Les lanceurs d'alerte n'ont plus l'obligation d'avertir au préalable leur employeur
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Les lanceurs d'alerte n'ont plus l'obligation d'avertir au préalable leur employeur

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Le Parlement vient de voter une loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alertes, ces personnes à qui l’on doit par exemple les affaires du Médiator ou des LuxLeaks. Désormais, elles n’ont plus besoin d’avertir leur employeur.

Le lanceur d’alerte ne peut plus être inquiété pénalement pour avoir intercepté et emmené des documents confidentiels — Photo : nirutft

Cinq ans après la création d’un statut de lanceur d’alerte, le Parlement a adopté le 16 février une loi visant à améliorer leur protection. En étendant au préalable la définition du lanceur d’alerte. Il s’agit d’une personne physique "qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général". Ou encore des informations sur "une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation du droit international ou de l’Union européenne, de la loi ou du règlement".

Nouveauté, plus besoin d’avoir "personnellement" connaissance de l’information, comme le prévoyait la loi Sapin 2. L’individu pourra signaler des faits qui lui ont été rapportés dans un cadre professionnel.

Plus besoin d’informer l’employeur

Exit aussi l’obligation d’informer d’abord son entreprise ou administration. Le lanceur d’alerte pourra choisir entre un signalement interne ou externe, auprès de la justice, du défenseur des droits, d’un ordre professionnel, etc. La divulgation publique ne reste possible qu’à certaines conditions, en cas de danger imminent ou manifeste pour l’intérêt général, par exemple.

Cette réforme des canaux de signalement est importante. "C’est la seule avancée notable du texte, estime l’avocat Pierre Farge. L’obligation d’alerter en premier son employeur était contreproductive. Quand on révèle une info d’envergure, comme une fraude fiscale, quasi systématiquement, le salarié est licencié sur-le-champ." Avec les frais de justice à avancer, le risque est que le lanceur d’alerte se retrouve sans un sou.

Auteur du livre Le lanceur d’alerte n’est pas un délateur, Pierre Farge regrette une évolution trop lente du droit pour protéger ceux qui dénoncent des crimes et délits. "Trop lente au regard de la nécessité d’encourager les alertes en France. Et le recouvrement de fonds publics… Sachant que des milliards d’euros sont en jeu", précise-t-il. L’avocat pointe les limites du texte. Notamment la possibilité pour le juge d’accorder "une provision pour frais de justice" au lanceur d’alerte qui conteste par exemple une procédure "bâillon", telle qu’une plainte pour diffamation destinée à intimider. "On ne sait pas précisément qui attribuera cette provision, dans quel délai, ni comment… La loi manque de lisibilité", déplore l’avocat.

Protection étendue à l’entourage

De son côté, la Maison des Lanceurs d’Alerte salue plusieurs avancées. Cette association réunit 26 adhérents, dont l’association anticorruption Anticor, le syndicat national des journalistes ou Greenpeace. Elle applaudit en particulier la nouvelle protection apportée à l’entourage. "Les personnes physiques et morales venant en aide aux lanceurs d’alerte dans le processus de signalement bénéficieront des mêmes protections que ces derniers, leur permettant ainsi de jouer pleinement leur rôle de pare-feu", commente l’association.

Elle se dit aussi satisfaite de "l’immunité pénale complète accordée aux lanceurs d’alerte" que ce soit "pour la divulgation d’informations" ou "pour les moyens nécessaires à l’obtention de celles-ci". Concrètement, le lanceur d’alerte ne pourra être inquiété pénalement pour avoir intercepté et emmené des documents confidentiels liés à son alerte, contenant des informations dont il aura eu accès de façon licite. "Par exemple, un salarié à qui on montre un rapport prouvant qu’une usine déverse du mercure dans une rivière, aurait le droit de le subtiliser pour prouver les faits dont il a eu licitement connaissance ", indique le site d’information étatique vie-publique.fr

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