Mondial de football : une affaire en or pour les PME ?
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Mondial de football : une affaire en or pour les PME ?

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Tous les quatre ans, les meilleures nations du football se retrouvent pour disputer la Coupe du monde de la FIFA. L’occasion pour quelques PME françaises d’exporter et d’exposer leur savoir-faire dans le pays-hôte. Mais ces marchés disputés, et parfois compliqués, valent-ils vraiment le coup ?

Un gazon made in France va équiper plusieurs stades du Mondial cette année. Il provient de la station de recherche de la coopérative DLF, basée dans le Maine-et-Loire — Photo : DLF France

Le 5 avril, le dernier camion d’une commande très spéciale pour la Russie quittait l’usine Metalu Plast de Soliers, près de Caen. A l’intérieur, des abris de touche, destinés à accueillir les meilleurs joueurs de football de la planète dans les stades de la prochaine Coupe du monde (14 juin - 15 juillet). C’est peu dire que pour Guillaume Deguerry, responsable du commerce international de l’entreprise, le soulagement a été à la hauteur du défi relevé par la PME de 69 salariés (14 M€ de CA en 2017).

« Ce premier contrat avec un Mondial de foot nous a fait peur à partir du moment où nous l’avons signé : une semaine après, les Russes commençaient déjà à tout changer ! » Et notamment les délais de livraison, divisés par deux sur ordre du président Vladimir Poutine. « On a recruté six intérimaires, demandé à nos équipes de modifier leurs horaires et de travailler plus, de manière à livrer trente abris en dix semaines. »

La Coupe du monde, compétition exigeante

Pour une PME, la participation à un grand événement sportif est loin d’être une partie de plaisir. « Les organisateurs ont la pression et ils vous la mettent », explique Stéphane Martinez. Le président de Marty Sports (47 salariés près d’Angers, 6 M€ de CA) a déjà fourni les buts du Mondial 2010 et équipé 45 stades pour l’Euro 2016 en France. « On avait traité ce dossier un an et demi à l’avance, mais il a évolué au dernier moment, à quelques semaines du coup d’envoi… »

Malgré ces conditions difficiles, les entreprises du monde entier se pressent aux appels d’offres. Pour remporter la partie, le normand Metalu Plast a donc dû faire preuve « d’endurance commerciale » : « on a discuté avec les Russes toutes les semaines, pendant quatre mois. En fonction des informations qui fuitaient, on essayait de réajuster, redéfinir, repréciser nos propositions. »

Les abris de touche du normand Metalu Plast équipent six des douze stades de la Coupe du monde de football 2018 en Russie (ici le Rostov Arena de Rostov-sur-le-Don) — Photo : Metalu Plast

La clé du succès : le travail de terrain

Dans ce marathon décisif, Metalu Plast a pu compter sur l’aide d’une salariée d’origine russe et d’un distributeur local. Ce genre d’intermédiation s’est avéré crucial pour les entreprises sélectionnées sur le Mondial 2018, comme l’isérois Serge Ferrari (830 salariés, CA 2017 : 172 M€), dont l’un des matériaux composites a été retenu pour la toiture du stade de Rostov-sur-le-Don.

Pour l’emporter, il est ainsi plus important de séduire l’Etat-hôte de la compétition et son comité local d’organisation, que la Fédération internationale de football elle-même. C’est pour cette raison qu’Eric Leport n’a jamais fait de la Coupe du monde une priorité pour Alcor, son entreprise de tribunes modulaires (16 salariés dans le Maine-et-Loire, CA 2017 : 7 M€). « Le tournoi se déroule tous les quatre ans, dans un pays différent, et il faut aller prospecter ce pays-là uniquement pour ce projet-là », souligne celui qui a équipé les stades de Bordeaux et Lyon pour l’Euro 2016, mais privilégie l'Afrique pour se développer à l'international.

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Le but en Coupe du monde : ne pas perdre d'argent

Avec ses budgets faramineux, un Mondial de foot a pourtant de quoi faire rêver : 21 milliards d’euros d’enveloppe initiale ont été prévus par la Russie pour l’édition 2018. Mais les entreprises ne gagnent pas d’argent avec une Coupe du monde, elles évitent avant tout d’en perdre.

