Les énergies renouvelables bénéficient à plein d’un effet Covid
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Les énergies renouvelables bénéficient à plein d’un effet Covid

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En pleine crise sanitaire le gouvernement a adopté une nouvelle stratégie climat. La programmation pluriannuelle de l’énergie fixe les objectifs énergétiques de la France pour les huit prochaines années. Son ambition suppose une réelle montée en puissance de la consommation des énergies renouvelables.

Les énergies renouvelables pèsent 21% de la production d’électricité en France. En 2028, le gouvernement compte porter cette part à au moins 33% — Photo : ©Photocreo Bednarek - stock.adobe.com

La consommation d’électricité en France a chuté de 20 % environ au plus fort de la crise sanitaire selon les chiffres publiés par Réseau de transport d’électricité (RTE) qui gère les lignes à haute et moyenne tensions et assure l’équilibrage de la tension sur le réseau en temps réel. Cette baisse, principalement due à la diminution de l’activité économique (fermeture des commerces, des restaurants, des cinémas…) et au ralentissement de l’activité dans l’industrie, a ébranlé le secteur de production des énergies traditionnelles.

Record pour l’électricité verte en France

Dans le même temps, les énergies renouvelables, grâce à des conditions météorologiques favorables, ont continué de fonctionner à plein régime. Le 29 mars dernier, la consommation d’électricité verte a ainsi atteint un pic de 35 % dans le mix électrique français. « Cette crise a permis de souligner la résilience des énergies renouvelables qui sont très autonomes et gérées à distance, à la différence des centrales nucléaires ou thermiques qui nécessitent d’importantes opérations in situ pour la gestion du combustible, la maintenance… », confie Vincent Balès, directeur général de WPD offshore France et WPD Solar France, filiales du groupe allemand WPD AG, producteur indépendant d’électricité 100 % renouvelable.

Technologies sont matures

Pour le gouvernement, il semble évident que le plan de relance post-Covid doit passer par les énergies vertes. « La transition écologique est une chance pour notre pays […]. Une opportunité de croissance et d’emploi, un levier de compétitivité. Il y a dix ans, la croissance verte était un horizon qui pouvait sembler lointain. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les technologies sont matures », déclarait Élisabeth Borne le 29 avril 2020. L’actuelle ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion avait alors encore son portefeuille de ministre de la transition écologique et solidaire.

36 % d’énergies renouvelables en 2028

La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) dont le dernier décret a été publié le 23 avril 2020, prévoit que l’électricité issue des énergies renouvelables (hydroélectricité, éoliennes terrestres, photovoltaïque, bioénergies, éoliennes en mer et énergies marines renouvelables) représente 27 % du mix énergétique du pays en 2023 et entre 33 % et 36 % en 2028. « La PPE a été créée par la loi sur la transition énergétique et pour la croissance verte de 2015 avec pour objectif de réduire la part du nucléaire de 70 % à 50 % d’ici à 2035, explique Patrick Criqui, directeur de recherche du CNRS au Laboratoire d’économie appliquée de Grenoble. Cette programmation s’inscrit dans une stratégie de long terme. Il faut donc considérer la PPE comme une préparation de ce passage à 50 % du nucléaire même s’il y a encore un certain flou sur ce que sera l’avenir du nucléaire en France. Le gouvernement s’orientera-t-il vers une trajectoire de sortie ou est-ce que l’objectif de 50 % constituera un plancher ? La question reste ouverte. »

À en croire David Marchal, directeur exécutif adjoint de l’expertise et des programmes au sein de l’Agence de la transition écologique (Ademe), « ce plan est positif mais il reste très ambitieux. La part des énergies renouvelables dans la production d’électricité s’élève à 21,1 % en 2019, selon RTE. Hélas ce chiffre augmente assez lentement puisque nous étions à 16,3 % en 2015. Pour atteindre les objectifs de 2023 et 2028, il y a donc nécessité d’accélérer. »

Réduire les contraintes réglementaires

Pour atteindre l’échéance intermédiaire de 27 % du mix énergétique en 2023, il convient de miser sur l’éolien en mer (offshore), qui reste sous-représenté dans la PPE, estime Vincent Balès. « Pour l’heure l’objectif n’est que d’atteindre 7 GW d’installation d’ici 2023 alors que l’Angleterre devrait avoisiner 30 GW à la même date », s’inquiète Vincent Balès. Et ce, alors même que la France dispose, selon lui, du deuxième potentiel européen grâce à ses 3 400 kilomètres de littoral et ses excellents régimes de vent. « Nous accusons un vrai retard, insiste le directeur général de WPD offshore et WPD solar France. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) mise sur une capacité de production de 20 % d’éolien en mer pour le mix énergétique européen d’ici à 2040. Aujourd’hui en Europe, la production ne représente que 4 %. En France, nous sommes à 0 %. Or il y a un fort potentiel de croissance de l’éolien posé en mer du fait de la chute des coûts et des progrès de la technologie. La France compte quatre usines. Une vraie industrialisation se met en place. Il convient maintenant de pérenniser cet outil industriel. » Dernier chantier en date, celui de Fécamp (Seine-Maritime) qui a démarré en juin 2020. Le site, composé de 71 éoliennes, doit être mis en service en 2023. D’une capacité de 500 mégawatts (MW), il permettra d’alimenter l’équivalent de 770 000 personnes, soit plus de 60 % des habitants de Seine-Maritime.

« La phase de développement s’élève à 10 ans pour l’éolien terrestre comme l’éolien en mer. C’est deux à trois fois plus long que nos voisins européens, il est temps d’accélérer ! »

« En mer, comme sur terre, il faut ouvrir plus de zones pour accueillir ces énergies, libérer du foncier à terre et de l’espace maritime, mais aussi, réduire les contraintes de servitudes imposées pour l’implantation de ces énergies. En mer, nous avons besoin de 1,5 à 2 % de l’espace maritime métropolitain, ce qui est raisonnable et ne bloquera pas les autres activités maritimes », poursuit Vincent Balès. Concernant l’éolien, l’association France Énergie Éolienne (FEE) appelle à la levée de certaines contraintes liées à l’aviation civile et militaire et à l’existence de couloirs aériens pour l’armée. Autre clé pour libérer la croissance de ces énergies renouvelables : faire en sorte que les procédures ne s’éternisent pas. « La phase de développement s’élève à 10 ans pour l’éolien terrestre comme l’éolien en mer. C’est deux à trois fois plus long que nos voisins européens, il est temps d’accélérer ! », s’agace Vincent Balès.

Une pédagogie efficace

David Marchal pense également qu’il faut agir sur la demande et l’efficacité énergétique pour réussir à abaisser la consommation d’énergie fossile, tout en maintenant le niveau de la consommation d’électricité. « Les mobilités actives doivent se développer. Les soutiens publics permettent aujourd’hui de moderniser le parc de véhicules, de remplacer les moyens de chauffage fossiles et d’isoler les bâtiments, en limitant le reste à charge pour les ménages modestes. » La pédagogie et la sensibilisation du grand public seront également clés pour développer les énergies renouvelables. « L’accompagnement de ces projets sur le terrain est essentiel pour favoriser leur acceptation sociale. L’implication pérenne des collectivités territoriales est un facteur de succès. Les décideurs locaux doivent plus globalement faciliter la compréhension des enjeux énergétiques et climatiques et mettre en place des actions qui permettent de montrer que ces investissements et cet apport des énergies renouvelables vont stimuler l’économie locale et sont indispensables pour obtenir un système énergétique plus sobre et moins émetteur de gaz à effet de serre », conclut Patrick Criqui.

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