François Asselin (CPME) : « Les chefs d'entreprise veulent un gouvernement courageux  »
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François Asselin président de la CPME François Asselin (CPME) : « Les chefs d'entreprise veulent un gouvernement courageux  »

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S'il se dit prêt à revenir à la table des négociations de l'assurance-chômage, le patron de la CPME François Asselin évoque les incompréhensions entre les chefs d'entreprise français et leurs gouvernants. Entre ras-le-bol fiscal, bonus-malus sur les contrats courts et budget de l'Etat, le fossé entre l'entreprise et la politique ne semble pas prêt de se combler...

Pour François Asselin, président de la CPME, "les chefs d’entreprise ne supportent plus que le gouvernement, depuis 40 ans, soit incapable d’équilibrer le budget de la France" — Photo : Stéphane Vandangeon Le journal des Entreprises

Le Journal des Entreprises : Vous avez quitté récemment la table des négociations de l’assurance-chômage. Pourquoi ? C’est le bonus-malus sur les contrats courts que souhaite instaurer le gouvernement qui a motivé votre décision ?

François Asselin : C’est effectivement à cause de cette proposition de bonus-malus. Nous n’avons jamais nié qu’il y avait un problème d’inflation des contrats courts, voire ultracourts, et qu’il fallait trouver des moyens pour corriger cette dérive. Seulement, nous avons toujours dit qu’avec ce système de bonus-malus, il y aurait plus d’effets pervers que d'effets positifs. Nous l’avons expliqué au président de la République Emmanuel Macron. L’objectif est bien de corriger la dérive. Mais, s’il y a un autre moyen que ce bonus-malus, pourquoi empêcher les partenaires sociaux, à travers la négociation, d’arriver à un point de chute ?

« Si le chef de l'État a déjà écrit la fin de l’histoire sur les contrats courts, nous lui laissons la plume. »

Vous connaissez le président de la République, je ne sais pas si parfois sa pensée dépasse sa parole ou si sa parole dépasse sa pensée mais, par deux fois, il a publiquement affirmé qu’il y aurait cette mesure de bonus-malus. À un moment, la CPME a choisi de dire stop. Il faut nous expliquer ce à quoi on sert ! Si le chef de l'État a déjà imaginé et écrit la fin de l’histoire, on lui laisse la plume. On ne peut pas demander, d’un côté, aux partenaires sociaux de négocier et, de l’autre, leur dire que, quoi qu’ils fassent, la conclusion est déjà prête. D’où la décision que nous avons prise de suspendre ces négociations. Décision qui a entraîné celle du Medef.

Quelles sont les alternatives que vous proposez à ce système de bonus-malus pour éviter l’inflation des contrats courts ?

F. A. : Nous avons des idées très précises et des dispositifs qui peuvent répondre à ces dérives. Cela fera partie du secret de la négociation. Je ne vous apprends rien en vous disant que pour bien négocier, il ne faut pas publiquement tout déballer sur la table.

Cela veut dire que vous envisagez quand même de retourner à la table des négociations ?

F. A. : À l’Assemblée, le Premier ministre a répondu à une question sur la suspension de la négociation de l’assurance-chômage. Il a été très clair dans sa réponse, en disant que les négociations pouvaient reprendre dans le cadre de la lettre de cadrage initiale, qu’il faisait confiance aux partenaires sociaux et que, s’ils arrivaient à se mettre d’accord sur un système qui répondait à l’objectif fixé, à savoir lutter contre cette dérive des contrats courts, il n’y avait pas de raison que l’exécutif n’accepte pas un accord signé par l’ensemble des partenaires sociaux.

À partir du moment où le Premier ministre, à l’Assemblée nationale, a remis à l’endroit la hiérarchie des choses, en donnant d’abord aux corps intermédiaires l’occasion de régler le sujet, les freins commencent progressivement à se lever. Je vais demander très rapidement à mes instances de se prononcer sur la reprise des négociations.

Gilets jaunes et patronat, mêmes combats ?

Le "Grand débat national" est lancé. Quelles sont les propositions concrètes et les doléances de la CPME ?

F. A. : Nous avons lancé une consultation en interne. Nous avons constaté que les chefs d’entreprise ne supportent plus que le gouvernement, depuis 40 ans, soit incapable d’équilibrer le budget de la France. Ils ne comprennent pas que ce qui est impératif pour eux, dans leur entreprise, ne le soit pas au niveau d’un pays. Ils se disent aussi que le problème de l’hyper-fiscalité est d’abord un problème de dépenses. Commençons donc par faire des économies, avant d’imaginer de nouvelles taxes pour financer les dépenses.

« Les entrepreneurs ont l’impression d’être de plus en plus des risque-tout enquiquinés par des risque-rien. »

Les chefs d'entreprise attendent que le déséquilibre entre la sphère publique et la sphère marchande, petit à petit, se rééquilibre. Ils voudraient avoir un gouvernement qui, de façon énergique et courageuse, s’engage dans une baisse de la pression fiscale. Et, pour cela, ils savent très bien qu’il y a des choix à faire, pas toujours faciles à accepter. Parallèlement, ils ne comprennent pas les réformes territoriales. Elles devaient être source d’économies, mais ce n’est pas le cas. Il y a toujours en France un mille-feuille administratif avec une augmentation, depuis 1980, du nombre de fonctionnaires.

Ras-le-bol fiscal, volonté que l’État équilibre ses comptes… : finalement les doléances des entrepreneurs ne sont pas très éloignées des revendications des "Gilets jaunes" ?

F. A. : Bien sûr ! Pourquoi ? Regardez ce qui s’est passé au niveau de la fiscalité. On a commencé à imaginer des taxes pour payer des primes ou des primes pour payer des taxes. Et puis, il y a une impression d’iniquité qui se retrouve dans le monde des entreprises. Les entrepreneurs ont l’impression d’être de plus en plus des risque-tout enquiquinés par des risque-rien.

Par ailleurs, les entrepreneurs veulent une administration qui les accompagne et non pas qui les sanctionne. L’économie de marché, nous sommes tous pour, mais la loi de la jungle, nous sommes tous contre. Il faut un juste équilibre.

Quid du prélèvement à la source ? Quelles sont les retours des entreprises depuis la mise en place du dispositif ?

F. A. : Les entreprises sont devenues des collecteurs de l’impôt de leurs salariés. C’est une responsabilité nouvelle que nous n’avons absolument pas réclamée et pour laquelle nous ne sommes absolument pas dédommagés. Nous avons lutté contre ce dispositif mais nous n’avons jamais été entendus. Le problème, ce sont toutes les réglementations que l’on nous impose. Je pense aussi au RGPD (le Règlement général sur la protection des données, entré en vigueur le 25 mai 2018, NDLR). Nous ne demandons pas de l’argent, nous ne sommes pas des chasseurs de primes. Nous demandons simplement que notre environnement soit favorable à la prise de risques. Nous sommes faits pour cela, pour entreprendre et innover.

Dans le cadre du Grand Débat national, Le Journal des Entreprises donne la parole aux dirigeants d'entreprise.
— Photo : Le Journal des Entreprises
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