Les clés pour réussir sa campagne de crowdfunding
# Capital

Les clés pour réussir sa campagne de crowdfunding

S'abonner

Le crowdfunding bat des records en France. De plus en plus de PME font appel au financement "par la foule" pour mener à bien leurs projets. Reste pour les entreprises à réussir à maîtriser les codes de ce mode de financement qui s’installe durablement dans l’Hexagone.

En 2022, les fonds collectés par le crowdfunding se sont montés à 2,3 milliards d’euros en France. Un chiffre en croissance de 25 % sur un an — Photo : monropic

Le premier a investi dans la compagnie maritime Towt parce qu’utiliser des voiliers pour transporter des marchandises "a du sens". Un deuxième souhaitait "participer à l’évolution de l’économie dans ce domaine et encourager ce type de démarche entrepreneuriale". Sur Lita.co, une plateforme parisienne de financement participatif, les témoignages de particuliers qui ont choisi d’investir dans l’entreprise Towt affichent leurs engagements. En seulement un mois et demi de collecte, cette entreprise qui assure le transport de marchandises par voiliers a levé 4,5 millions d’euros l’été dernier, sous forme d’obligations convertibles, auprès de 2 400 investisseurs.

Guillaume le Grand, l’un des fondateurs de la compagnie maritime, n’imaginait pas un tel retentissement et lever plus de quatre fois le montant initialement prévu. Il sent vite l’engouement prendre. "Cette campagne citoyenne a eu un effet stimulant, se remémore-t-il. Le fait que 2 400 personnes s’engagent avec nous pour la construction de deux cargos à la voile pour décarboner le transport maritime a envoyé un message fort". L’opération a en effet permis de lancer la construction de ces deux voiliers. L’entreprise née dans le Finistère et aujourd’hui installée au Havre a mené en parallèle une levée de 4,2 millions d’euros en equity auprès d’investisseurs traditionnels. Une campagne de crowdfunding peut en effet compléter un financement bancaire classique et même s’avérer être un bon effet levier.

2,3 milliards d’euros en France

À l’image de Towt, de plus en plus d’entreprises ont recours au crowdfunding pour financer leurs projets. En 2022, les fonds collectés "par la foule" ont représenté 2,3 milliards d’euros en France, un chiffre en croissance de 25 % selon le dernier baromètre du crowdfunding français réalisé par Mazars et l’association professionnelle Financement Participatif France (FPF).

Réussir une telle opération de financement ne s’improvise pas. Avant de conquérir les investisseurs, il faut déjà séduire les plateformes de crowdfunding, ces intermédiaires qui sélectionnent et présentent aux investisseurs les projets. FPF en recense près de 70 en France. Parfois généraliste, parfois spécialisée dans un domaine ou sur un territoire, proposant des dons-préventes, des royalties, des obligations ou encore des actions, chaque plateforme a son positionnement et son mode opératoire.

Choisir et séduire une plateforme

Mathilde Iclanzan dirige Wiseed. Au total, 20 millions d’euros de collecte ont transité via cette plateforme toulousaine de crowdfunding l’année dernière. Elle réalise 25 % de son activité auprès de PME, le reste étant assuré par du crowdfunding immobilier. Avec un parti pris : "Nous nous adressons aux PME à forte innovation, dans le domaine de la santé ou la transition énergétique par exemple". Selon la dirigeante, il y a un vrai regain d’intérêt pour "les projets à forte innovation, porteurs de sens et de valeurs". Cible privilégiée de la plateforme occitane : une entreprise qui dispose déjà d’une preuve de concept, d’une technologie éprouvée, de premiers chiffres d’affaires et qui commence à se structurer. Manière aussi de rassurer les potentiels investisseurs. Puisqu’en cas de proposition d’obligations (ou de titres de créances), il faut évidemment être en capacité de rembourser.

