Redressements et liquidations judiciaires : recul historique des défaillances d’entreprises en 2019
# Conjoncture

Redressements et liquidations judiciaires : recul historique des défaillances d’entreprises en 2019

S'abonner

Le nombre de défaillances d’entreprises a reculé de 4,6 % en 2019 pour s’établir à 50 047 en France métropolitaine, soit le niveau le plus bas sur la dernière décennie, selon une étude d'Ellisphere. Dans un contexte marqué par le ralentissement de la croissance et de nombreuses incertitudes, comment faut-il interpréter ces chiffres ? Et que peut-on attendre de 2020 ?

Si les défaillances d'entreprises ont reculé de 6% dans le BTP en 2019, ce secteur pèse toujours pour un quart des redressements et des liquidations judiciaires en France — Photo : Didier San Martin

En 2019, le niveau des défaillances d’entreprises a atteint son niveau le plus bas depuis 2010. Sur cette seule année, le nombre d’entreprises défaillantes, placées en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire directe a, en effet, reculé de 4,6 % pour s’établir à 50 047 en France métropolitaine, selon la société Ellisphere, spécialisée dans l’information économique, légale et financière sur les entreprises en France et à l’international. Ce sont 11 900 défaillances de moins qu’en 2015, année où elles avaient atteint le niveau record de 62 000. Le cumul des emplois menacés par les défaillances suit la même évolution, quoique de façon plus mesurée. Avec 155 800 postes impactés par les défaillances, le recul s’élève seulement à 0,3 % en France métropolitaine.

Moins de défaillances malgré les Gilets jaunes et les grèves

« L’évolution s’est faite en deux temps. Fin août 2019, le niveau des défaillances était quasi stable par rapport à 2018. Le dernier trimestre a en revanche été beaucoup plus impactant et a marqué le recul sur l’année », analyse Max Jammot, responsable du pôle économique chez Ellisphere. Ces bons résultats s’inscrivent dans un environnement économique perturbé en début d’année par le mouvement des Gilets jaunes, puis par les grèves en décembre. Il faut y ajouter le ralentissement de la croissance française revue à la baisse : 1,2 % contre 1,3 % initialement prévu. Celle-ci n’en demeure pas moins supérieure à la moyenne européenne. Et cela se traduit positivement sur l’emploi avec un reflux de 3 % sur l’année du nombre de chômeurs de catégorie A. Avec 121 000 personnes en moins, c’est la plus forte baisse enregistrée sur un an depuis la crise de 2008. Certains observateurs se montrent cependant moins optimistes. « Les chiffres sont le reflet d’une situation passée qui a évolué depuis. Certes l’année 2019 a été plutôt favorable avec une baisse significative des procédures. Mais, avec 35 000 liquidations directes, nous restons à un niveau supérieur à celui d’avant la crise. Le faible nombre – à peine 1 000 – d’entreprises placées sous procédure de sauvegarde signifie que les problèmes de vulnérabilité ne sont pas traités en amont », déplore Bernard Hibert, président de la CPME Centre-Val de Loire.

Les TPE plus touchées par les défaillances

Les entreprises les plus affectées par ces défaillances sont, comme les années précédentes, les plus petites. En effet, de façon structurelle, les défaillances touchent à 92 % des TPE. Si la très grande majorité des secteurs d’activité connaissent une diminution des défaillances, trois d’entre eux demeurent plus exposés. Le BTP, les services aux entreprises et les services aux particuliers concentrent ainsi près de 55 % du nombre total de défaillances en 2019. Le BTP représente à lui seul environ le quart des jugements et des emplois menacés en France métropolitaine. Pour autant, les défaillances dans ce secteur sont en recul de 6 % et l’activité du bâtiment a progressé de 1,2 %.

