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Financement

Fonds de solidarité dégressif, PGE prolongés... comment l'Etat va faire évoluer ses aides aux entreprises

Par Pierrick Lieben, le 22 avril 2021

Leurs jours sont comptés. Les aides aux entreprises, mises en place pour contrer la crise du Covid-19, vont progressivement s’éteindre dans les prochains mois. Retrait progressif, logique sectorielle : le gouvernement a expliqué comment il entendait s’y prendre pour arrêter le fonds de solidarité, les prêts garantis par l’État ou la prise en charge de l’activité partielle. Sans vraiment répondre à la question de fond : à quand la fin des fermetures administratives ?

Bruno Lemaire en visite le 4 septembre 2020 au siège de Lesaffre, près de Lille
Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a assuré que les aides aux entreprises seront retirées de manière progressive, au cours des prochains mois. — Photo : Jeanne Magnien - Le journal des Entreprises

Progressivité et lisibilité seront les deux mamelles de la France dans les mois qui viennent. À l’issue d’une réunion avec les partenaires sociaux, le 22 avril, les ministres de l’Économie et du Travail ont précisé comment allaient évoluer les aides publiques aux entreprises lors du déconfinement à venir.

Deux principes, mais aucune date de réouverture

La stratégie du gouvernement s’appuiera donc sur deux principes. La progressivité d’abord, pour ne pas dire la dégressivité, car l’État s’engage à maintenir ses mesures d’urgence, tant que des contraintes sanitaires entraveront l’activité. Il réduira simplement la voilure, en même temps que les restrictions. "Nous ne voulons pas qu’après une période de protection, il y ait un dégel brutal, qui se solderait par des dizaines de milliers de faillites. Il n’en est pas question", a assuré Bruno Le Maire. Deuxième ligne de conduite : la lisibilité, pour permettre à chacun d’anticiper la reprise.

Malheureusement, ces belles promesses à peine énoncées ont aussitôt achoppé sur LA question que tout le monde se pose, notamment les commerces : à quand la fin des fermetures administratives ? "Nous ne donnerons aucun calendrier sur les ouvertures, ce n’est pas de notre compétence", a balayé le ministre de l’Économie, renvoyant la balle à son collègue de la Santé, ainsi qu’aux chefs du gouvernement et de l’État.

Des prêts garantis par l’État prolongés

Le gouvernement a quand même bien voulu donner quelques dates. À commencer par une nouvelle échéance pour les prêts garantis par l’État (PGE) : les entreprises pourront en contracter un jusqu’au 31 décembre. Le dispositif devait s’éteindre le 30 juin, après avoir été prolongé une première fois, à l’automne. Au 9 avril, près de 137 milliards d’euros ont été accordés à plus de 668 000 entreprises.

"Un consensus émerge également, a tenu à préciser le ministre de l’Économie, pour permettre aux entreprises qui souscriraient un nouveau PGE de l’utiliser pour rembourser leurs dettes fournisseurs, et pas leurs dettes financières." Pour autant, il faudra s’en tenir au plafond en vigueur sur les sommes empruntées (25 % du chiffre d’affaires, en règle générale) qui, lui, ne bouge pas.

Une activité partielle à deux vitesses

Cela se complique avec le chômage partiel. Le gouvernement entend instaurer un double calendrier. Le premier vaudra pour les secteurs dits protégés (les S1 et S1bis, comme le tourisme, l’événementiel, la culture, etc.). Pour eux, le reste à charge sera nul "tant qu’il y aura des mesures sanitaires", a assuré Élisabeth Borne. Il augmentera ensuite "progressivement, avec différents paliers", en fonction de "la levée de l’essentiel des restrictions". Pas de date fixée à ce stade, mais une indication : cette dégressivité pourrait commencer par une première baisse de la couverture de l’État et l’Unédic, de 100 % actuellement à 85 % [EDIT : ce calendrier a été précisé le 7 mai].

Pour le reste de l’économie, la ministre du Travail se fait un peu plus précise. Elle maintient, pour l’instant, la fin du reste à charge actuel (fixé à 15 %) pour le 31 mai. En juin, cette part payée par l’employeur devrait augmenter. Elle atteindra à terme 40 % (avec une allocation pour le salarié abaissée à 72 % de sa rémunération nette, au lieu de 84 % aujourd’hui). Ces conditions plus restrictives devaient, à l’origine, entrer en vigueur… le 1er octobre 2020.

Et si malgré tout les entreprises restent en proie à une baisse durable d’activité au-delà du printemps, le gouvernement les encourage de nouveau à recourir à l’activité partielle de longue durée (APLD). À ce jour, les accords de branche ou d’entreprise conclus pour sa mise en œuvre touchent potentiellement 5,7 millions de personnes. Et les trois quarts de ces textes concernent des entreprises de moins de 50 salariés, a fait valoir Élisabeth Borne.

Un fonds de solidarité dégressif

Le fonds de solidarité devrait suivre la même logique que celle appliquée au chômage partiel. À savoir : statu quo pour les activités fermées, tant qu’elles le resteront, mais dégressivité pour toutes les autres. Le calendrier et le niveau de cette aide moins généreuse doivent toutefois être encore discutés avec les partenaires sociaux "dans les jours qui viennent". Jusqu’à présent, la fin du fonds était prévue le 30 juin.

« Nous voulons éviter les effets d’aubaine qui conduiraient à retarder la reprise. »

L’enjeu est de taille : 2,7 milliards d’euros ont encore été distribués à 492 000 entreprises au titre de février, indiquait récemment Bercy. Et la liste des bénéficiaires a encore été élargie pour le mois de mars.

Mais dès lors que le déconfinement sera engagé, pas question de laisser les vannes ouvertes. Interrogé sur les entreprises qui renonceraient à ouvrir tout de suite, même si elles y étaient autorisées, Bruno Le Maire s’est montré très clair : "Nous voulons éviter les effets d’aubaine qui conduiraient retarder la reprise. Or, si nous maintenions les dispositifs inchangés, il y aurait le risque de voir des établissements ne pas s’engager dans la voie du rétablissement économique."

Des exonérations partielles et sélectives

Dernier pilier de la réponse d’urgence à la crise, des exonérations de charges partielles pourraient être de nouveau mises en place en cours d’année. Mais elles seront réservées, là aussi, aux secteurs protégés.

Faillites, transitions : de nouvelles aides attendues

Au-delà de l’extinction à plus ou moins brève échéance de ces dispositifs d’urgence, le gouvernement réfléchit aussi la suite. Avec deux priorités. D’abord, juguler la vague redoutée des défaillances d’entreprise. Le ministre de l’Économie assure travailler à "des réponses complémentaires, nouvelles, à ces risques de faillite", avec "un principe clé : l’alerte précoce, afin d’éviter qu’à deux semaines près, on ne puisse plus éviter une liquidation judiciaire".

Autre enjeu : préparer l’économie au "monde d’après" et l’adapter aux transformations structurelles, apparues ou accélérées avec la crise du coronavirus. L’État promet d’accompagner les entreprises sur cette voie. Il en a déjà posé les premières pierres, à travers la relance ou le nouveau dispositif de formation Transitions collectives. Mais le chantier devrait, là encore, se poursuivre dans une logique sectorielle. Des discussions s’engageront dès le 26 avril avec l’industrie automobile. L’aéronautique devrait suivre. Un an après avoir déjà bénéficié de plans de soutien dédiés. La preuve que les aides publiques aux entreprises n’ont pas dit leur dernier mot.

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