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Les télétravailleurs bientôt privés de tickets-restaurants ?
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Les télétravailleurs bientôt privés de tickets-restaurants ?

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Les télétravailleurs ont-ils droit aux chèques-restaurants, au même titre que leurs collègues restés en entreprise ? À cette question, le gouvernement répond oui depuis le début de la crise du coronavirus. Pourtant, le 10 mars, un tribunal en a décidé autrement. Explications.

Pour le tribunal judiciaire de Nanterre, les télétravailleurs à domicile paient leurs repas moins cher que leurs collègues présents en entreprise — Photo : Clay Banks - Unsplash

Qui, de l’employeur ou du salarié, doit supporter les frais engendrés par le travail à distance ? La question avait agité les partenaires sociaux l’an dernier. On pensait que la conclusion d’un nouvel accord national interprofessionnel (ANI) sur le télétravail avait permis de clore la discussion. C’était sans compter sur le tribunal judiciaire de Nanterre. Il vient de relancer les débats, de manière aussi spectaculaire que surprenante, dans une décision concernant les tickets-restaurants.

Le jugement, rendu le 10 mars, est limpide : l’employeur n’est pas obligé d’en attribuer aux télétravailleurs, quand bien même leurs collègues, restés sur site en bénéficieraient.

Des tickets-restaurants réservés aux repas hors domicile

Pour les magistrats, l’employeur mis en cause à l’origine (Malakoff Humanis) distribue des chèques-restaurants dans l’objectif "de permettre à ses salariés de faire face au surcoût lié à la restauration hors de leur domicile, pour ceux qui seraient dans l’impossibilité de prendre leur repas à leur domicile".

Suivant cette logique, une personne en poste chez elle est donc en capacité de se faire à manger à moindres frais. Et n’a nullement besoin de titres de paiement pour alléger l’addition. CQFD. Sauf que ce raisonnement, fondé sur la notion de repas à domicile, et non hors du lieu de travail, contrevient à la doctrine officielle du gouvernement.

L’égalité de traitement remise en cause ?

Sur sa page de questions-réponses autour de l’organisation en distanciel, le ministère du Travail explique ainsi que les titres-restaurants doivent être attribués à tout salarié, quel que soit le lieu d’où il exerce. Seuls deux préalables sont posés.

D’une part, que, "à conditions de travail équivalentes", les salariés présents dans l’entreprise en bénéficient aussi. D’autre part, que le repas soit "compris dans [l'] horaire de travail journalier". Dans tous les cas, "le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise", pose le Code du travail.

Une attribution différenciée est possible

Autant de principes que les juges de Nanterre ne contestent pas. Simplement, ils ne s’appliquent pas au cas étudié. En effet, pour eux, il ne peut y avoir rupture d’égalité de traitement entre les salariés, dans la mesure où la situation des télétravailleurs à domicile n’est "pas comparable" à celle de leurs collègues sur site.

Cette lecture n’est pas sans rappeler une nuance, signalée par le site d’information Service-public : "L’employeur peut définir certains critères pour attribuer des titres-restaurants, à condition qu’ils soient objectifs", indique un article du mois d’octobre.

Pour y voir plus clair, inutile de se tourner vers l’ANI de novembre. Il "ne comporte aucune disposition sur les tickets-restaurants", note le tribunal. Preuve que les partenaires sociaux n’ont pas complètement réussi à désamorcer le sujet, potentiellement conflictuel, de la prise en charge des frais du télétravail.

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