"Les PME et ETI qui ne font pas leur transition écologique risquent de perdre leurs clients"
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Anne Guérin directrice exécutive du financement et du réseau de Bpifrance "Les PME et ETI qui ne font pas leur transition écologique risquent de perdre leurs clients"

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En tant que banque publique d’investissement avec un réseau d’une cinquantaine d’implantations régionales, Bpifrance s’est mobilisé sur le sujet de la transition écologique. Avec des outils de diagnostics, des formations, des financements et même une communauté spécifique. Entretien avec Anne Guérin, directrice exécutive du financement et du réseau de Bpifrance.

"Les grands donneurs d’ordres sont en train de prendre des engagements en termes de neutralité carbone ; cela se décline forcément sur les fournisseurs", assure Anne Gérin, directrice exécutive du Financement et du Réseau de Bpifrance — Photo : Nathalie Oundjian

Quelles sont vos convictions en termes de transition écologique ?

Les entreprises ne doivent pas voir le climat comme une contrainte mais comme une nouvelle opportunité de se développer avec l’environnement. Qui plus est, avec l’emballement réglementaire en termes de transition écologique et la pression des banques qui doivent verdir leur portefeuille et rendre des comptes, elles doivent se mettre en ordre de marche. Il en va de leur survie. Les chefs d’entreprise qui ont mené des actions en faveur de l’environnement ont confirmé que cela avait généré des opportunités d’affaires. Ce sont leurs entreprises qui seront choisies et qui capteront les marchés en France comme à l’étranger. A contrario, les PME et ETI qui ne feront pas cette transition risquent de perdre leurs clients. Les grands donneurs d’ordres sont en train de prendre des engagements en termes de neutralité carbone ; cela se décline forcément sur les fournisseurs. Or, selon l’étude Climat que nous avions menée en juillet 2020, si 80 % des chefs d’entreprise sont conscients des enjeux, la proportion qui passe à l’acte est bien inférieure, avec moins de 50 % d’entre eux qui passeraient in fine à l’action.

Quels sont les principaux freins qui les en empêchent ?

Il y a trois freins majeurs : la méconnaissance des solutions techniques, le manque de reconnaissance des clients qui ne sont pas prêts à payer plus pour un produit ou un service vertueux. Même si je suis convaincue que, demain, les clients vont l’exiger. Autre frein, le manque de moyens financiers. Ce d’autant plus qu’il y a une méconnaissance des outils de financement de la transition écologique et des subventions disponibles. Les chefs d’entreprise ont besoin d’être accompagnés sur tous ces sujets. Notre ambition est de mettre en transition 20 000 entreprises à échéance 2025.

Par quoi doit commencer un chef d’entreprise pour mener un projet de transition écologique ?

La première chose à faire est de mener un diagnostic énergétique ou environnemental ou bilan carbone de leur entreprise. Bpifrance peut l’aider à le mettre en place. Les petites entreprises peuvent également se tourner vers leur CCI ou leur fédération qui pourront les aiguiller sur les dispositifs existants. En revanche, pour les plus gros projets, elles ont intérêt à se tourner vers le tandem Bpifrance-Ademe.

Qu’a mis en place Bpifrance pour les accompagner sur le sujet ?

Nous avons lancé les premières briques d’accompagnement des entreprises en créant en partenariat avec l’Ademe le Diag Eco Flux, un programme d’accompagnement personnalisé de 12 mois par un bureau d’études qui établit un diagnostic sur les consommations d’eau d’énergie et de matière et propose un plan d’action et un suivi. Son objectif ? Limiter la consommation et gagner en rentabilité. En 18 mois, 900 diagnostics ont été déployés et ont généré une économie de 50 000 euros par an dans les entreprises. C’est assez significatif. On a également monté le diagnostic "décarbonaction" afin de permettre aux entreprises de faire faire leur bilan carbone par un bureau d’études et de mettre en place un plan d’action de décarbonation ainsi qu’un plan de communication à destination de leurs clients, fournisseurs et salariés. Là aussi, il y a une forte demande des dirigeants. Lancés en septembre 2021, une centaine de diagnostics ont été déployés. En termes de financement, afin que cela ne constitue pas un frein pour les entreprises, nous finançons avec l’Ademe plus de la moitié du coût de la mission. De son côté, l’entreprise ne doit financer que quelques milliers d’euros au maximum.

"La transition écologique peut être financée via des certificats d’économie d’énergie ou via des subventions de l’Ademe"

D’autres diagnostics, de performance immobilière et d’éco conception vont également être lancés. Parmi les autres outils proposés aux entreprises, le Climatomètre permet d’évaluer en ligne, en 10-15 minutes la situation approximative de son entreprise en termes d’impact environnemental et connaître, par rapport à son secteur d’activité, les principaux enjeux auxquels l’entreprise sera confrontée dans sa démarche de transition écologique. Pour pallier le manque de connaissance des chefs d’entreprise, nous avons enfin rendu accessibles en ligne une quarantaine de modules de formation sur Bpifrance université qui compte quelque 9 000 apprenants. En parallèle, nous lançons des start-up de la Deeptech pour faire émerger des solutions et de nouveaux marchés comme le stockage d’énergies, la captation carbone ou les matériaux durables. En 2021, nous en avons accompagné 916 et leur avons accordé près de 600 millions d’euros de financement.

En quoi consiste la communauté du Coq vert que vous avez également créée ?

Composée d’offreurs de solution - des start-up innovantes sur ces sujets de transition écologique qui ouvrent la voie - et de 1 000 chefs d’entreprise qui sont déjà engagés dans la transition écologique et veulent aller plus loin, cette communauté favorise les échanges entre pairs, l’entraide et la formation, via des rencontres physiques et digitales. Dans le cadre de la transition écologique, nous avons également des accélérateurs dédiés, comme l’accélérateur valorisation des déchets ou décarbonation. Ils s’assimilent à des MBA pour chefs d’entreprise. Nous y intégrons des promotions de 30 à 60 dirigeants qui souhaitent accélérer leur démarche en leur permettant de travailler ensemble pendant deux ans à raison d’une journée par mois.

En termes d’outils financiers, que propose Bpifrance ?

La transition écologique peut être financée via des certificats d’économie d’énergie (CEE) ou via des subventions de l’Ademe, visibles sur le portail Tremplin pour les TPE/PME. Bpifrance a mis en place dans le cadre de France Relance des prêts verts sans garantie sur dix ans avec deux ans de différé d’amortissement pour financer tout ce qui est difficilement finançable via les CEE ou des subventions, notamment les investissements immatériels qui vont permettre la transition écologique. Lancé en mars 2021, il est largement plébiscité par les chefs d’entreprise : nous en avons distribué un milliard en 2021 et suivons cette même tendance dynamique sur 2022 avec déjà 700 millions d’euros de prêts décaissés en six mois. Plus de la moitié des entreprises bénéficiaires de ce prêt sont des entreprises industrielles. Son succès montre qu’il y a un besoin fort.

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