Levées de fonds : attention aux mirages !
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Levées de fonds : attention aux mirages !

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— Photo : Le Journal des Entreprises

C’est devenu l’exercice obligé de toute start-up qui se respecte : la levée de fonds fait figure de rite initiatique dans le parcours des créateurs d’entreprise, de préférence digitale et qui cherchent à « disrupter » leur marché. Les magazines économiques font régulièrement leurs gros titres sur ces opérations financières dont l’unité de mesure est souvent le million d’euros. À tel point que la finalité stratégique de ces levées de fonds a parfois tendance à disparaitre au profit de l’annonce elle-même. Autrement dit, c’est moins l’usage qui sera fait de cet apport en capital qui est questionné que le montant lui-même, considéré a priori comme l’assurance d’une vision claire. Et pourtant ! Les levées de fonds ne sont que la version moderne du recours à l’emprunt. Connaissez-vous beaucoup de patrons de PME classiques qui font un communiqué de presse pour annoncer que leur banquier leur a accordé une nouvelle ligne de crédit ?

Il ne s’agit pas ici de vouer aux gémonies un nouveau modèle économique qui cherche encore ses repères. Mais plutôt de critiquer celles et ceux qui ne mesurent leurs succès futurs qu’à l’aune de ce seul indicateur. Et qui consacrent souvent un temps excessif à la recherche de ces financements, au détriment de la prospection de clients solvables.

Mantra dangereux

Les levées de fonds ne sont pas en soi critiquables. Elles le deviennent lorsqu’elles s’érigent en mantra et qu’elles servent à masquer la faiblesse d’une stratégie. Les plus anciens s’en souviennent : quelques mois avant l’éclatement de la bulle internet au début des années 2000, les analystes financiers ne juraient que par le « cash burn rate », allant jusqu’à plébisciter les entreprises qui consommaient un maximum d’argent frais en un minimum de temps. On a vu où conduisait ce type de préoccupation lorsqu’elle était déconnectée d’un modèle économique pérenne.

Au Journal des Entreprises, nous n’échappons pas à la tendance qui consiste à relater ces levées de fonds. Par facilité peut-être, dans la mesure où le plan média fait partie intégrante de la stratégie des levées de fonds orchestrées par les start-up. Mais nous devons à nos lecteurs d’aller plus loin dans l’analyse, en nous interrogeant sur la pertinence de la stratégie envisagée, en questionnant la réalité des prévisions économiques annoncées, en mesurant, aussi, la capacité réelle de l’entreprise à tenir ses promesses. Les levées de fonds sont une pièce essentielle d’un discours visant à faire rêver les investisseurs. Mais dans un contexte d’argent facile, le montant récolté ne suffit pas à garantir une vision. Le retour aux fondamentaux – clients, produits, marchés – s’impose pour éviter de nouvelles désillusions à la hauteur des investissements annoncés à grand renfort de communiqués. Afin de vous aider à y voir plus clair, Le Journal des Entreprises publie fin avril un hors-série consacré au financement, avec des témoignages et des avis d’experts. Pour éviter de confondre la fin et les moyens.

Ce billet a été publié dans Le Journal des Entreprises n°370, avril 2018, toutes éditions.

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