Réindustrialisation : les grands défis de la France
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Réindustrialisation : les grands défis de la France

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La crise sanitaire de la Covid-19 et la guerre en Ukraine ont révélé les multiples dépendances de la France en matière d’approvisionnement et la nécessité de retrouver sa souveraineté industrielle. Mais, entre prise de conscience collective, guerre des talents et transition environnementale, la France doit relever de nombreux défis pour réussir à se réindustrialiser.

En 20 ans, la France a perdu un tiers de ses emplois industriels — Photo : Juliette Jem

Entre 1995 et 2015, la France s’est vidée de près de la moitié de ses usines et a perdu un tiers de ses emplois industriels. En termes de poids économique, l’industrie ne représente qu’à peine 13 % de la population active (contre 25,5 % pour l’Allemagne, 19,7 % pour l’Italie) et seulement 14 % du PIB (32 % en Allemagne).

Les temps sont en train de changer. La crise sanitaire et le conflit en Ukraine ont mis au grand jour les dangers d’une France sans usine, dépendante du reste du monde, à commencer de l’Asie. Au sommet de l’État, la ligne est claire : "La France industrielle n’est plus un gros mot à Bercy mais une réalité. Nous souhaitons accompagner les entrepreneurs. Je vais être le capitaine pour animer l’ensemble des parties prenantes de l’industrie pour la porter vers l’avant dans les trois prochaines années", assure Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie, lors de la REF (Rencontre des Entrepreneurs de France).

Mobilisation générale et baisse fiscale

Reste que la bataille de la réindustrialisation de la France ne se gagnera pas en un claquement de doigts. Pour Patrick Martin, président délégué du Medef, il faut "une mobilisation générale. Il faut actionner tous les leviers. L’un d’eux est une étroite collaboration avec les administrations et les élus locaux. L’industrie doit devenir une priorité nationale". Si le représentant patronal se réjouit de la deuxième baisse des impôts de production, il alerte néanmoins sur la nécessité d’un reversement aux collectivités locales, afin de "faire en sorte que ce qu’elles ont perdu sous forme d’impôts locaux, elles le retrouvent avec une recette dynamique", comme il en existe dans d’autres pays comme l’Allemagne ou les pays scandinaves. Objectif : réintéresser les collectivités à la réindustrialisation du pays. Autre cheval de bataille du Medef, la sanctuarisation du crédit d’impôt recherche et le plus large développement du crédit impôt innovation : "Il nous reste un écart de productivité vis-à-vis de nos concurrents européens, il faut donc que l’on se dégage des moyens financiers", estime Patrick Martin.

Après Top Chef, un Top Fab ?

"C’est par l’industrie, responsable de 80 % de la recherche-développement, que viendra la réponse à la transition écologique", assure Angeles Garcia-Poveda, présidente du conseil d’administration de Legrand. Ce que confirme Carole Delga, présidente de la région Occitanie et de Régions de France : "L’industrie de demain sera verte ou ne sera pas". À la fois pour répondre à l’urgence climatique et aux enjeux RH. "Les entreprises doivent être beaucoup plus attractives pour les jeunes générations qui sont plus attentives à l’argument de l’empreinte écologique" et pour les personnes en reconversion reconnaît-elle.

Et en termes d’attractivité, l’industrie française a encore du pain sur la planche. Pour attirer des talents, elle doit "casser l’image d’une industrie à la Zola et son côté pénibilité qui n’existe plus", assure Carole Delga. "Si nous voulons être entendus pour réhabiliter l’industrie, il faut crier tout le temps et fort. Je propose de faire Top Fab à la télé, comme il y a Top Chef", insiste le directeur général de Bpifrance Nicolas Dufourcq. La difficulté provient d’abord du fait que les écoles n’ouvrent pas assez leurs portes à l’industrie : "Nous devons créer une révolution au niveau de l’Education nationale pour que les proviseurs acceptent d’accueillir des industriels", avance Carole Delga. L’industrie doit travailler à la fois sur ses messages et sur les canaux qu’elle utilise pour réussir à capter les jeunes. "Il faut aller là où ils sont et employer leur langage", complète Angeles Garcia-Poveda. Et ce, dès le collège avec les stages de troisième ; "on peut imaginer des stages ouvriers obligatoires", poursuit-elle. Pour Roland Lescure, si l’on a fait "un bond énorme" dans l’apprentissage, c’est "essentiellement dans le supérieur, il faut descendre dans les niveaux de qualification". Et réussir à démontrer aux jeunes que "l’industrie, cela dépollue, c’est l’avenir et que cela paye mieux – 2 770 € en moyenne contre 2 500 dans l’économie classique – et donne des perspectives".

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