Le BTP limite la casse

« Le BTP est souvent le premier sinistré en cas de crise mais il est aussi très résilient. Au sein du BTP, l’artisanat a notamment réussi à limiter la casse », commente Max Jammot. Dans les services, le transport routier de marchandises a connu une hausse des défaillances de 8 % l’an dernier, essentiellement en raison de la progression des coûts sociaux dans le secteur et de la volatilité du prix des carburants. Même évolution négative pour la publicité, l’information et la communication. Intervenant dans des domaines très concurrentiels, ces activités ont souffert des arbitrages réalisés par les grands donneurs d’ordres. Par ailleurs, de nouvelles professions font leur apparition dans les statistiques des entreprises défaillantes. C’est par exemple le cas des pharmacies. Tout comme des cabinets d’avocats et d’architectes qui sont également de plus en plus nombreux à mettre la clé sous la porte. A contrario, le nombre de défaillance baisse de façon spectaculaire dans les secteurs de l’énergie, de la chimie ou de l’agroalimentaire.

Des disparités régionales persistantes

Globalement, en 2019, les régions Île-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) cumulent 46 % des défaillances métropolitaines. Rien d’étonnant à cela : ces régions fortement peuplées ont également une densité d’entreprises supérieure à la moyenne et la concurrence joue davantage. Logiquement les défaillances y sont plus nombreuses. Dans d’autres régions, moins bien dotées en entreprises, les risques de défaillances sont par définition plus faibles. Font exception les régions Pays de la Loire et Normandie qui connaissent une forte baisse des défaillances en lien avec leur bonne santé économique. Inversement les régions Paca, Bourgogne-Franche-Comté et Corse apparaissent plus touchées.

« Les mouvements sociaux donnent souvent un coup de grâce à des entreprises déjà fragilisées »

Les causes de ces défaillances sont principalement imputables à des difficultés de trésorerie, en raison de marges de plus en plus réduites. « La dégradation peut s’étaler sur plusieurs exercices avant que surgisse la défaillance. Les mouvements sociaux donnent souvent un coup de grâce à des entreprises déjà fragilisées. Je pense notamment aux commerces et restaurants en centre-ville, dans les gares ou autour des gares. Les entreprises adossées à un groupe peuvent s’en sortir, mais cela devient très compliqué pour un indépendant, s’il n’a pas souscrit une assurance perte d’exploitation », commente Max Jammot.

Quel sera l’impact des grèves et du coronavirus ?

Le reflux des défaillances va-t-il se poursuivre en 2020 ? Difficile à dire tant la conjoncture économique paraît incertaine. Dans l’Hexagone, l’impact des mouvements sociaux sur les défaillances d’entreprises reste à mesurer. « Ils pourraient, selon moi, avoir des conséquences importantes. La situation dans les ports est préoccupante pour l’ensemble des acteurs de la chaîne logistique. La situation est très compliquée pour beaucoup de ports français, profite aux ports d’Anvers et de Rotterdam et ruine les efforts de relance de la filière maritime. Par ailleurs, la CPME estime à 80 % les PME impactées par les grèves. Et maintenant le secteur du tourisme se trouve affecté par l’épidémie de coronavirus en Chine. En janvier 2020, le taux d’annulation atteignait 80 % dans certains hôtels de Paris et d’Île-de-France pour la clientèle chinoise », pointe Max Jammot.

Incertitudes géopolitiques

Cette épidémie constitue, avec le Brexit et la guerre commerciale liée aux mesures protectionnistes prises par Donald Trump, des facteurs d’incertitude et autant de risques potentiels qui pourraient ternir le panorama globalement positif de l’année 2019. « Les faillites de grands groupes comme Aigle Azur, XL Airways, Remade ou encore, plus récemment, de Pronuptia ont alourdi le coût social des défaillances d’entreprises au quatrième trimestre 2019 », note Max Jammot. Pour sa part, la CPME alerte via un communiqué : « Les défaillances de PME entre 50 et 99 salariés ont, quant à elles, explosé de 33 % sur le dernier trimestre. Ces entreprises trop petites et trop grandes à la fois souffrent de handicaps structurels parmi lesquels on trouve les obligations et surcoûts liés au seuil social de 50 salariés. Nombre d’entre elles n’ont plus aujourd’hui la trésorerie suffisante pour absorber des difficultés liées à des baisses d’activité conjoncturelles. »

Pour l’heure, le gouvernement table sur une croissance de 1,3 %. La Banque de France mise, pour sa part, sur une progression de 1,1 %, soit le taux le plus bas depuis 2016. Les signaux émanant des enquêtes de conjoncture se dégradent légèrement, tout en restant à un bon niveau. À chacun donc de voir le verre à moitié plein ou à moitié vide.

# Conjoncture