Jacques Landriot (CG Scop) : « La Scop est le modèle d'entreprise idéal »
Interview

Jacques Landriot président de la Confédération générale des Scop Jacques Landriot (CG Scop) : « La Scop est le modèle d'entreprise idéal »

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Pour le nouveau président de la Confédération générale des Scop, Jacques Landriot, le modèle coopératif permet la transparence et l'égalitarisme en entreprise. Toutefois, chez les dirigeants, les freins culturels restent forts.

— Photo : CG Scop

Le Journal des entreprises : La loi sur l'économie sociale et solidaire (ESS) de juillet 2014 a mis un coup de projecteur sans précédent sur les sociétés coopératives et participatives (Scop) en initiant des dispositifs pour stimuler la création et l'expansion du modèle coopératif. Deux ans plus tard, où en est-on ?

Jacques Landriot : « En 2015, nous avons recensé près de 2.900 Scop en France, représentant 52.000 emplois et 4,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Ces chiffres sont tous en augmentation d'année en année. Les Scop ne servent pas qu'à reprendre des entreprises en difficulté. Même si ces reprises sont souvent les plus médiatisées et récupérées politiquement, elles représentent moins de 10 % des créations de Scop. La majorité d'entre elles sont créées ex nihilo, et 15 % lors d'une transmission ou une reprise d'entreprise saine. La loi sur l'ESS a ouvert une fenêtre de tir favorable aux Scop. Malgré quelques exemples d'échecs (SeaFrance à Calais, Ecopla en Isère... NDLR), ce modèle est très bien perçu et nous constatons sa forte progression. Les Scop résistent d'ailleurs mieux aux aléas économiques que les sociétés "classiques" : elles ont un taux de pérennité à cinq ans de 65 % contre 50 % pour l'ensemble des entreprises françaises. »

En 2016, de nouveaux dispositifs sont nés de la loi sur l'ESS tels que les groupements de Scop et les Scop d'amorçage. En quoi sont-ils favorables au développement du modèle coopératif ?

J.L. : « Ce sont deux dispositifs pour lesquels le mouvement des Scop plaidait depuis de nombreuses années. Les groupements de Scop vont permettre aux Scop de faire de la croissance externe et de racheter une entreprise en la transformant en filiale sous forme de Scop aussi. Les Scop d'amorçage vont, elles, permettre aux salariés de reprendre leur entreprise tout en ayant une période transitoire de sept ans pour racheter la majorité du capital mais en disposant malgré tout d'une majorité des droits de vote. »

Parmi les axes de développement que vous avez présentés lors de votre élection à la présidence de la Confédération générale des Scop en octobre dernier, il y a le passage de 52.000 emplois coopératifs aujourd'hui à 70.000 en 2020. Comment comptez-vous y parvenir ?

J.L. : « J'ai présidé pendant longtemps le groupe coopératif Up (ex- Groupe Chèque déjeuner) et ai contribué à le faire passer de 200 à 2.700 salariés aujourd'hui. Je souhaite faire profiter le mouvement des Scop de mon expérience et le faire accélérer d'un point de vue stratégique. Le premier axe est d'identifier de nouveaux secteurs d'activité pour les Scop, notamment l'environnement, l'économie circulaire et le numérique. Nous allons d'ailleurs très bientôt mettre en place un fonds d'investissement à destination des start-up, Coop' Venture, doté de 15 millions d'euros, qui sera testé en Rhône-Alpes. Nous souhaitons également miser sur les entreprises industrielles, les entreprises de BTP ou encore les entreprises adaptées, qui ont un fort potentiel selon nous. »

La Confédération générale des Scop vient de publier sept propositions en vue de l'élection présidentielle. Le modèle coopératif est-il assez valorisé selon vous par les différents candidats ? Quelles sont les mesures que vous défendez ?

J.L. : « Force est de constater que les programmes des candidats ne parlent pas beaucoup d'économie sociale, et encore moins de Scop. Hormis Benoît Hamon - ce qui semble naturel étant donné qu'il a porté la loi de 2014 en tant que ministre délégué à l'ESS -, les candidats ne présentent pas de mesures pour favoriser l'emploi coopératif. Pourtant les propositions que nous faisons se rapprochent de thématiques développées par François Fillon ou Emmanuel Macron, comme par exemple d'encourager les souscriptions au capital des PME/ETI et de doper les plans d'épargne investis dans les entreprises. »

Comment convaincre les dirigeants d'entreprise de transformer leur société en Scop ?

J.L. : « Dans les sondages que nous réalisons, les chefs d'entreprise plébiscitent le modèle de la Scop. Dans les faits, c'est plus difficile. Culturellement, ce n'est pas simple de partager le pouvoir et les résultats de son entreprise avec ses salariés. En cas de départ du dirigeant par exemple, si l'idée de Scop surgit, il faut avant tout trouver un leader dans l'entreprise, une personne qui saura porter tous les salariés dans le projet et en qui ils ont confiance, car le changement de statut n'est pas exempt de risques. Nos unions régionales peuvent avoir ce rôle de conseil, d'accompagnement et même de financement de projet par le biais des différents fonds d'investissement que nous proposons. Nous sommes l'un des seuls mouvements d'entreprises à avoir nos propres outils de financement, c'est notable. »

La Scop est-elle le modèle d'entreprise idéal ?

J.L. : « Après avoir présidé un groupe coopératif et l'avoir aidé à se développer pendant plus de vingt ans, je peux difficilement vous dire le contraire ! L'heure est plus que jamais à davantage de transparence, d'égalitarisme et de démocratie dans les entreprises. Mais si c'est un modèle idéal, il ne peut pas s'appliquer à toutes les entreprises et être brandi par les salariés, les syndicats ou les politiques à chaque fois qu'une société est en difficulté. L'existence d'un marché et la profitabilité sont des conditions sine qua none, ce qui n'était pas le cas par exemple dans le cas de SeaFrance. La Scop est un modèle qui a l'avantage d'impliquer les salariés, car plus ils se mobilisent, plus ils sont rémunérés. Mais il faut être conscient du fait que le développement d'une Scop, aussi grosse soit elle, peut être freiné par l'impossibilité de faire appel aux marchés financiers. Dans ce cas, le développement à l'international est une solution. »