Michel Offerlé : « La nouvelle équipe va devoir réfléchir à la raison d’être du Medef »
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Michel Offerlé professeur émérite à l’Ecole Normale Supérieure Michel Offerlé : « La nouvelle équipe va devoir réfléchir à la raison d’être du Medef »

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Quel est le poids du Medef dans le paysage syndical français aujourd’hui ? L'organisation doit-elle réinventer son rôle pour accroître sa représentativité ? Eléments de réponse avec Michel Offerlé, sociologue du politique à l’Ecole Normale Supérieure et auteur de Les patrons des patrons. Histoire du Medef, à quelques semaines de l'élection du nouveau président du syndicat patronal.

— Photo : DR

Le Journal des Entreprises : Quel bilan peut-on tirer de la présidence de Pierre Gattaz ?

Michel Offerlé : Pierre Gattaz a incarné le Medef avec un style personnel, tout à la fois efficace et madré, gaffeur et imprévisible. Dans l’exécution de son rôle, il a d’abord été dans un registre limitatif. Il ne s’agissait pas pour le Medef de traiter de problèmes de société mais de rappeler, de manière très répétitive, que les entreprises sont écrasées de charges et de contraintes et que l’entreprise est seule créatrice de richesses et donc d’emploi. Il a de ce fait prolongé et renouvelé la rhétorique de ses prédécesseurs, et accompagné et renforcé un mouvement de fond que François Hollande a assumé, même avec réticence : accepter une réorientation vers une politique de l’offre. Bon gré mal gré Pierre Gattaz a assumé la double fonction du Medef : être un groupe d’intérêts défendant les revendications des entreprises et un partenaire social qui a plus poursuivi que réformé les thématiques des grandes négociations. Il souhaitait réduire voire marginaliser la part du social interprofessionnel dans l’organisation. Il n’y est pas parvenu, mais l’avenir lui donnera peut-être raison.

Quel est le poids du Medef aujourd’hui ?

M. O. : Sous le mandat de Pierre Gattaz, la mesure de l’audience des organisations patronales a jeté un projecteur cru sur la représentativité patronale. Certes le Medef a été légitimé comme acteur patronal central mais, au lieu des 800 000 adhérents réclamés, il doit se contenter de quelques 120 000 cotisants (indirects pour la plupart, et ignorant souvent qu’ils font partie de la confédération patronale). De plus, la présidence Macron offre à la fois des opportunités - un président « pro business » - et des limitations, car pour nombre de "marcheurs", le Medef c’est le « vieux monde ». Donc la nouvelle équipe pourrait avoir à réfléchir sur la raison d’être des organisations patronales à un moment où l’on voir refleurir la thématique du ‘à quoi sert le Medef ?’.

« Si un vent de renouvellement se met à souffler il y aurait la place pour un troisième homme. »

L’élection récente du PDG d’ArcelorMittal France à la tête de l’UIMM face à un "petit" candidat régional montre-t-elle que le jacobinisme des organisations patronales reste inéluctable ? le Medef doit-il permettre aux organisations territoriales d'avoir davantage de poids dans l'élection (170 voix sur 550) ?

M. O. : Le terme de démocratie est d’introduction récente au sein des organisations patronales. Cooptation, gérontocratie et mandats de longue durée ont longtemps présidé aux « choix » des dirigeants. Désormais, la pluralité des candidatures est devenue la règle et certains veulent aller plus loin en élargissant les corps électoraux et en introduisant des doses contrôlées de démocratie participative dans le fonctionnement de l’organisation. Le rejet de la candidature Senard (le conseil exécutif du Medef a voté contre la modification de la limite d’âge qui aurait permis au patron de Michelin de se présenter à l’élection, NDLR), la multiplication des candidatures "régionales" et l’élection pas aussi triomphale que cela du PDG d’ArcelorMittal France à la présidence de l’UIMM face à un petit patron militant sont des symptômes de ces revendications « basistes ». Les « vrais adhérents » et les « vrais militants » du Medef se trouvent dans les territoires. Mais la contribution financière des territoires ne représente que 10 % du total des cotisations versées au Medef national.

Quelle candidature semble se démarquer aujourd'hui ?

M. O. : Les favoris sont deux « sortants », mais ils se démarquent du Medef « de Pierre Gattaz » en insistant sur la remise en mouvement de l’organisation. Ils ont tous deux la « présidentialité médéfienne » contemporaine : âge raisonnable, diplômes, expérience entrepreneuriale forte dans des entreprises qui ne sont pas gigantesques, démonstration de leur engagement et de leur attachement à l’organisation. Geoffroy Roux de Bézieux est actif depuis 2008 au Medef et a exercé des responsabilités confédérales importantes. Alexandre Saubot est le président d’une UIMM qui a reconquis sa place centrale dans la confédération patronale et il a été négociateur interprofessionnel du Medef. Ces attributs peuvent être des handicaps si un vent de renouvellement se met à souffler et si les différentes composantes participant au vote ne recourent pas à un vote bloqué pour un candidat. Auquel cas, il y aurait la place pour un troisième homme.

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