Recrutement, financement, numérique... qu'est-ce qui préoccupe les dirigeants de PME en 2019 ?
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Recrutement, financement, numérique... qu'est-ce qui préoccupe les dirigeants de PME en 2019 ?

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Les préoccupations des patrons de PME ont bien changé en dix ans. Obnubilées par les questions de financement et d’accès au crédit bancaire, au lendemain de la crise de 2008, les entreprises ont aujourd’hui d’autres soucis à se faire. Le premier d’entre eux, selon une étude de KPMG et la CPME : les ressources humaines. Recrutement, fidélisation, marque employeur... ces sujets RH ne seraient plus l’apanage des grands groupes.

— Photo : ©yurolaitsalbert - stock.adobe.com

Changement d’époque dans les petites et moyennes entreprises : leur principale préoccupation est désormais à chercher du côté de leurs ressources humaines, plutôt que financières. Tel est l’enseignement majeur du dernier baromètre du développement des PME, réalisé par KPMG France et la CPME.

Signe des temps, "le sujet du recrutement devient un nouveau frein au développement", avertit cette étude. À l’inverse, "le financement n’est plus un sujet majeur pour les dirigeants que dans un cas sur dix". Les questions de trésorerie et d’accès au crédit étaient pourtant au cœur des premières éditions de ce baromètre, lancé en 2009, au lendemain de la crise financière mondiale.

Pour Nicolas Beaudouin, associé KPMG France, ce retournement de tendance est, certes, la résultante d’une conjoncture plus favorable. Mais aussi d'un précepte bien connu en économie : « La rareté fait la valeur. La manière dont les dirigeants d’entreprise considèrent leurs salariés est en train de changer, parce que le capital humain est devenu une ressource rare… comme l’était le financement il y a dix ans, en quelque sorte. »

Les ressources humaines : un frein autant qu’un levier

Deux indicateurs du baromètre KPMG-CPME trahissent cette importance nouvelle des RH dans les PME françaises. Interrogés sur les principales difficultés rencontrées par les entreprises, 27 % des 401 dirigeants sondés ont placé les "problèmes de recrutement" en tête. Ce taux monte même à 36 % dans les PME de plus de 50 salariés, 39 % dans l’industrie. L’enjeu des embauches est tel qu’il "surclasse" la traditionnelle problématique du coût du travail, mentionnée par 19 % des patrons, devant la fiscalité (16 %).

Ces tensions de recrutement, qui ont poussé les salaires à la hausse en 2019, sont d’autant plus pénalisantes que la "gestion des ressources humaines" devient un facteur de développement en soi dans les PME : 26 % la considèrent ni plus ni moins que comme le principal levier de croissance de leur entreprise au cours des douze derniers mois. Ce qui place les RH à la première place de ce classement (si l’on en exclut le « dynamisme général [du] secteur d’activité », facteur exogène relevé par un tiers des entreprises), loin devant les investissements (dans la production ou les infrastructures) et l’innovation (8 % chacun).

• Des stratégies variées pour recruter

Pour Nicolas Beaudouin, ce résultat est une surprise par son ampleur, mais une confirmation de son ressenti : « Chez KPMG, nous n’avons jamais vu autant d’entreprises de petite taille venir nous chercher sur des sujets RH, ou des enjeux de marque employeur. »

En cause : « un marché du travail hypertendu », couplé à une plus grande mobilité du personnel. « Les dirigeants d’entreprise en viennent à regarder leurs salariés avec des yeux différents, analyse l’associé KPMG France. Ils se disent : "J’ai plus envie de faire évoluer mes collaborateurs, que d’en changer. Et en tout cas, je ne veux pas qu’ils s’en aillent !" Ils vont, dès lors, commencer par s’occuper de ceux qui sont là pour en attirer d’autres. »

« La croissance externe devient un moyen, non pas de gagner des parts de marché, mais d’acquérir des compétences. »

Une stratégie d’autant plus nécessaire qu’en France, malgré un chômage élevé, la main-d’œuvre manque. Paradoxal ? Pas pour Nicolas Beaudouin : « Nos TPE sont de petites Formule 1. Elles sont en moyenne beaucoup plus performantes qu’il y a dix ans, notamment parce qu’elles ont survécu à la crise et, pour ce faire, se sont repliées sur des compétences fortes. Aujourd’hui, dans un contexte de prix tirés vers le bas et de marges réduites, elles doivent rester exigeantes sur tous les maillons de la chaîne. Quand elles recrutent, elles ont donc besoin de personnes opérationnelles, qui soient plus "prêtes à l’emploi" qu’auparavant. »

Pour résoudre leurs problèmes de recrutement, certaines entreprises vont jusqu’à prendre des chemins détournés : « Nombre de mes clients me disent qu’il vaut dorénavant mieux racheter des sociétés qu’embaucher des salariés. Ils abordent la croissance externe comme un moyen, non pas de gagner des parts de marché, mais d’acquérir des compétences. »

