Plans de mobilité : les entreprises vont devoir se bouger
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Plans de mobilité : les entreprises vont devoir se bouger

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Depuis le 1er janvier, les entreprises ayant des sites de plus de 100 collaborateurs en zone urbaine doivent mettre en place des plans de mobilité. Objectif affiché : encourager les personnels à utiliser les transports en commun et recourir au covoiturage. Une majorité de PME et ETI est encore loin de s’être emparée de ces sujets ; une future loi pourrait bien les y contraindre davantage.

47 % des dirigeants pensent que la mobilité durable en entreprise n’est pas un sujet qui concerne leur société — Photo : JPS68 - Wikimedia Commons

Vos salariés vont désormais devoir se déplacer plus « vert » et vous allez devoir les y aider. Depuis le 1er janvier, une nouvelle obligation légale incombe à toute entreprise regroupant plus de 100 collaborateurs sur un même site en zone urbaine. Elle doit élaborer et mettre en œuvre un plan de mobilité, le nouveau « plan de déplacements entreprise », pour améliorer la mobilité de son personnel et encourager l'utilisation des transports en commun et le recours au covoiturage, dit l’article 51 de la loi de transition énergétique. « Avec cette loi, nous avons voulu qu’un maximum d’entreprises réfléchissent au management de leur mobilité et de leurs déplacements. L’objectif est de leur faire prendre conscience que s’occuper de la mobilité fait partie de leur responsabilité sociale et environnementale », présente Christelle Bortolini, chargée de mission Mobilités à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).

Car selon le dernier baromètre de la mobilité durable en entreprise, publié en septembre 2016 par le Club de la Mobilité Durable et OpinionWay, 47 % des dirigeants interrogés pensent que la mobilité durable en entreprise n’est pas un sujet qui concerne leur société. 43 % estiment d’ailleurs ne pas connaître toutes les solutions qu’une entreprise peut mettre en place pour favoriser la mobilité durable. Plus symptomatique encore, plus de 82 % des dirigeants n’ont jamais entendu parler du plan de déplacements entreprise et n’ont donc toujours pas proposé de plan d’actions ni même réalisé de diagnostic. Pourtant, ce ne sont pas moins de 50 000 entreprises qui sont désormais concernées par la nouvelle obligation en vigueur.

Établir un programme d'actions

Concrètement, les entreprises concernées doivent désormais établir un plan de mobilité en évaluant l'offre de transport existante et projetée et en analysant les déplacements entre le domicile et le travail et les déplacements professionnels. Il doit comprendre « un programme d'actions adapté à la situation de l'établissement, un plan de financement et un calendrier de réalisation des actions », décrit la loi. Un « programme d'actions » qui peut par exemple comporter des mesures relatives à la promotion des moyens et usages de transports alternatifs à la voiture individuelle, à l'utilisation des transports en commun, au covoiturage et à l'auto-partage, à la marche et à l'usage du vélo, à l'organisation du travail, au télétravail et à la flexibilité des horaires, à la logistique et aux livraisons de marchandises.

Le plan de mobilité doit ensuite être transmis à l'autorité organisatrice de la mobilité territorialement compétente (métropoles, communautés urbaines et communautés d’agglomération...) sous peine d’un arrêt des aides versées par l’Ademe à l’entreprise récalcitrante. Autant dire que cela ne concerne que quelques centaines de sociétés…

Vers davantage de sanction

Mais au-delà de la simple installation de parkings à vélo ou du remboursement des frais de transport en commun, les pouvoirs publics veulent déjà aller plus loin. L’Ademe prône par exemple les plans de mobilité « nouvelle génération » et tente de faire comprendre aux entreprises que repenser la mobilité peut être générateur de valeur. « On ne fait plus de diagnostic un peu figé, sur l’accessibilité par exemple, mais plutôt un diagnostic sur tous les coûts générés par la mobilité liée à l’activité de l’entreprise. Les entreprises qui ont fait ce travail de repenser leur mobilité globalement réduisent leurs coûts sur l’ensemble de leur chaîne de valeur et deviennent compétitives par rapport à des concurrents qui ne l’ont pas réalisé. Cela demande un investissement de la part de la direction de l’entreprise mais peut représenter de réels gains », justifie Christelle Bortolini.

« Les entreprises qui repensent leur mobilité globalement réduisent leurs coûts sur l’ensemble de leur chaîne de valeur »

Si à ce jour ce plan de mobilité est davantage incitatif que coercitif, des mesures de rétorsion peuvent se dessiner comme, par exemple, l'interdiction d'accès à certains appels d'offres pour les entreprises qui ne l'auraient pas mis en place. A peine en vigueur, la nouvelle obligation devrait de toute façon rapidement évoluer vers plus de sanction. Elle va en effet être renforcée par la nouvelle loi d’orientation sur les mobilités prévue pour le printemps. « Il est envisageable que le périmètre et la cible changent et que la sanction soit durcie dans les prochains mois, cela semble être une volonté du gouvernement », prévient l’Ademe.

Réorganiser l’entreprise pour réduire la mobilité

Il est donc loin le temps où seules les grandes entreprises pouvaient se permettre d’assumer leur responsabilité environnementale. L’équipementier Mota implanté à Aubagne (Bouches-du-Rhône) ne compte que 140 salariés permanents et une cinquantaine d’intérimaires mais son dirigeant Gérard Mota a pris le parti de faire l’acquisition d’une flotte de 22 véhicules de fonction 100 % électriques. Elles sont mises à disposition du personnel y compris les weekends et jours fériés. Autre solution : s’allier à d’autres entreprises dans le cadre d’un plan inter-entreprises. A Toulouse, la société d’ingénierie LGM s’est jointe à trois « voisins » de la ZAC où elle est implantée pour imaginer des solutions en commun. Tisséo, l’autorité organisatrice des transports en commun locale, les a accompagnés dans la mise en place du plan de mobilité. « Nous en sommes encore à la phase de diagnostic des besoins, décrit Joaquim Barrais, responsable Transport & énergie chez LGM. Nous avons fait une enquête auprès des employés, qui, ajoutée à celle de l’agence d’urbanisme de la Ville de Toulouse sur les possibilités de la zone, débouchera sur des plans d’action début 2018. »

Si les entreprises pourront notamment compter sur les collectivités pour développer des initiatives innovantes (la plateforme commune de covoiturage en ligne gratuit Ouest Go qui sera mise lancée en avril par les Régions Bretagne et Pays de la Loire, le programme de fidélité EcoMobi mis en place par Bordeaux Métropole pour récompenser les usagers…), pour l’Ademe, il serait encore plus ambitieux « que les dirigeants d’entreprises réorganisent toute leur activité avec pour objectif de réduire la mobilité et les déplacements ». En créant notamment une nouvelle direction opérationnelle qui travaille sur la réduction de déplacements des personnels, qui réfléchit à la logistique urbaine de l’entreprise. Une nouvelle ingénierie de la mobilité à inventer.

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