Gestion des risques : comment s’assurer contre la perte d’exploitation
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Gestion des risques : comment s’assurer contre la perte d’exploitation

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À la suite d’un incendie ou d’une autre catastrophe, l’entreprise peut mettre des semaines, voire des mois, à reprendre une activité normale. En attendant, l’assurance des pertes d’exploitation aide à supporter la baisse de chiffre d’affaires après ce sinistre. Comment s’y prendre ?

La baisse de chiffre d’affaires générée par un incendie peut être bien supérieure au coût direct du sinistre. D'où l'intérêt de souscrire à une assurance des pertes d’exploitation — Photo : © Lukasz Janyst - stock.adobe.com

Incendie, explosion, dégât des eaux, tempête et autres catastrophes naturelles… Les chefs d’entreprise se protègent généralement contre les risques majeurs qui menacent leur business. Mais leurs assurances couvrent-elles toujours bien le manque à gagner provoqué par l’arrêt partiel ou total de la production à la suite d’un incident ? Une situation ô combien critique… « Plus d’une entreprise sur deux ne se relève pas d’un grand sinistre, si elle n’a pas souscrit une assurance contre les pertes d’exploitation », estime Christophe Delcamp, directeur adjoint à la Fédération française de l’assurance.

À combien peuvent s’élever les pertes ?

Le niveau des pertes est variable, mais en moyenne, pour un incendie, « si le coût direct du sinistre s’élève à un niveau 100, le coût de la perte d’exploitation atteindra 73 % de cette somme, en s’y ajoutant », indique Frédéric Lavielle, directeur technique chez Allianz France.

Une moyenne, car parfois le manque à gagner peut atteindre 10 à 20 fois le coût du sinistre direct. « Prenez un fabricant de saucisses et de jambons. Si une armoire électrique s’enflamme, en dégageant d’importantes fumées à l’intérieur de l’usine, le respect des normes sanitaires pourrait l’obliger à détruire son stock et à interrompre momentanément son activité. De quoi engendrer un coût bien plus élevé que les 20 000 ou 30 000 € de réparations des installations électriques », illustre le directeur technique d’Allianz France.

Comment calculer l’indemnité ?

L’assurance des pertes d’exploitation compense les effets de la baisse du chiffre d’affaires. Précisément, elle rembourse « la marge brute », c’est-à-dire les bénéfices prévisionnels de l’entreprise et les dépenses de charges fixes (loyer, amortissements, impôts, salaires…). Bref, ces charges qui restent à payer, quand bien même l’activité diminue ou s’arrête.

Par exemple, un incendie frappe une fabrique de jouets, en détruisant sur son passage une partie des locaux et du matériel. Neuf mois seront nécessaires pour remettre l’usine en marche et retrouver le niveau d’activité prévu en l’absence de sinistre. Question business, l’industriel escomptait un chiffre d’affaires de 1 750 000 €. Or, finalement, il n’a pu réaliser que 1 227 500 € sur l’exercice. Soit une baisse de 522 500 € précisément. Sur cette base, l’assureur va calculer le niveau de marge brute de l’entreprise, qui équivaut au chiffre d’affaires moins les charges variables. Sur le dernier exercice de cette fabrique de jouets, cette marge correspondait à 40 % de son chiffre d’affaires (dont 30 % pour les frais fixes et 10 % pour le bénéfice). La garantie couvrira alors 40 % des 522 000 € de chiffre d’affaires perdus. La PME peut donc espérer toucher 209 000 €.

À cette somme s’ajoutent des frais supplémentaires engagés pour accélérer la reprise d’activité. La PME a en effet dû louer des locaux temporaires et du matériel de remplacement, ou encore recourir à des heures supplémentaires, la facture s'élevant à 138 000 €. Reste enfin à retrancher les éventuels frais fixes économisés exceptionnellement du fait de l’arrêt ou de la baisse d'activité (consommation d’électricité, de marchandises, commissions de cartes bancaires, salaires d’intérimaires…). Dans cet exemple, 12 000 € ont été économisés.

Ainsi, l’indemnité pour pertes d’exploitation que touchera l’entreprise atteindra 335 000 €. De quoi compenser les pertes, mais aussi reconstituer le bénéfice prévu initialement par notre fabricant de jouets.

Ce que coûte l’assurance

Quid du coût de l’assurance ? « En moyenne, quand une entreprise souscrit une assurance multirisques, un package comprenant à la fois des garanties incendie, dégât des eaux, catastrophes naturelles, etc., le prix de l’assurance des pertes d’exploitation oscille entre 7 et 15 % du coût total de cette assurance », indique François Nédey, directeur technique des assurances de biens et responsabilités chez Allianz France. Quant à la franchise applicable, « elle correspond en général à trois jours de marge brute », évalue Christophe Delcamp.

Condition logique, pour s'assurer contre les pertes d’exploitation consécutives à un sinistre, il faut déjà être assuré contre ce type de sinistre… Même si certaines garanties spécifiques peuvent couvrir un manque à gagner non lié à un dommage directement subi.

Quelle assurance choisir ?

La réponse à cette question dépend de l’activité de l’entreprise. Si elle a un parc de machines-outils et qu’il faut attendre un long moment des pièces détachées en cas de réparation, il est sans doute utile de demander une garantie pour le manque à gagner à la suite d’un bris de machine. À l’inverse, un cabinet de conseil qui pourra redémarrer instantanément son activité en cas de sinistre n’a pas forcément besoin d’une assurance couvrant ses pertes d’exploitation.

Beaucoup d’entreprises ont-elles franchi le pas ? Une grande partie, disent les professionnels. La couverture des pertes d’exploitation, couplée aux assurances multirisques, a bondi de 41 %, en 2010, à 53 %, en 2016, chez les artisans, commerçants et prestataires de services, selon une étude relayée par Allianz.


Des assurances pour se prémunir des Gilets jaunes

Moins connues, certaines garanties couvrent les « pertes d’exploitation sans dommage ». C’est-à-dire que la baisse de l’activité n’est pas provoquée par un dommage directement subi sur le site de l’entreprise.

Directeur technique chez Allianz, Frédéric Lavielle cite un exemple d’actualité : « Un mouvement populaire, comme celui des Gilets jaunes, qui bloque l’entrée d’un centre commercial tous les week-ends, peut entrer dans la catégorie des pertes d’exploitation sans dommage pour un commerce, par exemple. » Encore faut-il démontrer « à partir de quelle date le magasin a été affecté, dans quelle mesure le préjudice a pu être compensé ou non par l’effet rattrapage des pics de ventes en semaine », poursuit l’expert de chez Allianz.

Ces assurances couvrent également la baisse de chiffre d'affaires liée à la carence d’un fournisseur, incapable d’assurer ses livraisons à la suite d’un incendie dans sa propre usine, ou encore la perte de clients provoquée par une route inondée, par exemple. Ce type de contrat reste toutefois assez rare. « Moins de 1 % des entreprises ont souscrit une garantie contre les pertes d’exploitation sans dommage, affirme François Nédey, membre du comité exécutif d’Allianz France. Mais la demande s’accroît. »

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