« Si l'on devait faire un vrai bilan, on se rendrait compte que l'on ne gagne pas d’argent sur ce type d'événement. »

« Heureusement que la survie de la société ne dépend pas de cet événement », note Benoît Petitjean, directeur général de DLF France (une cinquantaine de salariés près d’Angers, CA 2017 : 24 M€). Pour la première fois, des variétés de gazon développées par le site français de cette coopérative danoise seront utilisées lors d’un Mondial. Pour 8 stades de compétition et 43 terrains d’entraînement, le contrat se monte à 40 000 euros environ. « Sur ce type d’événement, on pratique des conditions particulières, les produits ne sont pas forcément margés et les dossiers sont très chronophages. Donc si l'on devait faire un vrai bilan, on se rendrait compte que l'on ne gagne pas d’argent », reconnaît Stéphane Martinez. L’Euro français a représenté 8 % du CA 2016 de Marty Sports.

Le stade russe de Rostov-sur-le-Don est l'une des douze enceintes de la Coupe du monde 2018. Sa toiture est composée d’un matériau de l’entreprise iséroise SergeFerrari — Photo : Serge Ferrari

L'intérêt d'un Mondial de foot : la notoriété

Pourquoi, dès lors, faire autant d’efforts pour obtenir un marché si exigeant et peu rentable ? Avant tout pour la notoriété. « Dans notre secteur, la croissance est à l’international, expose Guillaume Deguerry, de Metalu Plast. Nous travaillons depuis six ans à l’export, mais se faire connaître à l’étranger reste compliqué, long et cher. En quelques mois, la Coupe du monde nous a déjà donné un coup de boost. »

Cette vitrine internationale (3,2 milliards de spectateurs en 2014) a de quoi crédibiliser l’entreprise, attirer les prospects et rassurer les clients. Cerise sur le gâteau, « une fois sélectionné, vous entrez dans la "shortlist" des sociétés capables, qui seront sollicitées sur les prochains événements », souligne Stéphane Martinez. Le Mondial sud-africain avait ainsi permis à son entreprise d’être repérée, et démarchée, par l’UEFA, l’organisateur de l’Euro.

« Il n'a suffi que de quelques mois pour que la Coupe du monde nous donne un coup de boost à l'international. »

La « référence » Coupe du monde constitue donc un formidable levier de communication, mais gare au hors-jeu : « il est formellement interdit à une entreprise de se dire "fournisseur officiel" de l’Euro ou du Mondial de football à moins qu’elle y mette le prix », rappelle le patron de Marty Sports. En 2010, il a ainsi frôlé le carton rouge, quand la FIFA l’a menacé par téléphone de poursuites judiciaires, après un reportage télévisé sur ses buts dans les stades sud-africains.

A défaut de pouvoir directement surfer sur l’image de ces grand-messes sportives, les PME trouvent néanmoins, avec ces contrats, l’occasion de muscler leur jeu. « Quand vous devez réorganiser le travail de vos salariés pour honorer une telle commande, ça fait avancer l’entreprise, assure Guillaume Deguerry. Mais ces changements ont été faciles à faire accepter, car un projet Coupe du monde suscite l’effervescence et la fierté des équipes. » Chez Marty Sports, les exigences de l’UEFA, en 2016, ont laissé un autre héritage : un adaptateur pour poteaux de buts désormais breveté. « Avec l’Euro, insiste Stéphane Martinez, on a fait évoluer notre gamme, nos prestations, notre qualité… Ce marché nous a fait du bien. »


- En France, la "filière sport" s'organise

Les « grands événements sportifs internationaux » (GESI) représenteraient un marché de 50 milliards d’euros par an. Pour aider les entreprises à capter une partie de cette manne, les pouvoirs publics ont mis en place une « filière sport » en mars 2016. Objectif : rassembler les acteurs du secteur (ministères, fédérations, ligues, entreprises) pour mettre en commun compétences et réseaux. « Avant, les entreprises prenaient des initiatives individuelles pour se positionner sur les GESI. L’idée est désormais de chasser en meute et proposer une offre structurée et complémentaire », explique Virgile Caillet, délégué général d’Union Sport & Cycle, fédération d’entreprises du secteur.

Coprésidée par le patron de GL Events Olivier Ginon, la filière propose une plateforme numérique d’information et promet, selon le ministère des Sports, « l’appui de clubs d’exportateurs » créés sur les principaux marchés des GESI. Le dispositif compte aussi sur les grands groupes pour entraîner des TPE-PME dans leur sillage. Le jeu en vaut la chandelle : en France, le marché du sport pèse près de 2 % du PIB, soit environ 40 milliards d'euros.

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