Indemnités pour licenciement abusif : le barème Macron de nouveau remis en cause
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Indemnités pour licenciement abusif : le barème Macron de nouveau remis en cause

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Plusieurs décisions de justice récentes remettent en cause le barème de plafonnement des indemnités de licenciement abusif. S'agit-il d'exceptions ou le début de la fin pour le barème Macron ?

Les entreprises ne peuvent que regretter à nouveau l'imprévisibilité prud'homale. Tout le monde attend que la Cour de cassation rende sa première décision sur le sujet — Photo : Ingo Bartussek

" Lorsqu'un licenciement est jugé sans faute réelle et sérieuse, le salarié a droit à des indemnités à titre de dommages et intérêts. Face aux fortes disparités des jugements prud'homaux, qui mettaient les entreprises face à des risques imprévisibles, voire fatals, l'instauration du Barème Macron a fixé des plafonds avec l'ordonnance du 22 septembre 2017 ", rappelle Hélène Bensadoun, avocate associée chez August Debouzy, experte en droit social. Le Conseil Constitutionnel et le Conseil d'État ont validé ce barème.

Première jurisprudence prud'homale à Troyes

Plusieurs syndicats de salariés l'ont tout de suite contesté. " Jugeant le barème de plafonnement contraire à la législation internationale et communautaire, ils s'appuient sur divers textes extraterritoriaux (Organisation Internationale du Travail, Charte de l'Europe, Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés) ", explique l'avocate. Le 7 décembre 2017, la CGT saisit le Conseil d'État. Sensibles à ces argumentations, certains conseils de prud'hommes vont " s'asseoir " sur le Barème Macron. À commencer par le conseil des prud'hommes de Troyes, le 13 décembre 2018, qui va estimer que le plafonnement contrevient à l'article 24 de la Charte sociale européenne, ainsi qu'à l'article 10 de la convention 158 de l'Organisation Internationale du Travail.

Dans la foulée, les conseils des prud'hommes de Louviers et de Toulouse saisissent la Cour de Cassation pour avis. Un fait rare. Celle-ci écarte les législations internationales et européennes à l'instar du Conseil d'État dans une décision du 7 décembre 2017, considérant que le barème ne contrevient pas aux textes ci-dessus visés.

La fronde des juges se poursuit

Mais la fronde des juges va se poursuivre. En 2019, les conseils de prud'hommes de Grenoble, Reims, Paris, reconnaissent la validité du barème au regard des textes internationaux… mais se donnent une marge de manœuvre pour octroyer des indemnités dépassant le barème de plafonnement. Ce qui motive ces juges ? Quand ce n'est pas la non-conformité du plafonnement par rapport aux législations internationales, c'est la volonté de pouvoir juger " in concreto ", c'est-à-dire au cas par cas, pour s'assurer que la réparation faite au salarié est appropriée. " Pour contourner le barème Macron, certains juges peuvent prendre en considération des préjudices distincts ", précise Hélène Bensadoun, comme le harcèlement, des procédures vexatoires… Ou encore, eu égard à l'âge du salarié licencié et à la tension du marché de l'emploi, un juge peut estimer que l'application du barème plafonné ne permet pas l'indemnisation intégrale du préjudice qu'il subit. Et même si le licenciement pour faute grave s'avère fondé (vol dans l'entreprise et état d'ébriété du salarié) la cour de cassation, par un arrêt du 16 décembre 2020, retient que les juges du fond doivent examiner si les conditions dans lesquelles est intervenu le licenciement ne sont pas vexatoires.

La confusion règne

Le gouvernement n'en a donc pas fini avec la fronde de certaines instances prud'homales. L'analyse " in concreto " va-t-elle poursuivre sa contagion dans les conseils de prud'hommes pour justifier que soit écartée l'application du barème Macron ? Les entreprises ne peuvent que regretter à nouveau l'imprévisibilité prud'homale. Tout le monde attend que la Cour de cassation rende sa première décision sur le sujet. D'autant qu' "il faut garder en tête que les premières victimes de cette imprévisibilité sont les TPE et PME ", assure Hélène Bensadoun.

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