Le Brexit, une chance pour votre entreprise ?
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Le Brexit, une chance pour votre entreprise ?

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La perspective du Brexit, avec toutes les incertitudes qui y sont associées, est plutôt de nature à susciter inquiétudes et interrogations depuis 2016. Mais là où beaucoup parlent de risques, d’autres y voient des opportunités. C’est le cas de Thierry Fournier (EIM) et Géraldine Dibon (Altios). Ils livrent ici leurs astuces pour faire de cette période indécise une chance et une force pour votre entreprise.

Depuis la victoire du "Yes" au référendum sur le Brexit, en 2016, le cours de la livre sterling face à l'euro a nettement reculé. De quoi rendre moins coûteuses les opérations d'acquisition d'entreprises britanniques par des européennes, relève Géraldine Dibon (Altios international) — Photo : PublicDomainPictures - Pixabay CC0

Et s’il fallait voir dans le Brexit une formidable opportunité, plutôt qu’une inquiétante menace, pour les entreprises françaises ? « Évidemment ! », s’exclame sans hésiter Thierry Fournier.

La réponse spontanée de cet associé du cabinet EIM, spécialisé dans le management de transition, est pourtant loin de couler de source, tant les discours entourant le divorce entre le Royaume-Uni et l’Union européenne (UE) empruntent plus au lexique du risque et de l’incertitude qu’à celui de l’aubaine et de la croissance. Une inquiétude ambiante, entretenue par les autorités françaises, qui pressent les dirigeants d’entreprise à se préparer au pire, c’est-à-dire à une sortie sans accord (no-deal), le 31 octobre 2019 [le Brexit a finalement été repoussé au 31 janvier 2020].

Mais le Brexit, « ce n’est pas qu’une situation pénible, dans laquelle il faut éviter les coups de marteau sur les doigts, tempère Thierry Fournier. On peut aussi l’aborder comme un jeu, où il faut se montrer intelligent pour en tirer profit. »

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Car les opportunités existent. C’est ce que laissait entendre un rapport du Comité européen des régions en 2018 : malgré la crainte d’impacts négatifs à différentes échelles, l’étude soulevait, par exemple, que les entreprises des régions du littoral (Hauts-de-France et Bretagne en tête) « pourraient accroître leur compétitivité par rapport à leurs homologues anglais et, au vu de leur situation géographique, attirer plus d’investisseurs étrangers en provenance des pays émergents, comme l’Inde ». Encore faut-il savoir provoquer le destin, insiste Thierry Fournier.

Grillez la politesse à vos concurrents britanniques, grâce au Brexit

Quelle que soit sa forme, le Brexit se traduira par le rétablissement des frontières entre le Royaume-Uni et l’Europe. Avec un impact attendu sur la logistique des entreprises, d’une part - du fait de la fin de la libre circulation, et sur leur compétitivité, d’autre part - en raison du retour des droits de douane. Allongement des délais de livraison et d’acheminement, pénalités de retard, renchérissement du prix des produits et services échangés… les conséquences potentielles d’un tel changement sont multiples.

Dans cet environnement nouveau, la seule question à se poser est simple, pour Thierry Fournier : « Lesquels de mes concurrents, notamment britanniques, vont souffrir le plus du Brexit ? ». Tout aussi limpide est la stratégie à déployer ensuite : « Attaquer pleine balle (sic) leurs clients, en faisant valoir que la stabilité de votre entreprise est bien supérieure à celle des anglaises. »

De la même manière, la sortie du Royaume-Uni est l’occasion de renégocier les relations avec ses fournisseurs outre-Manche : « Certains risquent d’être embêtés de longs mois avec le retour des frontières, insiste Thierry Fournier. Interrogez-vous alors sur ce que vous pouvez leur offrir pour les soulager de cette difficulté… et ce que vous pouvez leur demander, en échange et à votre avantage. C’est cela, un bon deal ! »

Misez sur le Royaume-Uni, malgré le Brexit

Et de bonnes affaires, c’est justement le moment d’en conclure au Royaume-Uni. Aussi incertaine soit-elle, la période du Brexit serait plus que jamais propice aux partenariats franco-britanniques. C'est la voie suivie, fin décembre 2018, par le transporteur Bret, par exemple. C'est aussi le conseil de Géraldine Dibon, à la tête du bureau britannique d’Altios international, spécialiste de l’accompagnement à l’étranger. Et ce, pour au moins deux raisons.

La première est financière : « Pour les Européens, l’entreprise britannique est un peu moins chère aujourd’hui qu’il y a cinq ans… » En cause : la chute du cours de la livre sterling par rapport à l’euro, depuis la campagne du référendum de 2016 sur la sortie de l’UE. Le Brexit pourrait aussi fragiliser les sociétés nationales et les rendre plus vulnérables à des opérations d'acquisition.

La seconde tient au pragmatisme anglo-saxon : « On constate que les entreprises britanniques deviennent plus attentives aux approches des sociétés françaises qui cherchent à racheter ou prendre une participation capitalistique. Leur écoute est renforcée, parce qu’elles se rendent compte qu’elles vont avoir besoin d’un partenaire européen à l’avenir. Et elles se doutent qu’une société du continent qui vient les voir dans le contexte actuel, arrive forcément avec un projet réfléchi. »

« Plus les relations seront fortes entre votre entreprise et ses partenaires britanniques, moins le Brexit sera un sujet pour vous. »

Aussi serait-il contre-productif, à en croire Géraldine Dibon, d’attendre l’entrée en vigueur effective du divorce entre le Royaume-Uni et l’UE pour y voir plus clair. « Il sera toujours temps, quand les règles du jeu auront été établies, de les intégrer à votre démarche et de vous appuyer sur les liens que vous aurez déjà noués sur place pour faire face. Plus ces relations seront fortes, moins le Brexit sera un sujet, parce que vos partenaires locaux vous aideront à mettre en place les dispositions nécessaires », assure la responsable d’Altios UK.

Pour elle, le Royaume-Uni reste d’ailleurs un tremplin idéal vers le Commonwealth et pourrait même devenir une porte d’entrée vers de nouveaux marchés, en fonction des accords commerciaux bilatéraux que Londres arrivera à négocier, une fois hors d’Europe. À condition que les Britanniques parviennent à se mettre d’accord pour en sortir vraiment. Sans quoi les entreprises du continent pourraient finir par sauter la case Royaume-Uni pour se rendre directement sur des marchés plus vastes et plus stables.

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