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Les solutions pour lutter contre le bruit au travail
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Les solutions pour lutter contre le bruit au travail

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Le bruit est un vrai fléau dans certains secteurs professionnels. Des efforts remarquables sont engagés dans certaines entreprises. Comment agir lorsque les locaux sont en place depuis longtemps ? Il est urgent de se préoccuper de cette nuisance qui peut altérer grandement la santé des salariés comme la productivité des entreprises concernées.

Les nuisances sonores sont, selon la Carsat, la quatrième cause de maladie professionnelle en France — Photo : ©auremar - stock.adobe.com

C’est la première nuisance citée par les Français sur leurs conditions de travail et la quatrième maladie professionnelle de l’assureur des risques professionnels Carsat. Le bruit fatigue, génère du stress, altère la concentration dans le travail, joue sur les performances. Il n’y a pas que les oreilles qui trinquent : les systèmes nerveux, cardiovasculaire et digestif sont également touchés.

Une maladie professionnelle pour 1 000 salariés chaque année

Au-delà des pertes de productivité pour les entreprises, le bruit peut entraîner des lésions importantes, réversibles ou non : maladies cardio-vasculaires, surdité. Reconnu maladie professionnelle depuis 1963, le risque surdité est bien réel. Environ mille cas sont reconnus par l’assurance maladie tous les ans. Et le coût élevé : environ 90 000 € par cas en moyenne.

L’ouïe est en danger à partir de 80 décibels, subis pendant une journée de 8 heures. Mais cette valeur seuil est équivalente à 86 décibels pendant 2 heures, 90 décibels durant 45 minutes ou 107 décibels pendant une minute. En France, un salarié sur cinq est exposé à des niveaux dangereux. Vous manquez de repères ? Une conversation normale, c’est 50 décibels, une perceuse 90 décibels, le décollage d’un avion plus de 120 décibels.

Certains signes émanant de personnels en poste doivent alerter la direction. Si on doit élever la voix pour parler avec quelqu’un situé à un mètre, si les oreilles bourdonnent pendant ou à la fin d’une journée de travail, si on a des difficultés à suivre des conversations dans des lieux bruyants comme un restaurant… il convient de réagir !

Que dit la loi ?

Il est de la responsabilité de l’employeur de mettre en place des mesures de prévention adaptées, en cas de conditions de travail bruyantes : informer les salariés, traiter acoustiquement les locaux, engager des actions de réduction du bruit, signaler les zones bruyantes, acheter des machines qui le sont moins lors des renouvellements, et prévoir un suivi médical pour les salariés exposés. C’est à l’employeur de mettre à disposition ou rendre obligatoire le port des équipements de protection individuelle adaptée (casque anti-bruit, bouchons d’oreilles).

Pour se protéger du bruit, il faut agir en simultané sur trois axes : émission, propagation et réception du bruit. On va chercher à réduire le bruit des machines en place, séparer les zones bruyantes des autres, traiter les locaux contre la réverbération des sons, réorganiser des postes de travail.

« Pour chaque machine bruyante, il faut trouver une solution. On ne la trouve pas forcément toute prête dans le commerce ! Il faut s’adapter. »

Chez Sveltic, entreprise de préparation de plats cuisinés qui emploie près de deux cents personnes (48 M€ CA), on a regardé le problème en face et trouvé de vraies solutions. En 2012 déjà, la direction se préoccupe des nuisances sonores. Installé au sud de Rennes, à Laillé, le site dispose, comme souvent dans l’agroalimentaire, d’équipements générateurs de bruit. « On savait qu’on allait mettre du temps à résoudre ce problème, car les sources sont multiples. » Lionel Urvoy, directeur du site, se remémore les différentes étapes de ce parcours.

« Nous avons commencé par établir une cartographie des bruits dans l’entreprise. Trois zones ont été établies : une comprise entre 80 et 85 décibels, une seconde de 85 à 87 décibels et une dernière dépassant 87 décibels ». C’est grâce à l’embauche d’un ingénieur apprenti que des mesures précises ont été réalisées pour hiérarchiser les sources génératrices de bruit et prioriser.

