Reconfinement : le télétravail intégral en quatre questions
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Reconfinement : le télétravail intégral en quatre questions

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Télétravailler ? Telle est la question en ce début de deuxième confinement. Le gouvernement a eu beau répéter que le travail à distance des salariés n’était pas une « option » au mois de novembre, la règle comporte ses exceptions, autant dans la théorie… que dans la pratique. Alors, obligatoire ou facultatif, le télétravail à 100 % ? Le point sur la situation.

A domicile ou au bureau ? Les salariés ne savent plus très bien où poser leur ordinateur en ce mois de novembre confiné. Si le gouvernement assure que le télétravail est une « obligation », la règle s'avère un peu plus subtile qu'il n'y paraît — Photo : Designecologist - Unsplash

Pour le gouvernement, "le télétravail c’est la santé" en période de confinement. Autrement dit, il doit forcément s’imposer à toute personne dont l’activité peut être effectuée à distance. Une manière de limiter les déplacements humains, et donc la circulation virale. Problème : les employeurs ne sont plus aussi réceptifs qu’au printemps envers une mesure qui perturbe grandement leur organisation interne. Et ce, alors que les partenaires sociaux ont tout juste entamé des discussions, le 3 novembre, pour revoir l'accord national interprofessionnel de 2005 qui régit toujours cette pratique.

Les entreprises se sont-elles remises au télétravail intégral ?

En mars-avril, un quart des salariés français s’était converti, quasiment du jour au lendemain, au travail à domicile. Soit environ 5 millions de personnes. Aujourd’hui pourtant, à l’heure du reconfinement, plusieurs entreprises rechignent ouvertement à répéter l’expérience et à voir leur personnel déserter complètement leurs locaux.

En Sarthe, quatre organisations patronales, dont le Medef, ont ainsi pris la plume pour descendre en flammes cette "obligation"… qui n’en serait pas une, à en croire Jean-Luc Heimburger, le président de la CCI Alsace Eurométropole. Dans le Var, le président de La Boîte Immo Olivier Bugette a, lui, laissé les salariés choisir à sa place. Résultat, 80 % ont préféré continuer à venir au bureau. Chez le géant pétrolier Total, pas de consultation mais une "recommandation", révélée par la presse, de maintenir deux à trois jours de présence sur le lieu de travail. Face au tollé, le groupe a, depuis, promis que cette consigne ne s’appliquerait qu’aux salariés volontaires, selon Les Echos.

Le télétravail à 100 % est-il obligatoire pendant le reconfinement ?

Dans le contexte d’un deuxième confinement présenté comme plus souple que le premier, chacun peut-il alors vraiment faire ce qui lui plaît ? Oui… et non.

Du côté du gouvernement, le mot d’ordre est clair : « Le télétravail n’est pas une option », martèle Élisabeth Borne depuis le 29 octobre. « Je vous confirme que c’est une obligation », répétait la ministre du Travail, le 3 novembre, sur Europe 1. Mais le diable se cache dans les détails, et dans cette condition : « Si toutes vos tâches peuvent être faites à distance, vous devez être 5 jours sur 5 en télétravail. »

« La responsabilité des employeurs pourrait être engagée. »

Le protocole sanitaire en entreprise, modifié le 29 octobre, ne dit pas autre chose [EDIT : cette obligation a été assouplie le 6 janvier]. Mais il précise la marche à suivre, quand un poste ne peut être entièrement réalisé hors les murs. Dans ce cas, "les employeurs fixent les règles applicables dans le cadre du dialogue social de proximité, en veillant au maintien des liens au sein du collectif de travail et à la prévention des risques liés à l’isolement des salariés en télétravail." Il n’est alors plus question que "de réduire les déplacements domicile-travail et d’aménager le temps de présence en entreprise pour l’exécution des tâches qui ne peuvent être réalisées en télétravail".

À cette première nuance s’en ajoute une deuxième, sur laquelle pourraient être tentées de jouer certaines entreprises : ignorer le protocole sanitaire du gouvernement.

Le respect du protocole sanitaire est-il facultatif ?

Le fait est que ce fameux protocole n’a pas de valeur juridique contraignante en tant que telle, ainsi que l’a expliqué le Conseil d’État dans une décision du 19 octobre suite à une requête du syndicat Alliance Plasturgie et Compagnie du Futur Plastalliance. Pour le juge administratif, il ne s’agit que d'"un ensemble de recommandations" opérationnelles.

L’employeur pourrait donc être libre de le suivre, ou pas. Mais, dans le même temps, il ne peut en aucun cas se soustraire à son obligation d'"assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs", telle qu’elle lui est imposée par l’article L.4121-1 du Code du travail. Or, le protocole sanitaire n’est là que pour aider les entreprises à respecter cette injonction légale, rappelle le Conseil d’État.

Autrement dit, si le télétravail est considéré comme un moyen efficace de préserver la santé des salariés en pleine pandémie, alors il doit être mis en place… et ce, qu’il soit inscrit ou non dans le protocole du gouvernement.

Les entreprises réticentes peuvent-elles être sanctionnées ?

L’argumentaire du Conseil d’État est exactement le même que celui repris, le 3 novembre, par Élisabeth Borne, à l’Assemblée nationale. « La responsabilité des employeurs pourrait être engagée », a-t-elle indiqué, après avoir précisément rappelé l’obligation légale pour un employeur « de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des salariés ».

Dans la pratique, le ministère du Travail donne toute cette semaine aux entreprises pour revoir leur organisation, d’autant que le confinement s’est décidé en pleines vacances scolaires. En parallèle, l’administration sensibilise les DRH et sonde le terrain, selon Élisabeth Borne. Qui souligne que l’inspection du travail resterait à pied d’œuvre au mois de novembre. Elle « est mobilisée pour accompagner et conseiller » les entreprises, mais « effectivement, il peut y avoir des sanctions », a-t-elle glissé à la radio. Des contrôles qui pourraient intervenir dès la semaine du 9 novembre, selon plusieurs indiscrétions.

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