Chez Wiseed, chaque projet est étudié à la loupe : structure financière et structure juridique sont analysées, tout comme les produits, le marché et les perspectives de croissance et de développement. En outre, "pour la sélection des PME, nous veillons à la structuration de l’équipe dirigeante en s’assurant de la complémentarité des profils, nous étudions la qualité de l’information financière ou encore la capacité à piloter l’entreprise et l’agilité des dirigeants. Le parcours d’un chef d’entreprise est difficile, il est important de s’assurer de la capacité à réagir en zone de turbulences et à être lucide dans toutes les situations", décrypte Mathilde Iclanzan. Une plateforme comme Wiseed a tout intérêt à bien sélectionner les PME, sa rémunération dépendant du succès ou non des collectes, entre 5 à 8 % de la somme mobilisée.

Ce processus de sélection peut prendre du temps. Clément Francomme, fondateur d’Utocat, société lilloise éditrice d’un logiciel pour simplifier l’usage du PEA-PME à destination des banques, vient de clôturer une seconde campagne de crowdfunding. Après Wiseed, le dirigeant s’est cette fois adressé à la plateforme bordelaise Tudigo pour ouvrir son capital. Convaincu que ce nouveau mode de financement est "une diversification bienvenue et résiliente" dans le monde de la finance, il met toutefois en garde sur le temps de montage des dossiers. "Dans le cas d’actions, la partie administrative peut-être longue, de 4 à 9 mois, avec beaucoup de négociations", prévient-il.

Convaincre des investisseurs

Reste à donner le top départ de la campagne de crowdfunding à proprement parler. L’entreprise a beau avoir le meilleur produit ou le meilleur projet de tous les temps, les affaires marcheront moins bien sans un bon marketing. Car pour convaincre les particuliers investisseurs, il demeure nécessaire de leur "vendre" votre proposition. Présentation de la société et des dirigeants, étude de marché, business plan seront transmis. "Jouez la transparence, quitte à vous mettre un peu à nu", préconise la dirigeante de Wiseed pour qui "on ne doit pas cacher les risques mais les exposer". Parce que chaque investisseur devient analyste et c’est lui seul, en autonomie, qui prend la décision d’investir. Souvent, des forums permettent aussi d’échanger avec les porteurs de projets. Un jeu de questions-réponses ouvert que chacun peut consulter pour s’informer. "Lors de notre live où près de 400 personnes étaient connectées, nous avons répondu à une cinquantaine de questions", se souvient Guillaume le Grand. L’occasion d’expliciter et de défendre son projet, son caractère innovant, son modèle économique, ses valeurs.

Il ne faut pas oublier que les investisseurs cherchent à placer leur épargne, mais aussi à investir dans l’économie réelle, dans un projet qui a du sens à leurs yeux, parce que situé sur leur territoire ou défendant telles ou telles valeurs. D’où l’importance pour l’entreprise de soigner ses indicateurs extra-financiers, dits ESG (environnementaux, sociaux et gouvernance) lors de la présentation de son offre.

Fédérer une communauté

Outre l’apport de fonds, mener une campagne de financement participatif présente d’autres vertus. "En plus d’offrir de la visibilité pour faire connaître une entreprise ou un produit, cela génère aussi souvent de belles histoires : les investisseurs sont vos premiers sponsors et soutiens, surtout lorsque l’on traverse un moment de crise. Quand on investit dans une entreprise, c’est qu’on a envie d’y croire ! Être bien entouré c’est une force", pense Mathilde Iclanzan. Clément Francomme croit aussi au pouvoir de cette communauté d’investisseurs pour fédérer autour d’Utocat. En clôturant en mars sa nouvelle levée de fonds de près de 530 000 euros auprès de 200 investisseurs, il envisage d’accélérer le déploiement de sa solution à l’international, notamment en Belgique et au Luxembourg. Chacun de ses nouveaux partenaires devenant prescripteurs, dans une stratégie de conversion.

# Capital # Gestion