Réponses à la question sur "la principale difficulté économique et financière que votre entreprise rencontre aujourd'hui", dans le baromètre KPMG-CPME du développement des PME 2019 — Photo : © KPMG

L’accès au crédit : un problème moins prégnant

Qu’en est-il alors des questions de financement ? En 2009, quelques mois après la crise financière des subprimes, elles hantaient les patrons. Dix ans plus tard, ils se sentent moins entravés par ces questions, assure KPMG France : ils ne sont plus que 11 % à citer les problèmes de trésorerie comme la principale difficulté de leur entreprise.

Pourtant, paradoxalement, l’accès au crédit ne s’est pas vraiment amélioré : plus de 7 dirigeants d’entreprise sur dix disent avoir subi au moins une mesure de durcissement des conditions d’obtention d’un financement de la part de leur banque. Cet indicateur n’a baissé que de 3 points en 10 ans (de 77 % en octobre 2009 à 74 % aujourd’hui).

• Le traumatisme de la crise financière demeure

Nicolas Beaudouin entrevoit, dans cette stabilité, les stigmates de la crise de 2008 : « Il reste sans doute un peu de méfiance de l’entrepreneur vis-à-vis de sa banque… » Un traumatisme qui peut aussi se lire dans ce chiffre : 45 % des sondés affirment n’avoir aucun besoin de financement (+13 points en dix ans). Un niveau « trop élevé », pour Nicolas Beaudouin, dont l’une des causes pourrait être « un contrecoup de la crise, une volonté de ne plus s’exposer, sur le thème : "avant de dépenser de l’argent, je dois d'abord l'avoir gagné…"»

Enfin, les problématiques liées au financement n’ont pas complètement disparu pour tout le monde : elles persistent chez les dirigeants d’entreprises innovantes, d’une part, et, d’autre part, chez ces 31 % d’entrepreneurs que le baromètre qualifie "d'inquiets en quête de rentabilité". « Pour ces patrons de très petites structures (6 à 9 salariés), la gestion de la trésorerie demeure un vrai sujet, décrypte Nicolas Beaudouin. Le banquier reste celui qui décide de leur vie ou de leur mort. »

Le numérique : un enjeu encore mal compris

Et le numérique dans tout ça ? À l’heure de la transformation digitale, ce thème semble presque le cadet des soucis patronaux. Et c’est bien ce qui effraie Nicolas Beaudouin : « Est-ce que les chefs d’entreprise prennent la mesure du problème et de l’opportunité que représentent les révolutions numériques en cours dans tous les secteurs d’activité ? » Le doute est permis à la lecture de ce baromètre.

Ainsi, 42 % des dirigeants reconnaissent que le digital est « peu ou pas [développé] » dans leur entreprise, « car il ne s’agit pas d’un enjeu important pour [leur] activité ». Une proportion qui monte à 53 % dans l’industrie, un secteur dont les espoirs de renaissance reposent pourtant sur l’usine 4.0 ! Des chiffres jugés "préoccupants" par KPMG, "compte tenu du caractère universel des transformations à opérer".

"Les digitaux sceptiques ne considèrent pas le numérique comme un sujet d’importance, notamment pour le développement de leur entreprise."

Plus inquiétant encore, le cabinet d’audit a repéré une catégorie d’entrepreneurs hermétiques aux enjeux du numérique. Ces "digitaux sceptiques" (11 % de l’échantillon) "ne considèrent pas le digital comme un sujet d’importance, notamment pour le développement de leur entreprise". 98 % d’entre eux se disent même "non concernés par le fait d’avoir des moyens ou non pour développer ou pérenniser leurs activités digitales".

• Une prise de conscience insuffisante des enjeux digitaux

C’est que, dans le même temps, le "développement du numérique" peine à être perçu comme un facteur de développement par les dirigeants. Seuls 5 % en font leur principal levier de croissance sur les douze derniers mois. Quant à ceux qui aimeraient en faire plus sur ces sujets, ils pointent du doigt, comme principaux freins à leurs efforts, le manque de temps pour s’y former (à 21 %) et de budget pour y investir (17 %).

Dans ces conditions, pas étonnant que la France reste à la traîne en matière de transformation digitale. Un retard dans la prise de conscience qui se manifeste déjà à plusieurs niveaux. Des critères les plus basiques - la France se classe 21e sur 28 en Europe en nombre d’entreprises de plus de 10 salariés disposant d’un site web (elles sont 69 % selon l’Insee), aux indices les plus élaborés, comme celui de la Commission européenne relatif à l’économie et la société numériques. En 2019, la France s’y classe en 15e position, sous la moyenne de l'UE.

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