« L'effet Macron, c'est dans les têtes »
Interview # Conjoncture

l'économiste Jean-Paul Betbeze l'économiste Jean-Paul Betbeze « L'effet Macron, c'est dans les têtes »

S'abonner

Selon l'économiste Jean-Paul Betbeze, on constate un « effet Macron », pour le moment psychologique, qui semble galvaniser les chefs d'entreprise et les pousser à investir et embaucher.

Le Journal des Entreprises : En avril, vous aviez signé avec 39 autres économistes une tribune dans « Le Monde » pour soutenir Emmanuel Macron. Il a été élu il y a maintenant deux mois. Quelles sont vos premières impressions sur le plan économique ?

Jean-Paul Betbeze : Quand j'ai signé la tribune avec mes collègues universitaires, nous étions à la fois confiant sur l'homme et sur sa capacité à mettre en oeuvre des réformes, avec l'idée très importante qu'il y a une demande de nouveauté dans les idées et dans le personnel politique. La nouveauté avec Macron, c'est d'avoir fédéré centre gauche et centre droit, qui sont deux forces qui veulent du changement. Aujourd'hui, Emmanuel Macron est perçu comme la solution. Il est poussé par un désir de changement et par l'adéquation entre l'« offre » qu'il propose et une demande sociale qui n'était jusqu'alors pas exprimée.

Les ménages semblent avoir retrouvé leur confiance d'avant crise, les chefs d'entreprise sont plus optimistes et la Bourse est également confiante... Y'a-t-il réellement un « effet Macron » ?

J.P.B : Aujourd'hui, il est vrai que l'on constate un « effet Macron ». Ce que cette expression recoupe, c'est que la psychologie est là. Les ménages vont mieux et vont consommer davantage, les entrepreneurs vont mieux et vont investir et embaucher davantage. L'effet Macron, c'est dans les têtes, même si l'économie française va mieux depuis déjà près de six mois, portée par une vague européenne. Ce qu'il se passe aujourd'hui c'est qu'il y a une accélération de l'amélioration en cours. Tout le défi va être de transformer cet effet psychologique en mesures concrètes.

Depuis l'élection d'Emmanuel Macron, les indicateurs semblent repartir à la hausse : la confiance des dirigeants en l'économie, les prévisions d'investissement, le solde d'emploi... Comment expliquer ce regain d'optimisme ?

J.P.B : Si les chefs d'entreprise se disent qu'il va y avoir une simplification du droit social, la possibilité de dialoguer et négocier dans leurs entreprises, les choses vont s'améliorer de fait. Nous constatons un optimisme retrouvé dans les entreprises depuis quelques mois, même auprès des directeurs financiers, qui sont souvent les plus prudents. La situation financière s'améliore : augmentation de la rentabilité grâce à l'effet CICE, stabilisation des salaires, taux d'intérêt bas. Tout le problème à résoudre aujourd'hui est que les entreprises vont mieux « techniquement », « comptablement », elles ont donc la possibilité d'investir et d'embaucher. Il faut juste qu'elles aient un déclic pour le faire. Les réformes à venir peuvent être ce déclic.

D'un point de vue économique, le grand programme de réformes sociales et économiques, notamment la simplification du droit du travail, annoncé par le président Macron va-t-il dans le bon sens pour les entreprises ?

J.P.B : Il va dans le bon sens pour les PME. Le plafonnement des indemnités prud'homales, les seuils sociaux, l'instance unique de représentation du personnel... Toutes ces mesures ont été pensées pour favoriser les PME car l'enjeu crucial du nouveau quinquennat reste l'emploi, et en particulier l'emploi des jeunes. C'est en agissant sur l'emploi des jeunes que les choses se transformeront radicalement, notamment dans les PME. Et c'est l'amélioration de la situation économique des PME qui permettra une accélération de la croissance en France. Sur le fond, les réformes en cours sont connues, car elles ne sont que la prolongation de ce que Macron n'a pas pu laisser dans la loi El Khomri en 2016 face aux oppositions. À la différence près qu'aujourd'hui l'opposition est éclatée, donc moins forte.

Qu'est-ce qui pourrait faire que Macron ne réussisse pas sur le plan économique ?

J.P.B : Aujourd'hui la vague est puissante et forte, et elle est assez forte selon moi pour résister aux mauvaises nouvelles comme l'annonce attendue d'un déficit budgétaire plus important que prévu, au minimum 3,2 % du PIB. Dans ce contexte, le président Macron et son Premier ministre vont devoir réduire les dépenses et peut-être repousser dans le temps des réformes. Selon moi, deux réformes que Macron a annoncées peuvent attendre : le remplacement du CICE par une baisse des charges pour les entreprises et les dépenses liées au service militaire obligatoire.

Est-ce qu'il n'y a pas une certaine bienveillance, voire une fascination, du monde économique pour Emmanuel Macron ?

J.P.B : Une bienveillance oui, mais c'est normal face à la nouveauté. Je ne suis pas d'accord avec la fascination, car d'une certaine manière cela voudrait dire qu'on lui pardonnerait tout. Si vous êtes fascinés, vous n'êtes plus en démocratie. Que l'on soit intéressé par lui, oui ; que l'on veuille voir ce que cela va donner, oui ; mais son élection n'est pas un blanc-seing. Et même si l'homme est nouveau, son programme ne l'est pas, il est avant tout une prolongation et une correction de programmes antérieurs.

Dans un ouvrage que vous avez dirigé en 2013, vous appeliez notamment à mieux financer les start-up. Le programme du nouveau président en la matière est-il assez ambitieux ?

J.P.B : Les start-ups ne se financent pas à crédit mais avec des capitaux privés. En France, nous commençons à avoir une vraie évolution en la matière, mais cela ne pourra se faire qu'en incitant les investisseurs privés, car ils prennent des risques en finançant les PME et les start-ups. La transformation de l'impôt sur la fortune en impôt sur la rente immobilière qui ne concernera plus les titres est une bonne mesure, qui va favoriser les business angels.

# Conjoncture