Travail, salaire, écologie… : le gouvernement presse les entreprises à prendre leurs responsabilités
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Travail, salaire, écologie… : le gouvernement presse les entreprises à prendre leurs responsabilités

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Après la réforme des retraites, le gouvernement tente d’ouvrir un nouveau chapitre. Mais sans repartir pour autant d’une page blanche. Emploi, réindustrialisation, environnement… le programme des six prochains mois, tel qu’esquissé par la Première ministre, reprend, sans surprise, des chantiers déjà connus. Mais pour relever ces défis, Élisabeth Borne compte aussi sur les entreprises pour "faire leur part"… et sur les partenaires sociaux pour avancer.

Lors de la présentation de son agenda de réformes sur les prochains mois, la Première ministre Élisabeth Borne a insisté sur la nécessité pour les entreprises de faire des efforts, notamment sur les salaires et l’environnement — Photo : Capture d'écran Twitter

Une conférence de presse aux allures de discours de politique générale. Une mise en musique des priorités présidentielles aux faux airs de réorchestration de projets et compilation de promesses déjà prévus. Le tout, exactement un an après le début du second quinquennat d’Emmanuel Macron et à l’aube de "100 jours d’apaisement" et de reconquête, voulus par le chef de l’État, au sortir de la réforme des retraites. C’est peu dire qu’Élisabeth Borne s’est adonnée, ce 26 avril, à un bien drôle d’exercice dans un drôle de timing, en cette période politique qui l’est tout autant.

Le dialogue social remis en valeur

À l’Élysée, derrière un pupitre annonçant la "présentation de la feuille de route et de l’agenda législatif", la chef du gouvernement a donc déroulé, pendant une demi-heure, le programme de l’exécutif jusqu’à l’automne - la fameuse échéance des 100 jours ayant une durée de vie plus ou moins extensible, en fonction des sujets. "Nous entrons dans une nouvelle phase d’action", a d’emblée assuré Élisabeth Borne. Avec un maître-mot pour le gouvernement : "accélérer", mais pas tout seul.

"Avec les partenaires sociaux, nous voulons renouer un dialogue apaisé et constructif et leur laisser plus d’initiatives et de responsabilités", a-t-elle ainsi lancé, dans un nouvel appel du pied aux syndicats, toujours fâchés par la réforme des retraites. Objectif affiché : parvenir, "d’ici le 14 juillet", à co-construire "un agenda social pour un nouveau pacte de la vie au travail. Perspectives de carrière et reconversion, prévention de l’usure professionnelle, emploi des seniors, compte épargne-temps universel, suite de la réforme de l’assurance chômage… tous les sujets sont sur la table pour améliorer la vie au travail", a expliqué la Première ministre.

L’index et le CDI seniors, présents dans la réforme des retraites mais censurés par le Conseil constitutionnel, sont donc a priori renvoyés à ces négociations. Gage de son respect du dialogue social, Élisabeth Borne promet aussi de consacrer un projet de loi spécifique à l’accord national interprofessionnel (ANI) sur le partage de la valeur, conclu en février par le patronat et les syndicats. Ce "travail délicat" de transposition sera mené "dans les trois mois qui viennent", sans plus de précision. Vidé de ces différents sujets, le texte promis sur "le plein-emploi" se limitera finalement à la création de "France Travail". Ce chantier vise à instaurer un "service public de l’emploi plus efficace au niveau national, comme territorial", censé, entre autres, "mieux répondre aux besoins des employeurs".

Un double appel à revaloriser les salaires

Sur les salaires, en revanche, la doctrine gouvernementale ne change pas d’un pouce. "Nous devons collectivement agir pour [les] revaloriser", explique Élisabeth Borne, alors qu’arrivera une nouvelle augmentation automatique du Smic au 1er mai. D’où le double appel désormais habituel de la Première ministre : l’un aux entreprises qui "doivent prendre leur part" dans la hausse de la rémunération de leur personnel, "notamment en offrant de vraies progressions de carrière" ; l’autre aux branches professionnelles, invitées à ouvrir des négociations "au plus vite" sur l’actualisation de leurs grilles salariales.

Inflation, écologie… : les entreprises attendues au tournant

Et ce n’est pas tout : le gouvernement attend des entreprises qu’elles "prennent leur part" sur plusieurs autres sujets. À commencer par la lutte contre l’inflation, notamment alimentaire. Si l’État a déjà "pris des mesures fortes", les entreprises doivent aussi contribuer à l’effort, exige Élisabeth Borne. Aux distributeurs donc d'"agir sur leurs marges" et aux industriels d'"accepter des renégociations, quand le cours des matières premières a baissé".

Même logique sur les enjeux climatiques : il faut "que chacun contribue à la hauteur de ce qu’il peut faire, a détaillé la Première ministre. La moitié des efforts à réaliser seront donc demandés aux entreprises, et notamment les grandes." À ce titre, les "contrats de transition écologique" et autres stratégies de décarbonation, demandées aux filières industrielles et aux 50 sites les plus polluants du pays, seront "finalisés fin juin". Ce même mois seront également présentés un "plan d’action concret" contre les émissions de gaz à effet de serre de l’aérien, ainsi qu’une "vision d’ensemble" de la planification écologique. Suivront des concertations pour élaborer un "projet de loi de programmation énergie-climat" d’ici à l’automne.

Le texte de soutien à l'"industrie verte" sera, lui, annoncé dès la mi-mai, pour examen au Parlement cet été. Autre sujet environnemental dans les tuyaux, en plus du plan de sobriété sur l’eau déjà dévoilé : la promotion d’une "nouvelle gestion de nos forêts". Enfin, la location à bas prix de véhicules propres (promesse de campagne d’Emmanuel Macron) devrait voir le jour à l’automne.

Des mesures nouvelles contre la crise du logement neuf

Parmi les autres chantiers balayés par Élisabeth Borne figurent également le plan anti-fraudes de Bercy (présentation en mai, premières applications "avant l’été"), ou encore des mesures de soutien au logement - rare nouveauté dévoilée lors de cette conférence de presse. La Caisse des Dépôts va notamment être appelée à la rescousse pour "racheter des logements neufs qui peinent à trouver des acquéreurs et débloquer ainsi les programmes en attente".

La loi immigration finalement repoussée

Enfin, dans l’élaboration de cet agenda très fourni, la chef du gouvernement a reconnu un raté : contrairement à ce qu’Emmanuel Macron avait planifié, le projet de loi immigration, et son controversé titre de séjour temporaire pour les métiers en tension de recrutement, ne verra pas le jour avant l’été, mais plutôt à l’automne. La faute à l’absence de majorité "pour voter un tel texte", a admis Élisabeth Borne.

"Par ailleurs, ce n’est pas le moment de lancer un débat sur un sujet qui pourrait diviser le pays", a-t-elle euphémisé. Comme un aveu à demi-mot qu’il faudra sans doute plus que 100 jours pour digérer la réforme des retraites et continuer à "avancer" dans un pays et avec un Parlement jamais aussi divisés depuis l’accession au pouvoir du président de la République.

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