Pertes d'exploitation : les assureurs et le gouvernement tentent de calmer le jeu
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Pertes d'exploitation : les assureurs et le gouvernement tentent de calmer le jeu

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Sous la pression d'un ultimatum du gouvernement, les assureurs ont accepté de faire de nouvelles concessions aux secteurs du tourisme. Pas sûr que ces mesures suffisent toutefois à réconcilier les compagnies avec leurs clients. Pour apaiser les esprits, le ministère de l'Economie promet donc deux évolutions à plus longue échéance, autour de la médiation et de la protection contre de futurs risques sanitaires.

Les assureurs ont accepté de faire trois gestes d'apaisement pour 2021, en faveur des entreprises de l'hôtellerie-restauration, du tourisme, de l'événementiel, du sport et de la culture — Photo : ©Minerva Studio - stock.adobe.com

Avant la trêve des confiseurs, celle des assureurs ? Sous le feu nourri des critiques depuis le début de la crise du coronavirus, les compagnies d’assurances ont dû se résoudre à une nouvelle salve d’engagements, après ceux déjà pris en mars, avril, octobre et novembre. Des gestes d’apaisement qu’elles n’ont pas pris de gaîté de cœur : le ministère de l’Économie leur avait donné cinq jours pour aider l’hôtellerie-restauration, sous peine de s’exposer à une nouvelle taxe de 1,2 milliard d’euros. Le PDG d’Axa Jacques de Peretti avait crié au « chantage » dans les colonnes du journal Le Parisien.

Et pourtant, les assureurs ont sorti le drapeau blanc, le 7 décembre, avec trois actions en faveur des entreprises les plus fragilisées par le Covid-19. Le tout complété par deux initiatives du gouvernement, dans l’espoir d’un cessez-le-feu durable entre les deux parties.

Triple engagement pour le tourisme en 2021

Dans l’immédiat, l’accord, validé par Bercy, est censé soulager l’ensemble des secteurs les plus protégés par la puissance publique (dits secteurs S1 et S1 bis), à savoir le tourisme, l’événementiel, le sport et la culture, en plus des hôtels, cafés et restaurants. Dans ces domaines d’activité, les entreprises de moins de 250 salariés ont obtenu trois mesures distinctes.

D’abord, le gel des cotisations de leur contrat d’assurance multirisque professionnelle en 2021. Autrement dit, les tarifs n’augmenteront pas. En cas de retards de paiement, les garanties seront, par ailleurs, maintenues - cette bienveillance qui ne s’appliquera toutefois qu’au premier trimestre.

Enfin, une "couverture d’assistance en cas d’hospitalisation liée au coronavirus" va être proposée gratuitement l’an prochain. Elle s’appliquera aussi bien au chef d’entreprise qu’à ses salariés. Au programme : une « indemnité de convalescence […] jusqu’à 3 000 euros […], et des choses très concrètes, comme la livraison de repas à domicile […] ou la garde de ses enfants », a détaillé le ministre de l’Économie Bruno Le Maire. Son cabinet reconnaît, en la matière, s’être inspiré du dispositif récemment mis en place par Generali, pour le compte de quatre organisations professionnelles de l’hébergement-restauration.

Ces mesures seront-elles suffisantes pour enterrer la hache de guerre entre les entreprises et leur compagnie d’assurances ? Bruno Le Maire a jugé cet accord « constructif, utile et efficace »… Déjà, pour le Syndicat des indépendants (SDI), le compte n’y est pas. En particulier, "le gel tarifaire n’est qu’une conséquence de la baisse des garanties imposée dans les nouveaux contrats", estime l’organisation.

Une médiation de l’assurance pour calmer les esprits

Mais au-delà de ce soutien immédiat et ciblé, les assurances et le gouvernement se sont aussi entendus sur une mesure plus durable et générale : l’instauration d’une médiation de l’assurance pour les entreprises. Elle existe déjà pour les particuliers - Arnaud Chneiweiss, qui s’en occupe actuellement, sera d’ailleurs chargé de mettre sur pied le pendant professionnel de son action. Mais auparavant, il devra rendre un rapport, d’ici juin 2021, sur les litiges qui ont émergé durant la crise du Covid-19.

« Nous avons besoin d’avoir des entreprises qui travaillent avec les assurances dans des conditions normales. »

Cette future « voie de recours pré-contentieuse » s’inscrira dans la lignée de la Médiation du crédit, apparue après la crise financière de 2008-2009. Il pourra traiter, précise le communiqué de Bercy, "tout litige portant sur un contrat d’assurance professionnelle, notamment en cas de désaccord sur l’évolution des garanties contractuelles, de refus de renouvellement des couvertures ou de résiliation de contrat, quelle que soit la date à laquelle le contrat a été souscrit (hors assurances grands risques et étant précisé que les assureurs pourront décliner l’entrée en médiation sur les réclamations sérielles pour lesquelles les tribunaux sont déjà saisis)."

L’idée, au ministère de l’Économie, est claire : calmer le jeu entre assureurs et assurés, alors que se sont multipliés récriminations et recours en justice, autour de la question de l’indemnisation des pertes d’exploitation notamment. « Nous avons besoin d’avoir des entreprises qui travaillent avec les assurances dans des conditions normales, martèle-t-on à Bercy. Nous ne pouvons pas laisser prospérer un climat de conflictualité au sein de l’économie. » D’où l’appel de Bruno Le Maire à « entrer dans une logique de dialogue » et « dans cette voie de la solidarité » ; un terme qu’il a brandi à plusieurs reprises en conférence de presse.

Pas d’assurance pandémie, mais des incitations fiscales

Autre chantier en suspens, la création d’un futur régime d’assurance pandémie semble mal embarquée. Les discussions se poursuivent, mais l’ambition initiale est officiellement revue à la baisse. Plutôt qu’un système général d’indemnisation, construit sur le modèle des catastrophes naturelles, le gouvernement plaide désormais pour « une solution individuelle et facultative ».

Il s’agirait alors de « permettre à toute entreprise qui le souhaite de constituer une provision, qui, le moment venu, permettrait d’avoir un filet de sécurité, à la mesure de ses besoins et de ses moyens », explique Bercy. Le tout bénéficierait « d’un régime fiscal particulièrement avantageux », et donc incitatif, a promis Bruno Le Maire.

Cette nouvelle option est en fait dictée par le contexte économique, a reconnu le ministre. Elle évite d’imposer une nouvelle prime d’assurance, c’est-à-dire une charge obligatoire supplémentaire, sur les professionnels, à un moment où leur trésorerie reste plus que jamais exsangue.

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