Solutions « maison » et extérieures

Une fois les bruits cartographiés, Sveltic s’est lancé dans la hiérarchisation des priorités d’action de réduction. Essentiel : la rédaction d’un cahier des charges pour chacune des priorités. Les utilisateurs des machines ont été associés, toutes les idées étant bonnes à prendre. « Une fois rédigé, nous avons soumis ce document à la Carsat pour validation, avant de nous tourner vers des fournisseurs susceptibles de nous fournir des solutions techniques. »

Il n’y a pas de recette miracle. « Pour chaque machine bruyante, il faut trouver une solution. On ne la trouve pas forcément toute prête dans le commerce ! Il faut s’adapter », prévient le directeur. Sveltic a su y faire…

Création de locaux spécifiques pour accueillir les équipements les plus bruyants, adaptation des machines ou installation de panneaux absorbant sur les murs : autant de solutions permettant de réduire les nuisances sonores. — Photo : Dmitry Kalinovsky

Deux souffleries, destinées à ôter l’eau s’accumulant lors des préparations, ont été encoffrées avec des structures dédiées, démontables et nettoyables. Résultat : -10 décibels. Le four de dorage, très bruyant au moment de l’injection de vapeur, a subi un double traitement : tunnel acoustique en entrée de four et silencieux résistant à 200°C. Moins 15 décibels sur les pics sonores !

« Aujourd'hui, nous veillons à ce que tous ces efforts soient maintenus. Le bruit est pris en compte dans tous nouveaux projets. »

Des actions en interne, associant maintenance et salariés, ont été bénéfiques. Ainsi, la ligne de tranchage de poisson a subi un recouvrement de l’intérieur des trancheurs et un doublage de la table de déballage par tôle sandwich Isosonic. Grignoteuses et operculeuses ont reçu des bandes amortissantes. Les trémies ont été recouvertes, afin de limiter les bruits de chocs lors des descentes. Les circuits d’air pour l’évaporation ont été modifiés. Même la gestion des va-et-vient du personnel dans les pédiluves hygiéniques a été revu…

« En 2015, nous sommes arrivés à une réduction du bruit dans toutes les zones repérées, sauf celle de surgélateurs, très difficile à traiter car des cloisons ont évolué autour en même temps que le bâtiment. Depuis, nous veillons à ce que tous ces efforts soient maintenus, les protections entretenues, le personnel informé. Le bruit est pris en compte dans tous nouveaux projets. » Au total, il en aura coûté près de 50 000 € à Sveltic.

Des résultats palpables

De nombreuses solutions existent sur le marché ou sont réalisables en interne à moindre coût. Quelques exemples : doublage de goulottes, insertion de masses pour atténuer les zones de chutes, tôles sandwich pour tables de découpes, panneaux muraux ou plafonds absorbants, vérins amortis en bout de course, etc. Dans certains cas, il convient de créer des locaux spécifiques, pour enfermer certains appareils bruyants. Enfin, ne pas négliger le juste réglage des machines : vérifier l’absence de fuites génératrices de bruit, limiter les pressions d’air comprimé… La maintenance des installations est essentielle pour réduire les niveaux sonores.

On l’aura compris, la démarche est d’autant plus complexe pour des installations anciennes. L’anticipation, lors de l’achat, et l’implantation de nouvelles machines ou process, sont donc essentielles…

Les gains peuvent aller de 10 à 25 décibels pour un capotage/encoffrement, 3 à 8 décibels pour un traitement acoustique, 2 à 5 décibels pour des protections contre les vibrations, 5 à 10 décibels pour des réductions des bruits de choc… Gagner 3 décibels, c’est important ! Cela équivaut à couper la moitié des machines de votre entreprise. Pensez-y !

Pour Laurent Legal, ingénieur conseil à la Carsat, « le bruit n’est pas une fatalité en entreprise. On peut toujours agir et les solutions sont multiples. Certes, il peut y avoir un coût pour l’entreprise, mais les avantages sont réels : renouer avec des conditions de travail où la concentration et la productivité sont optimisées. Coté RH, il faut aussi se réjouir d’une amélioration des conditions de travail. » Ce qui est indispensable pour attirer et retenir de nouvelles recrues.

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