Santé au travail : ces 4 obligations qui s’imposeront bientôt aux entreprises
# Santé # Gestion

Santé au travail : ces 4 obligations qui s’imposeront bientôt aux entreprises

S'abonner

La santé au travail se refait… une santé. Les parlementaires ont fait entrer dans la loi l’accord national interprofessionnel, négocié par les partenaires sociaux fin 2020. Le texte multiplie les initiatives pour développer la prévention en entreprise. Un mouvement auquel les employeurs sont appelés à participer. Duerp, Papripact, passeport et rendez-vous de liaison : zoom sur ces nouvelles obligations qui s’imposeront à eux d’ici 2022.

Issue d’un accord négocié par les partenaires sociaux, la loi sur la santé au travail met l’accent sur la prévention et oblige les employeurs à prendre des actions concrètes en ce sens — Photo : Jacob Lund

La pandémie de Covid-19 a beau avoir déréglé le monde de l’entreprise, elle aura au moins eu un mérite : ranimer le dialogue social. Moribond, après l’échec des négociations sur l’assurance chômage début 2019, mis au supplice par la réforme des retraites à la fin de la même année, il a subitement ressuscité à l’automne dernier. Patronat et syndicats ont alors conclu, coup sur coup, deux accords nationaux interprofessionnels (ANI), l’un sur le télétravail, l’autre sur la santé au travail. Le second vient justement d’être transposé dans le droit, à la faveur d’une loi publiée, début août, au Journal officiel.

Le texte prévoit notamment un élargissement des missions des SST, transformés, pour l’occasion, en SSPT (pour "services de prévention et de santé au travail"), avec, à la clé, une refonte de leur offre, autour d’un "socle de services". Les entreprises ne sont pas oubliées : plusieurs obligations nouvelles s’imposeront bientôt à elles pour faire progresser la prévention et endiguer la "désinsertion". Ces innovations se résument à l’instauration de trois documents et l’institutionnalisation de quatre rendez-vous.

Un programme annuel d’actions dans les entreprises

Premier outil étoffé par la loi, le document unique d’évaluation des risques professionnels. Créé par décret en 2001, il fait désormais l’objet d’un tout nouvel article du Code du travail (le L. 4121-3-1). Lequel rappelle que ce Duerp "répertorie l’ensemble des risques professionnels auxquels sont exposés les travailleurs et assure la traçabilité collective de ces expositions". Mais ce n’est pas tout : cet effort d’information doit désormais être suivi d’actions concrètes.

Ainsi, à l’issue de cette évaluation, l’employeur doit s’engager dans une démarche particulière, qui dépend de la taille de son entreprise.

Si ses effectifs sont supérieurs à 50 salariés, il doit élaborer un "programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail". Ce Papripact, quèsaco ? Il s’agit d’une "liste détaillée des mesures devant être prises au cours de l’année à venir", dont celles pour la "prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels". En regard de chaque action doivent apparaître les conditions de son exécution, des indicateurs de résultat et une estimation de son coût. Le tout complété par un calendrier de mise en œuvre et des indications sur "les ressources de l’entreprise pouvant être mobilisées".

Les TPE et PME de moins de 50 salariés échappent à la lourdeur de cette nouvelle charge administrative. Mais elles doivent tout de même définir des "actions de prévention des risques et de protection des salariés". Celles-ci devront ensuite être reportées dans le Duerp et présentées aux représentants du personnel au CSE.

L’ensemble de ces nouvelles obligations devraient s’appliquer à partir du 31 mars 2022.

- Le Duerp devra être conservé en interne et déposé en ligne

La loi précise également les modalités d’accès au document unique d’évaluation. Chaque mise à jour doit être envoyée au service de prévention et de santé au travail, en plus d’être conservée au moins 40 ans par l’entreprise - un décret doit encore préciser les conditions de cet archivage interne.

Une certitude toutefois : à partir du 1er juillet 2023 pour les sociétés de plus de 150 salariés (échéance repoussée, au plus tard, au 1er juillet 2024 pour les autres), le Duerp devra être déposé en ligne, sur un portail, géré indirectement par les organisations patronales. Là encore, les détails seront fixés ultérieurement.

Un passeport de prévention pour les salariés

L’autre innovation majeure de la loi sur la santé au travail s’appelle le "passeport de prévention". Ce document personnel compile "les attestations, certificats et diplômes obtenus" par chaque salarié (ou demandeur d’emploi), en matière de santé et sécurité au travail. Il peut être renseigné à la fois par la personne elle-même, son employeur ou les organismes de formation, par lesquels elle est passée. L’entreprise pourra accéder à son contenu, sur autorisation du travailleur.

