Jefta : le Japon, nouvel eldorado pour les PME françaises ?
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Jefta : le Japon, nouvel eldorado pour les PME françaises ?

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Un accord commercial historique vient d’entrer en vigueur entre l’Union européenne et le Japon. Tarifs douaniers abaissés, voire supprimés, réglementations simplifiées, marchés publics ouverts aux Européens dans 53 villes du Japon : le Jefta est passé presque inaperçu. Il ouvre pourtant de réelles opportunités aux PME françaises.

L'accord commercial entre le Japon et l'Union européenne couvre un marché de 635 millions de personnes, portant sur un tiers du PIB mondial et 40 % des flux des biens et services internationaux — Photo : f11photo - stock.adobe.com

Si les accords commerciaux avec les Etats-Unis et le Canada avaient défrayé la chronique, l’accord de partenariat économique conclu entre l’Union européenne et le Japon, entré en vigueur le 1er février 2019, est quant à lui passé presque inaperçu… La discrétion demandée par le Japon autour des négociations (entamées depuis 2013) et le non-recours aux parlements nationaux en Europe pour en débattre auront certainement joué à l’éclipser, tout comme les tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine, le Brexit ou encore l’affaire Carlos Ghosn...

Pourtant cet accord de partenariat économique appelé « Jefta » (pour Japan-EU Free Trade Agreement) consacre « la plus grande zone d’échanges jamais négociée » d’après la Commission européenne. Couvrant un marché de 635 millions de personnes, portant sur un tiers du PIB mondial et 40 % des flux des biens et services internationaux, cet accord va stimuler fortement les échanges entre les deux zones, avec un avantage apparent pour l’Europe, qui devrait voir augmenter ses exportations de 16 à 24 %. Rien que sur les aliments transformés, il s’agirait de 10 milliards d’euros supplémentaires par an. L’agroalimentaire étant particulièrement concerné par ce nouvel accord, la France pourrait y gagner : en 2018, les exportations françaises vers le Japon étaient de 6,6 milliards d’euros et les importations de 9,9 milliards, soit un déficit commercial de 3,5 milliards pour la France.

Jefta, un accord « voitures contre fromage »

Côté européen, on s’est donc frotté les mains : depuis le 1er février, les droits de douane sont supprimés ou réduits sur environ 90 % des produits de l’UE entrant au Japon. La plupart des baisses tarifaires seront progressives, sur une période pouvant aller jusqu’à seize ans. De quoi faire économiser près d’un milliard d’euros par an aux exportateurs européens. Et rendre leurs produits plus compétitifs, avec à la clé de potentielles parts de marché supplémentaires. À titre d’exemple, le vin, qui était jusqu’ici taxé à 15 %, la viennoiserie, à 24 %, ou les vêtements et accessoires de textile, entre 8,4 % et 12,8 %, sont désormais exonérés. La viande bovine, taxée à 38 %, et le fromage, à 30 %, se voient, quant à eux, soumis à une baisse tarifaire progressive.

« Le Japon est un marché avec des standards de qualité les plus élevés au monde. Mais une fois que vous y êtes, c'est une belle carte de visite dans la région. »

Accord bilatéral oblige, le Japon en profite aussi, notamment pour son industrie ferroviaire et ses exportations d’automobiles et de pièces détachées vers l’Europe. Ce dernier pan étant évalué à 5 milliards d’euros par an, il retrouve de la compétitivité face à son concurrent sud-coréen, qui profitait déjà pour sa part d’un accord avec l’Europe. Mais cet avantage est à nuancer, selon Pascal Gondrand, directeur du bureau Business France au Japon : « Une grande partie des voitures japonaises vendues dans l’Union européenne est déjà produite en Europe. Je pense à la Yaris de Toyota construite près de Valenciennes. De plus, l’industrie automobile européenne y gagne aussi, car ses normes en matière de sécurité des produits et protection de l’environnement seront plus facilement acceptées au Japon. » Reste à savoir si les investissements japonais continueront à affluer autant qu’avant pour soutenir l’outil industriel en Europe, comme on l'a vu récemment avec Sumitomo Corporation dans l'éolien en mer.

