
Les commerçants crient de nouveau à la discrimination. Dans leur viseur : l’article 52 du projet de loi "Climat et résilience", actuellement examiné à l’Assemblée nationale. Il interdit toute "implantation ou extension [d’une surface commerciale] qui engendrerait une artificialisation des sols".
Ce principe, les projets de moins de 10 000 m² pourraient toujours y déroger, sous conditions. Mais les entrepôts du e-commerce, eux, en seraient totalement dispensés, dans la mesure où la disposition ne s’applique qu’aux établissements soumis à une autorisation d’exploitation commerciale. Ce qui n’est pas le cas de ces plates-formes logistiques.
Les commerçants crient à l’injustice
Autant dire que cette exemption est vécue comme une nouvelle "injustice réglementaire" par les magasins physiques. Trois organisations sonnent donc la révolte. Moins pour défendre l’environnement que le commerce de proximité, au nom de l’égalité de traitement et de la concurrence loyale. "Il faut que tout le monde joue dans la même cour, avec les mêmes règles", tonne Romuald Catoire, président de la Fédération lilloise du commerce.
Pour ce faire, la Confédération des commerçants de France (CDF), les Commerçants et artisans des métropoles de France (CAMF) et la Fédération nationale des centres-villes avancent donc deux revendications : étendre l’interdiction d’artificialiser les sols aux entrepôts de la vente en ligne supérieurs à 3 000 m² et en profiter pour soumettre au régime de l’autorisation d’exploitation commerciale ces sites stratégiques pour les acteurs numériques.
Des députés en soutien du commerce de proximité
"Nous sommes dans une situation d’urgence absolue : 35 implantations d’Amazon pourraient voir le jour dans les trois prochaines années", s’est alarmée la députée écologiste Delphine Batho. Elle n’est pas la seule parlementaire à soutenir l’initiative des commerçants.
Olivier Damaisin (LREM), Jean-Marie Sermier (LR) et Aude Luquet (MoDem) l’ont chacun appuyée, à des degrés divers. En l’occurrence, avec un peu plus de mesure, pour la dernière : "Si on n’installe plus d’entrepôts en France, ils iront en dehors de nos frontières et les consommateurs n’arrêteront pas pour autant d’acheter sur ces plates-formes", a tempéré cette élue de Seine-et-Marne. Un argument aussitôt balayé par Francis Palombi, le président de la CDF : "Si nous maîtrisons parfaitement l’implantation de ces dépôts, leur principe d’hégémonie, d’abus de pouvoir, va s’effondrer. Il faut donc affaiblir le système de ces pure players, ne pas les renforcer, en leur disant : "Installez-vous, installez-vous" !"
Ras-le-bol général contre le e-commerce, et les autorités
Une position véhémente qui traduit bien le ras-le-bol des commerçants traditionnels face à leurs alter ego numériques. "Le vrai souci, c’est leur concurrence déloyale, organisée les yeux fermés par des différences de taxation", a accusé Romuald Catoire.
Car, au-delà du e-commerce, c’est aussi vers le gouvernement que les professionnels dirigent leur colère. Avec le sentiment d’être victime d’un acharnement en règle, que vient amplifier encore le projet de loi Climat et résilience.
Depuis trois semaines, une douzaine d’organisations luttent ainsi contre un autre article de ce texte. Celui-là vise à encadrer les publicités, enseignes et panneaux lumineux, placés à l’intérieur des vitrines des magasins. Une disposition vécue, là aussi, comme un coup de poignard dans le dos pour le commerce de proximité. Et un boulevard de plus laissé ouvert aux acteurs du e-commerce.