"Le guichet unique crée de l’illégalité tous les jours"
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"Le guichet unique crée de l’illégalité tous les jours"

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La nouvelle plateforme internet, dédiée aux entreprises depuis le 1er janvier dernier, multiplie les dysfonctionnements. Le cabinet d’avocats d’affaires Bruzzo Dubucq, basé à Aix-en-Provence, a saisi le tribunal administratif de Cergy Pontoise pour contraindre l’INPI, en charge du site, à améliorer les choses.

Maitres Tristan Girard-Gaymard, Virginie Cadouin et David Ybert de Fontenelle — Photo : DR

Il règne comme un air de chaos autour des démarches en ligne des entreprises. Depuis le 1er janvier, la mise en place du "Guichet unique", un portail internet sécurisé opéré par l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) pour l’État, cumule les déboires. À tel point que de nombreux professionnels du chiffre et du droit, avocats, experts-comptables, notaires et formalistes, ne cachent pas leur colère face aux dysfonctionnements de ce site sur lequel sont désormais effectuées - obligatoirement - toutes les formalités relatives aux entreprises commerciales ou artisanales.

"Il y a un nombre de choses impossibles à réaliser comme la constitution de certaines sociétés ou la radiation qui pose une difficulté majeure. Il est aussi impossible de déposer des actes de manière isolée. Tout prend un temps infini. On demande, par exemple, à l’utilisateur d’extraire des informations comptables pas exigées auparavant. Pour le chef d’entreprise, ça complexifie, c’est une barrière", déplorent, notamment, maîtres Virginie Cadouin et David Ybert de Fontenelle du cabinet d’avocats Bruzzo Dubucq, spécialisé en droit des affaires.

"Des dizaines de dysfonctionnements"

Basé à Aix-en-Provence et Paris, ce cabinet - qui a récemment fait condamner Apple par la CNIL pour manquement au RGPD - est à l’origine d’un référé-liberté déposé devant le tribunal administratif de Cergy Pontoise. Une procédure faite en son nom mais aussi pour le compte d’un expert-comptable, d’un commissaire aux comptes et d’un formaliste. "Neuf dysfonctionnements ont été constatés par huissier de justice et des dizaines d’autres via des sondages effectués auprès de professionnels", justifie Me Tristan Girard-Gaymard, en charge du contentieux.

Leur objectif ? "Obtenir une injonction contraignant l’INPI à rétablir ce service public et mettre fin aux désordres constatés". Selon ces juristes, il y a urgence. Les formalités "qui prenaient deux à trois jours peuvent désormais s’étaler sur des semaines". "La plateforme pose des questions non requises par les textes, les menus déroulants ne sont pas performants. Avant, lors d’une constitution d’entreprise, le greffe transmettait à l’Insee qui se chargeait de regarder l’objet social et d’attribuer un code APE. Dorénavant, cette responsabilité pèse sur l’utilisateur avec un nombre de catégories infinies, des sous-catégories. Nous nous arrachons les cheveux tellement c’est compliqué", assurent-ils. À ces difficultés s’ajoute l’absence de suivi lorsque la déclaration en ligne est terminée : "Une fois qu’elle est réalisée, elle tombe dans les limbes. On ne sait pas si elle est acceptée ou rejetée, hormis pour la formalité de constitution."

Les immatriculations d’entreprises en forte baisse

Le "Guichet unique", censé simplifier la vie des entreprises, avait été partiellement testé durant l’année 2022 avant son lancement définitif ces derniers jours. "Tout le monde savait ce qui ne marchait pas, et ce, bien avant le 1er janvier", s’insurgent les avocats. Face à la levée de boucliers, le site Infogreffe a été partiellement remis en service pour quelques démarches. Une solution de secours provisoire ? "On ne sait pas. Le ministre de l’Économie a annoncé qu’il fallait que le site soit complètement opérationnel fin mars. En attendant, il y a un préjudice pour l’économie nationale, pour les entrepreneurs, les professionnels que nous sommes, les formalistes, les huissiers, ainsi que les greffes" ajoutent-ils.

La situation serait actuellement tellement compliquée que les immatriculations auraient "baissé de 70 % durant ce mois de janvier par rapport à celui de 2022 et de 90 % pour les modifications de sociétés". "Les formalités sont obligatoires, il y a désormais des situations illicites parce qu’elles ne peuvent pas être formalisées, estiment-ils. L’État crée ainsi l’illégalité tous les jours en raison de ces dysfonctionnements."

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