Côté européen, le secteur qui profitera le plus du Jefta sera donc l’agroalimentaire. Pesant à l’heure actuelle 5,7 milliards d’euros par an, les exportations européennes en la matière devraient croître de 25 % dans les dix ans, aidées par les exonérations mais aussi par la reconnaissance de 205 AOP, comme le Roquefort ou la Féta. D’où, sans doute, le surnom donné au Jefta d’accord « voitures contre fromage ».

Des opportunités sur les marchés publics japonais

Mais le Jefta ne se cantonne pas qu’aux produits agroalimentaires. L’accès aux marchés publics des 53 plus grandes villes du Japon offre de nouvelles opportunités aux grands groupes comme aux PME et TPE de tous secteurs (qui pourront, par exemple, se positionner en deuxième offre). « Vinci Airports a déjà remporté la gestion des aéroports de Kobe et Osaka avant l’accord, signe que les Français peuvent réussir au Japon. Un autre exemple est celui de GL Events. Le groupe vient de remporter la gestion du parc des expositions de Nagoya, qui ouvrira en septembre prochain », explique Pascal Gondrand. Il s’attend à un effet de levier pour les près de 11 000 exportateurs français au Japon, dont 95 % sont des ETI, des PME et des TPE. Les TPE représentent même le tiers des exportateurs français au Japon.

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Autre secteur concerné par l’accord : la mode. On passe de 10,9 % de taxes douanières à 0 pour l’habillement et de 30 à 21 % pour les chaussures. Il faut toutefois « respecter la règle d’origine de double transformation, avec un tissu produit et transformé en Europe. Mais cela peut inciter à la relocalisation de la production en Europe », espère encore Pascal Gondrand.

Le fort potentiel de la silver économie

Dernier domaine porteur, dans un pays où 25 % de la population a plus de 65 ans et avec l’espérance de vie la plus élevée au monde (84 ans) : la silver économie et ses opportunités dans les secteurs de l’alimentation, des infrastructures, des loisirs et bien entendu dans la pharmaceutique.

« En 2018, les produits pharmaceutiques représentaient en valeur 15 % des exportations françaises au Japon et l’accord a justement apporté une simplification des notifications et de la gestion de qualité. Le Japon est un marché sûr, fiable, qui appelle à des relations de confiance et qui est taillé pour le long terme, avec les standards de qualité les plus élevés au monde. Mais une fois qu’une entreprise y est, cela constitue une belle carte de visite pour la région », souligne Pascal Gondrand. Cela tombe bien, car l’Europe est en train de négocier des accords commerciaux avec Singapour, le Vietnam ou encore l’Australie.


Le vin français lève son verre pour le Jefta

Avec 550 M€ de chiffre d’affaires réalisés en 2018, les vins et spiritueux français sont le premier poste à l’export français vers le Japon, devant l’aéronautique et la cosmétique. Le Jefta semble leur donner un nouvel avantage.

« Le vin est désormais la troisième boisson la plus consommée à domicile au Japon et 60 % du vin y est vendu en supermarché », souligne Laurence Audrin, cheffe du pôle agrotech de Business France au Japon. Toujours premiers en termes de valeur, les vins français ont néanmoins été dépassés, il y a quelques années, en termes de volume, par les vins chiliens, qui profitent d’un accord douanier avantageux. Mais le Jefta change la donne : « Sur les bouteilles vendues à 1 000 Yens (8 €), le vin français gagne clairement en compétitivité. L’équité qui nous faisait défaut face aux vins chiliens est rétablie », se félicite Laurence Audrin.

Du côté de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux, on se réjouit forcément de la nouvelle. « Nous appelions depuis longtemps à la fin de cet écart de traitement face aux vins chiliens, c’est donc une victoire », claironne son président, Antoine Breccia, également président du directoire d’AdVini, leader français des vins de terroirs (257 M€ de CA en 2018). « Cela permet aux importateurs d’améliorer les marges et de placer nos produits à des tarifs plus compétitifs. »

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