"Plan eau" : comment l’État veut amener les entreprises à réduire leurs consommations
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"Plan eau" : comment l’État veut amener les entreprises à réduire leurs consommations

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La sobriété, bis repetita. Après les économies d’énergie à l'automne 2022, l’État s’attaque à la gestion de l’eau avant l’été. Dans une démarche quasi-identique, le président de la République Emmanuel Macron demande à toutes les entreprises, et en particulier à l’industrie, l’énergie et l’agriculture, de réduire leurs consommations, par des investissements et des engagements. Toujours sans contrainte, mais avec, cette fois, davantage de moyens financiers mis sur la table.

Face aux menaces de la sécheresse et à ses conséquences, le président de la République Emmanuel Macron a présenté, le 30 mars, un "plan eau" pour faire baisser la consommation des ménages et des entreprises d'ici à 2030 — Photo : CCO Creative Contents

Un "plan eau" pour replonger dans le grand bain. Après un début d’année largement vampirisé par sa très contestée réforme des retraites, Emmanuel Macron a tenté de tourner la page et de renouer avec les déplacements en région, autour d’une problématique environnementale, celle posée par la sécheresse. Un sujet d’une brûlante actualité, à l’issue d’un été 2022 éprouvant, au sortir d’un hiver 2023 marqué par un record de journées consécutives sans pluie et au moment où 11 départements sont déjà en alerte et un en "crise" (les Bouches-du-Rhône).

Pour répondre à cette urgence météo, mais aussi au changement climatique, le président de la République a présenté, le 30 mars, dans les Hautes-Alpes, les grands axes d’un "plan de sobriété et d’efficacité pour l’eau". Un intitulé qui n’est pas sans rappeler celui mis en place à l’automne 2022 dans le domaine de l’énergie. Et pour cause : le principe, la méthode et le contenu en sont directement inspirés. Certains outils aussi : en prévision de l’été prochain, un "Ecowatt de l’eau" doit ainsi être lancé pour alerter la population en cas de risque de pénurie, comme ce fut le cas, cet hiver, avec l’électricité. L’idée est "que chaque Français, chaque agriculteur, maire ou chef d’entreprise, puisse connaître les gestes à adopter […] et l’évolution de la situation" hydrologique.

Un objectif d’économies d’eau au rabais

Plus largement, et comme le gouvernement l’avait donc aussi fait pour le gaz, l’électricité et le carburant en fin d’année 2022, Emmanuel Macron a décidé de se mouiller et d’afficher une cible claire à atteindre : "pour 2030, faire 10 % d’économies d’eau dans tous les secteurs", par rapport aux volumes prélevés en 2019.

Un objectif ambitieux ? Pas vraiment : il s’avère, en fait, inférieur à celui fixé par les Assises de l’eau, il y a près de quatre ans (réduction de 10 % dès 2024 et de 25 % à l’horizon 2034).

Des plans de sobriété sectoriels en préparation

Qu’importe, pour atteindre ce but révisé à la baisse, le chef de l’État n’en sonne pas moins la mobilisation générale. Comme l’an dernier, les représentants de chaque secteur (en particulier, "l’énergie, l’industrie, le tourisme, les loisirs et l’agriculture") vont donc être convoqués par leur ministre de tutelle pour élaborer, "d’ici à l’été", un "plan de sobriété", cette fois consacré à l’eau.

En complément, les autorités promettent un "accompagnement" spécifique pour "au moins 50 sites industriels, avec le plus fort potentiel de réduction", indique le dossier de presse du gouvernement. Là encore, ce ciblage n’est pas sans rappeler la méthode utilisée pour la décarbonation et les économies d’énergie. Du côté du BTP, le gouvernement veut réfléchir, en 2024, aux moyens de diminuer la consommation d’eau dans les bâtiments neufs.

L’agriculture incitée à investir pour se réinventer

Le principal secteur visé par les 53 mesures de ce "plan eau" reste toutefois l’agriculture. Le président de la République appelle ainsi les professionnels à explorer "d’autres schémas de culture" et à "réinventer des modèles agricoles". Pour les aider à faire leur transition, plusieurs enveloppes seront débloquées à partir de l’an prochain : 30 millions d’euros par an en faveur des pratiques économes en eau ; 30 autres millions pour l'"investissement hydraulique" (création et modernisation d’infrastructures, comme les controversées retenues d’eau). "La récupération des eaux de pluie de toiture des bâtiments agricoles sera largement soutenue" par des aides, pour l’instant, non-précisées.

Double chantier contre les fuites et pour la réutilisation de l’eau

Autre grand axe de ce "plan eau" : l’optimisation de la ressource. Elle passe d’abord par une chasse aux fuites sur les réseaux : les agences de l’eau engageront 180 millions d’euros supplémentaires par an sur cet enjeu en 2024. Cette somme irriguera en priorité les 170 collectivités locales les plus touchées par ce fléau, mais aussi les 2 000 communes les plus en difficulté dans leur approvisionnement.

Le gouvernement veut également lancer le chantier de la réutilisation des eaux dites non-conventionnelles, qu’elles soient pluviale, domestique ou traitée. En la matière, Emmanuel Macron souhaite que la France rattrape son retard. Objectif : passer la part des eaux usées réexploitées de moins d’1 % aujourd’hui à 10 % dans cinq ans.

Pour ce faire, l’exécutif mise sur la levée, dès cette année, des "freins réglementaires à [cette] valorisation" […] dans certains secteurs industriels, à commencer par l’agroalimentaire, "dans le respect de la protection de la santé des populations et des écosystèmes". À plus long terme, l’accompagnement des porteurs de projets sera mieux structuré, avec l’espoir de faire émerger 1 000 programmes de ce type avant la fin du quinquennat.

De l’argent pour alimenter "l’économie de l’eau"

Enfin, principale différence avec le plan de sobriété énergétique, ce catalogue de mesures s’accompagne de moyens financiers nouveaux. Le budget des agences de l’eau va être gonflé de 475 millions d’euros par an à partir de 2024 (enveloppe contre les fuites incluse) avec suppression, l’année suivante, de leur plafond de dépenses. "On sait que nous avons besoin, aujourd’hui, d’accélérer et d’en faire davantage", a reconnu Emmanuel Macron. D’où son espoir que l’ouverture de cette vanne d’argent public permette, par effet de levier, d’injecter, "au total, environ 6 milliards d’euros de plus dans l’économie de l’eau chaque année."

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