« La transformation digitale a atteint un point de bascule »
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Quentin Franque directeur marketing de l’agence Intuiti « La transformation digitale a atteint un point de bascule »

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Ils sont dirigeants de grands groupes, tels que Renault, Vinci, Michelin, Seb ou Saint-Gobain, pilotent des PME et ETI en pleine mutation, comme Idea, Eram, Armor ou le groupe Cetih… 27 dirigeants témoignent de l’un des plus grands défis qu’ils ont dû relever ces dernières années : la transformation digitale. Leurs retours d’expérience sont à lire dans Les défis de la transformation digitale (Dunod), et à écouter pour certains dans un afterwork organisé ce mardi 19 novembre au CIC à Nantes.

La transformation numérique n'est pas un long fleuve tranquille, comme en témoigne le groupe Idéa, basé en Loire-Atlantique, dans le livre "Les défis de la transformation digitale" — Photo : groupe IDEA

Le Journal des Entreprises : Vous avez récolté les témoignages de 27 sociétés, des entreprises des Pays de la Loire (Armor, le groupe Idéa, Ker Pro, CAIB, Lacroix Electronics), comme de grands groupes nationaux (Renault, Vinci, Saint-Gobain, Michelin…), à propos de leur transformation digitale. Comment avez-vous eu l’idée de ce livre ?

Benoit Zante : Cela fait huit ans que je couvre les sujets de la transformation digitale comme journaliste. On pourrait franchement avoir l’impression d’en avoir fait le tour. Mais, ces derniers mois, on sent un point de bascule. La transformation ne concerne plus uniquement les grands groupes du CAC 40, mais aussi des PME et ETI. Avec une approche beaucoup plus concrète. Ensuite, on entend beaucoup parler d’industrie 4.0, mais surtout pour parler de l’influence du digital sur la conception, sur la production, sur le produit. Trop peu de ses conséquences sur le modèle de vente et sur la façon de s’adresser aux clients. C’était un sujet peu documenté.

Quentin Franque : Nous travaillons au quotidien sur ce sujet au sein de l’agence Intuiti et nous avons bien senti que l’impact du numérique est devenu une réalité quotidienne pour les entreprises. Il n’y a désormais pas un seul secteur où le numérique n’a pas d’impact, que ce soit dans le BTP, les transports, ou même dans des secteurs qui en semblent très éloignés, comme le secteur minier dans lequel évolue le groupe Eramet, qui témoigne dans le livre.

Quels enseignements peut-on tirer de ces témoignages ?

Q. F. : Les entreprises qui mènent une transformation digitale commencent souvent par (re)définir leur raison d’être. Elles ne se définissent plus uniquement par leur produit, mais par le service qu’elles rendent aux clients.

« Il n’existe pas de fin dans ce processus : on est en transformation, jamais transformé. »

Certains dirigeants interrogés n’ont pas hésité à se remettre en question en se demandant : « Est-ce que mon entreprise, à cause du digital, pourrait être remplacée un jour par un concurrent ? Est-ce que mon entreprise est mortelle ? Quelle place aura-t-elle à l’avenir dans la chaîne de valeur ? » Cela les amène à une évolution de leur organisation, avec la création de nouveaux postes. Le groupe Cetih (1 300 salariés, 215 M€ de CA) par exemple a récemment créé le poste de directeur de l’expérience client, confié à Emilie Bolloré.

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B. Z. : C’est aussi une réflexion qu’a eu la PME Decayeux, dans la Somme (600 salariés, 70 M€ de CA). Les dirigeants se sont dit : « Nos boîtes aux lettres pourraient être fabriquées par des concurrents en Chine, il faut se réinventer si on ne veut pas mourir. » Et ils ont vu dans le numérique une opportunité pour élargir leur proposition de valeur et rester pertinents.

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Q. F. : Tout en sachant qu’il n’existe pas un modèle unique de transformation digitale. Il y a des ingrédients communs, que l’on retrouve dans le livre, mais la recette n’est jamais la même.

B. Z. : Il n’existe pas non plus de fin. On est en transformation, jamais transformé. Certains ont ainsi conscience d’avoir enclenché un processus, qu’il y avait un avant et qu’il y aura un après… mais qu’il n’y a pas de fin.

Ces dirigeants parlent-ils de leurs erreurs, des démarches à éviter ?

Q. F. : Oui, bien sûr. L’un des premiers exemples qui me vient à l’esprit est celui de Bruno Hug de Larauze, PDG du groupe Idea (1 200 salariés, 135 M€ de CA). Les premières années de transformation ont été assez difficiles, ils ont perdu pas mal de temps. Ils sont repartis de zéro, ont fait passer le montant total des investissements requis de 300 000 euros à 6,5 millions d’euros et ont finalement réussi à faire émerger 13 projets, dont 8 sont toujours d’actualité.

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B. Z. : Penser qu’il suffit de mettre de l’argent, de changer un ERP ou d’ajouter un outil pour que cela fonctionne, alors qu’il faut surtout prendre en compte la dimension humaine, accompagner les équipes dans le process de transformation, est une erreur dont ils nous ont beaucoup parlé. Certains nous ont notamment confié que plus de la moitié des équipes était partie à la suite de ce changement de stratégie…

Comment ces dirigeants voient-ils l’avenir de leur entreprise désormais ? Quel sera leur prochain défi ?

B. Z. : Les dirigeants interviewés commencent à parler de transformation énergétique, écologique. Il y a encore un an, au début des entretiens, le digital était abordé à travers l’évolution des usages, mais ces six derniers mois, on sent que le sujet de la transition écologique est au cœur de leurs réflexions.

Q. F. : On n’est pas dans un discours de communication policé, mais dans une réalité qui les touche profondément. Le plus difficile étant, pour eux, de traduire leur prise de conscience dans les faits, c’est-à-dire dans la production, mais aussi dans les modèles de ventes, dans la valeur ajoutée de leurs produits, dans leurs relations avec des partenaires, dans le partage de la donnée… La transformation digitale s’écrit désormais dans un nouvel environnement.

Le livre Les défis de la transformation digitale, sera présenté, en partenariat avec le Journal des Entreprises, mardi 19 novembre au CIC à Nantes à partir de 18 h. Plus de 300 personnes y sont attendues.

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