de manière préventive pour sécuriser notre budget", explique Guillaume Rabel-Suquet. Mais cela ne suffit pas. Arc est contraint, début septembre, de réduire sa production de moitié.

Réduire l’activité

"Les niveaux attendus pour 2023 ne permettent pas de maintenir la production sur l’ensemble des 45 lignes, précise Martin Debacker, directeur opérationnel verrerie. Nous allons profiter des maintenances qui étaient prévues pour arrêter certains fours." Les fours H et L seront arrêtés en novembre et devraient reprendre début 2023. "Le four P sera volontairement arrêté en novembre ou en décembre et le four D va être arrêté définitivement", poursuit Martin Debacker. Un choix pas évident mais assumé. "Nous aurions pu arrêter complètement l’activité mais nous avons choisi de la ralentir car certains de nos clients nous demandent de poursuivre. On fait le pari que cette crise sera passagère", plaide Guillaume Rabel-Suquet.

Trouver de nouveaux leviers de croissance

Le groupe entame, en parallèle, une réorientation stratégique commerciale, notamment sur des produits à plus forte valeur ajoutée comme sa gamme professionnelle Chef & Sommelier. Connu notamment pour ses marques Luminarc et Cristal d'Arques Paris, Arc commercialise également les marques Arcoroc et ArcopalTM.

L’entreprise mise aussi sur l’innovation. Pour ce faire, elle a investi 15 millions d’euros en mai dernier dans une nouvelle ligne de production dédiée à la fabrication de verres à pied haut de gamme. Cette dernière, opérationnelle depuis le mois d’octobre, permet de produire jusqu’à 100 000 verres à pied en verre cristallin par jour, ce qui devrait lui permettre de doubler ses capacités pour ce marché porteur. De plus, contrairement aux procédés classiques, cette machine effectue la soudure du pied sans interruption, en une seule opération. Cette fusion de pied avec son contenant devrait permettre de réaliser une économie d’énergie de 30 à 40 %.

Autre choix stratégique opéré par le groupe, la vente de son terrain de camping de 30 hectares à Sainte-Cécile, dans le Pas-de-Calais. Lieu de villégiature pour les salariés et les retraités de l’entreprise, ce site historique les accueillait depuis 1985. "La situation actuelle est une urgence, justifie Guillaume Rabel-Suquet. Nous mettons tout en œuvre pour préserver l’activité et sauvegarder les emplois."

Préparer l’avenir

Ce n’est pas la première fois qu’Arc connaît des difficultés. Fin 2021, le groupe a rencontré des problèmes de logistiques et de logiciel. Une aide, composée de fonds privés et publics, de 45 millions d’euros avait alors été débloquée. Quelques années auparavant, en 2015, il bénéficiait déjà d’un prêt-relais des collectivités publiques, puis d’un prêt de 30 millions d’euros en 2019, dans le cadre d’un accord de financement de 120 millions d’euros. Depuis 2020, Arc a reçu 128,5 millions d’euros sous forme de prêt au titre du programme du Fonds de développement économique et social.

Guillaume Rabel-Suquet se veut néanmoins rassurant : "Au premier semestre 2022, notre résultat est positif tout comme notre Ebitda qui est supérieur à notre budget. Cela démontre que notre entreprise est économiquement pérenne. L’entreprise a un véritable savoir-faire. Nous avons opté pour un équilibre, certes, subtile mais qui va nous permettre de maintenir l’activité et d’honorer nos futures commandes. Cette diminution de l’activité est une sorte d’hibernation qui protège le groupe et nous permet de préparer l’avenir."

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