Formation : quand les dirigeants retournent à l'école
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Formation : quand les dirigeants retournent à l'école

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Ils ont décidé de revenir sur les bancs d’une école de commerce ou d’intégrer un réseau pour se former auprès de leurs pairs… Qui sont ces patrons adeptes de la formation continue ? Comment cet enseignement a-t-il transformé leur vie professionnelle ? Et pourquoi restent-ils malgré tout moins nombreux que les salariés à faire ce choix ?

L'une des façons de se former pour les chefs d'entreprise consiste à rejoindre un réseau, comme ici le Centre des jeunes dirigeants — Photo : E Perdu

La formule revient sur toutes les lèvres : « Il faut se former tout au long de la vie ». D’autant plus à l’heure où des experts répètent que la majorité des métiers exercés en 2030… n’existent pas encore. De quoi inciter les entrepreneurs à reprendre en masse le chemin de l’école ? Pas encore. « Les dirigeants ne se forment pas ou peu ! », constate Nathalie Carré, chargée de mission entrepreneuriat pour CCI France. « La plupart ignorent qu’ils cotisent pour leur propre droit à la formation », remarque de son côté Stéphane Kirn, directeur de l’Agefice, l’un des principaux fonds d'assurances formation (FAF) en charge de financer les cursus des dirigeants non salariés.

1,2 million de dirigeants cotisent, seuls 55 000 se forment

L’Agefice enregistre certes une augmentation des enveloppes sollicitées par les patrons depuis 2012 - de 55 M€ en 2016 à près de 70 M€ en 2017. « Mais le taux de formation reste assez faible, avec 55 000 chefs d’entreprise accompagnés l’an dernier sur 1,2 million de ressortissants de l’Agefice », nuance son directeur. Les raisons de ce faible score ? Manque de temps, absence d’un bras droit à qui déléguer son travail, insuffisance de moyens… Sachant que le tissu économique français reste composé à 94 % d’entreprises de moins de 10 salariés.

Pourtant, les besoins existent. « Le plus souvent, on crée son entreprise sans y avoir été formé au préalable », rappelle Thomas Bourghelle, président du Centre des Jeunes Dirigeants (CJD) des Hauts-de-France. Les cursus existent, eux aussi, dans les écoles de commerces, les instituts comme Cegos, les CCI, l’Afpa, les fédérations professionnelles… Les CCI et BGE proposent ainsi « La mallette du dirigeant », des modules d’un ou deux jours pour maîtriser l’indispensable : les bases du droit du travail, de la gestion de trésorerie, l’analyse du bilan, le référencement web…

Dirigeant la journée, étudiant le soir

La formation s’étend jusqu’au diplôme universitaire. C’est l’option choisie par François Richardeau, 36 ans, directeur d’agences Adventi Informatique dans l’ouest de la France. Entré comme technicien de maintenance, il a gravi les échelons de cette PME experte en solutions de gestion informatique (80 salariés). À la rentrée 2018, il achèvera son master en management global à l’Essca, une grande école implantée à Angers. Un cursus de 18 mois.

« J’avais besoin d’une vision plus transversale »

Un choix courageux car il s’agit d’ajouter 4 à 6 jours de cours par mois, plus des devoirs à la maison tous les soirs, à un agenda déjà rempli ! « Cumuler formation, travail et vie privée est déjà un challenge en soi, confie François Richardeau. Cela oblige à faire des choix, à mieux gérer son temps dans l’entreprise ». Déjà titulaire d’un Bac+4 en informatique, il a ressenti le besoin d’apporter un plus à l’entreprise. « J’avais besoin d’une vision plus transversale, des coûts de structure au modèle économique global, raconte le dirigeant. » Au menu du master : stratégie, business digital, commerce international, droit, anglais, simulation de recrutement via un chatbot… Avec des enseignements adaptables à l’entreprise. « Par exemple, je me suis aperçu que ce n’était pas à moi d’étudier les CV des commerciaux, car je me focalisais trop sur la compétence technique, au risque de passer à côté de certains talents. Le service RH s’en occupe désormais et on réalise les entretiens ensemble », indique François Richardeau, également membre du CJD… Une autre école du dirigeant, celle du réseau professionnel.

Le CJD pour école

Ici, on opte pour un mix entre formation continue classique délivrée par des experts et partage d’expériences entre confrères. Les dirigeants échangent ainsi sur la croissance externe, la digitalisation, les nouveaux modèles économiques, le bien-être… « On s’accorde du temps les uns aux autres. Cela va du conseil type : Telle erreur, je l’ai faite, tu vas pouvoir l’éviter’ à l’échange d’un tableau de bord de productivité ou de marge », témoigne Thomas Bourghelle.

Un moyen aussi d’avancer plus vite. À la tête d’un cabinet de conseil en stratégie web à Tourcoing, baptisée COJT (7 personnes), Thomas Bourghelle n’envisageait pas d’embaucher au départ. « En discutant avec d’autres jeunes dirigeants j’ai compris que j’avais envie de travailler en équipe et que s’entourer n’était pas si compliqué… Ils m’ont aussi fait comprendre qu’inconsciemment j’avais peur de prendre un risque financier. Un frein levé quand on m’a demandé quel était le risque de ne pas recruter ? », se souvient l’entrepreneur. Lors d’une formation intitulée « Y a-t-il un pilote dans l’avion ? », sur les différents profils de patron (expert technique, leader, manager…), il affine ensuite son positionnement, l’axant davantage sur le commercial et le pilotage. « Moins sur la gestion directe des équipes, pour laquelle ma motivation avait diminué et que j’ai fini par déléguer », indique-t-il.

« On tire des enseignements qu’on n’apprend pas à l’école »

Même usage du réseau professionnel du côté d’APM, où l’on vient perfectionner son management. Peu importe la taille de l’entreprise. « Pour moi, c’est une formation, assure Patricia Brochard, codirigeante de Sodebo (2 000 salariés). Une journée par mois, je peux prendre du recul sur ma fonction… ». « On tire des enseignements qu’on n’apprend pas à l’école, notamment autour du savoir être », ajoute Gilles Rannou, à la tête d’une dizaine de magasins de prêt-à-porter et de lingerie en Pays de la Loire. Un exemple ? Depuis un atelier sur la gestion de son énergie, ce dernier s’accorde des micro-siestes ou des temps de pauses de 7 minutes, le matin et le midi, au bureau ou en voiture. « On se coupe des bruits extérieurs, on se détend la nuque, on pense à un moment agréable, par exemple… Au final, on recharge les batteries, on augmente sa concentration, sa disponibilité et son écoute des autres. C’est très important », détaille-t-il. Une formation continue qui conduit les dirigeants à propager l’envie d’apprendre aux salariés, selon lui. Pour preuve, Gilles Rannou a lui-même incité ses cadres à rejoindre des réseaux comme Germe et Convergence… La formation tout au long de la vie… pour tous.

# Organismes de formation # Management # Ressources humaines # Réseaux d'accompagnement