Toujours fermées, les discothèques pourraient perdre 9 000 emplois
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Toujours fermées, les discothèques pourraient perdre 9 000 emplois

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Les règles de distanciation physique vont-elles faire trinquer les discothèques françaises ? Toujours soumis aux fermetures administratives, les établissements de nuit craignent tout autant l'inactivité imposée que la mise en place de règles sanitaires trop contraignantes.

Selon une étude du Syndicat National des Discothèques et Lieux de Loisirs, un établissement de nuit sur trois en France pourrait ne pas se remettre de l'épidémie de coronavirus — Photo : ©deagreez - stock.adobe.com

Une discothèque sur trois pourrait mettre la clé sous la porte en France. Dans le monde de la nuit, l’étude réalisée par le Syndicat National des Discothèques et Lieux de Loisirs (SNDLL), qui représente 1 600 discothèques et 1 600 cabarets et bars à ambiance musicale, fait froid dans le dos. Président du SNDLL, Patrick Malvaës craint une hécatombe pour un secteur qui pèse tout de même un milliard d’euros de chiffre d’affaires mais qui a perdu de sa superbe bien avant l'arrivée du coronavirus.

En vingt ans, le nombre d’établissements en France a déjà été divisé par deux. L’épidémie et les contraintes sanitaires pourraient encore accélérer ce long déclin. Sur les 25 000 à 30 000 emplois du secteur, les discothèques pourraient perdre « entre 7 000 et 9 000 emplois d’ici le printemps 2021 », estime Patrick Malvaës. Pour certains, le glas a déjà sonné, à l’image du VIP Room de Jean Roch, l’une des plus emblématiques boîtes de nuit parisiennes, qui a annoncé sa fermeture définitive fin mai.

Des discothèques "sous perfusion"

Il faut dire que les règles de distanciation physique imposées par l’épidémie de Covid-19 sont difficilement compatibles avec l’activité même des night-clubs. Alors que les bars ont rouvert, les discothèques restent soumises à des fermetures administratives. Du coup, le monde de la nuit vit toujours sous perfusion.

À Nice, sur la Promenade des Anglais, les pistes de danse du High Club, qui accueillent jusqu’à 1 500 noctambules par soir, demeurent complètement vides. Ayant mis ses 52 salariés au chômage partiel, le dirigeant Jérôme Calatraba évalue le manque à gagner entre 150 000 et 175 000 euros par mois. Sans parler des charges qui, elles, restent à payer. Electricité, gaz, loyer, abonnement pour les terminaux électroniques, abonnement pour l’alarme, primes d’assurances… "Pour un établissement de nuit comme le nôtre, cela représente entre 15 000 et 35 000 euros par mois", indique Aldo Anzalone et Boualem Yakoubi, les deux gérants associés de la discothèque Le Nautilus à Saint-Etienne, qui ont placé leurs 21 salariés en chômage partiel mais n'ont pas eu droit aux 1 500 euros du fonds de solidarité (réservés aux établissements de moins de 10 salariés).

À Lille, à la tête du Duke’s, Franck Duquesne garde, lui aussi, la tête hors de l’eau grâce aux aides mises en place par l’État. « Pour le moment, on tient le coup grâce au chômage partiel. J’ai par ailleurs fait une demande pour un prêt garanti par l’État de 400 000 euros. Si j’en obtiens au moins la moitié, cela devrait me permettre de tenir quelques temps, mais il faudra bien rembourser ce prêt », indique le dirigeant qui emploie 19 employés et dont l’établissement réalise 1,8 million d’euros de chiffre d’affaires.

Espoirs et craintes de la réouverture

Ce qu'attendent avec impatience les dirigeants de discothèques, ce sont les annonces que le gouvernement prendra à leur égard le 22 juin. Car se profile enfin une reprise d’activité. Mais l’espoir d’une réouverture est très vite contrebalancé par la crainte de règles sanitaires trop contraignantes. À Lille, le Duke’s peut en temps normal accueillir 540 personnes. Son dirigeant s’interroge : « Est-ce qu’il va falloir se limiter à la moitié ? Au tiers ? Même si on nous impose la moitié, cela n’a pas d’intérêt pour nous. Ce que l’on vient chercher en boîte de nuit, c’est le contact humain, et le monde attire le monde. Faire la fête dans une salle à moitié vide, cela n'a pas d’intérêt ! », estime Franck Duquesne.

Sur le respect par les clients des nouvelles règles sanitaires, le Niçois Jérôme Calatraba abonde : « Que pourrai-je faire si un client, après deux verres d’alcool, jette son masque ? Je devrais le mettre dehors ? C’est impossible à gérer ! Il est déjà difficile de gérer les fumoirs ! », peste-t-il.

Un avis partagé par le patron du SNDLL : « Plutôt que d’ouvrir coûte que coûte avec des protocoles qui transformeront les établissements en mouroirs, mieux vaudrait attendre des conditions plus propices. Ne pas perdre plus d’argent, ce serait déjà en gagner… », soutient Patrick Malvaës.

Des mesures sanitaires impossibles ?

Alors, dans quelles conditions rouvrir ? Le président du Syndicat National des Discothèques se dit tout de même prêt à faire des compromis : une réduction de la capacité d’accueil de 30 %, l’utilisation de verres à usage unique, le port du masque dans les files d’attente mais pas sur les pistes de danse, et la mise en place d’une « distanciation physique dynamique » prenant en compte les déplacements des clubbeurs dans l'établissement… Pour compenser le manque à gagner, Patrick Malvaës demande par ailleurs de nouvelles aides économiques, comme un abaissement de la TVA et la création d’un fonds de soutien de 400 à 500 millions d’euros, abondé par les assurances.

Le monde de la nuit fait donc face à un terrible dilemme, que résume Sébastien Labeyrie, dirigeant du Monseigneur, une boîte de nuit bordelaise qui emploie 14 salariés : « Nous devons rouvrir pour survivre, mais il est impossible de faire respecter les mesures sanitaires en discothèque ». L'équation semble insoluble.

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