Intérêt de la mesure, pour Olivier Dutheillet de Lamothe, du cabinet CMS Francis Lefebvre Avocats : apporter une garantie sur les cursus déjà suivis et assurer l’optimisation de ceux à venir. "Il sera désormais beaucoup plus facile d’éviter l’engagement dans des modules de formations surabondantes, voire redondantes", nous expliquait récemment l’avocat.

Les modalités d’application de ce passeport de prévention seront précisées plus tard. Mais, dans tous les cas, il devra entrer en vigueur avant le 1er octobre 2022.

Quatre rendez-vous médicaux contre la "désinsertion professionnelle"

Pour "renforcer la prévention en santé au travail", objectif affiché et intitulé officiel de la loi du 2 août, les entreprises n’auront pas que des documents administratifs à remplir. Elles devront aussi s’habituer à de nouveaux entretiens.

- Une visite de "mi-carrière" pour les salariés de 45 ans

On connaissait l’examen médical d’embauche. Voici venue la "visite de mi-carrière". Elle se tiendra, par défaut, aux 45 ans du salarié, à moins qu’un accord de branche n’ait prévu une autre échéance. La date peut également être anticipée de deux ans, de manière, le cas échéant, à regrouper ce nouveau rendez-vous avec un autre, tombant dans la même période.

À l’issue de cette visite médicale intermédiaire, le médecin du travail pourra proposer des aménagements du poste ou des horaires de la personne auscultée.

Pourquoi rajouter cet examen, quand les actuels SST peinent déjà à assurer le renouvellement, tous les cinq ans, de la visite médicale ordinaire ? Pour anticiper les difficultés liées à l’âge. La loi fixe ainsi trois objectifs à ce rendez-vous de mi-carrière : sensibiliser le salarié aux enjeux du vieillissement au travail et à la prévention des risques professionnels ; établir un état des lieux de l’adéquation entre son poste et son état de santé ; évaluer les risques de désinsertion professionnelle, en prenant en compte l’évolution de ses capacités en fonction de son parcours professionnel, de son âge et de son état de santé.

- Un nouveau "rendez-vous de liaison" pour les longues absences

Lutter contre la "désinsertion professionnelle", c’est justement l’un des piliers du texte. Cette priorité se déclinera dans l’organisation même des SSPT, appelés à former des cellules dédiées à cette question. Elle va également se matérialiser, dans les entreprises, par trois entretiens spécifiques. Les deux premiers, effectués par le médecin du travail, sont déjà bien connus, mais ont désormais force de loi.

L’examen de reprise est organisé au retour d’un congé de maternité ou après certains arrêts de travail. Lesquels ? Il faudra attendre un décret pour le savoir. Mais à l’heure actuelle, la mesure est réservée aux absences (maladie ou accident) de plus de 30 jours ou à celles dues à une pathologie professionnelle.

L’examen de préreprise, de son côté, s’adressera aux salariés de retour d’un arrêt de travail long (durée à définir, mais actuellement fixée à plus de 3 mois). Il servira notamment à étudier la mise en œuvre de "mesures d’adaptation individuelles". L’employeur se doit de prévenir les personnes potentiellement concernées qu’elles peuvent bénéficier de cette visite.

À noter qu’à l’issue de cet examen, s’il anticipe "un risque d’inaptitude" du travailleur, le médecin pourra lui proposer une "convention de rééducation professionnelle en entreprise" (CRPE). Ce dispositif de réinsertion, jusqu’ici réservé aux personnes handicapées, voit ainsi son champ d’application élargi. Il sera également ouvert aux salariés déclarés inaptes, à la suite d’une étude de poste.

Le "rendez-vous de liaison", lui, est une vraie nouveauté et implique directement l’entreprise. Il s’agit en effet d’une rencontre entre l’employeur et un travailleur en arrêt de longue durée (là encore, un décret dira de combien), pour cause de maladie ou d’accident (certificat médical, voire contre-visite, faisant foi). La réunion, "associant le service de prévention et de santé au travail", vise à informer le salarié qu’il peut bénéficier d’actions de prévention de la désinsertion professionnelle, de l’examen de préreprise et de mesures individuelles d’aménagement de son poste ou de ses horaires.

Ce rendez-vous peut être sollicité par l’employé lui-même ou par l’entreprise. La seconde devra, de toute manière, informer le premier de l’existence de cette procédure. Étant précisé qu'"aucune conséquence ne peut être tirée du refus par le salarié de se rendre à ce rendez-vous".

# Santé # Gestion # Juridique # Ressources humaines