Emmanuel Macron relance la filière nucléaire "et en même temps" finance les renouvelables
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Emmanuel Macron relance la filière nucléaire "et en même temps" finance les renouvelables

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Les renouvelables et le nucléaire, même combat. Pour réaliser la transition écologique de la France, Emmanuel Macron a décidé de s’appuyer sur ces deux sources d’énergie à la fois. Chacune recevra 1 milliard d’euros du plan France 2030. Mais les retombées s’annoncent bien plus grandes pour la filière de l’atome : le chef de l’Etat envisage de construire jusqu’à 14 réacteurs EPR de deuxième génération sur le territoire national.

L’EPR de Flamanville ne sera bientôt plus seul. Le président de la République souhaite construire au moins six autres réacteurs de ce type sur le sol français — Photo : © EDF

À deux mois de l’élection présidentielle et de la fin de son mandat, Emmanuel Macron rebat les cartes du mix énergétique français. En déplacement à l’usine General Electric de Belfort, le président de la République n’a d’ailleurs pas hésité à renouer avec ses accents de la campagne 2017 et son fameux "en même temps", appliqué désormais à la transition écologique.

Ainsi, pour faire face à la hausse future des besoins en électricité du pays, le chef de l’État opte pour une "stratégie plurielle", à savoir "développer tout à la fois les énergies renouvelables et le nucléaire" : "Nous n’avons d’autre choix que de miser en même temps sur ces deux piliers, estime-t-il. C’est le choix le plus pertinent écologiquement, le plus opportun économiquement et le moins coûteux financièrement."

Prolongation, construction, innovation : le nouveau triptyque du nucléaire en France

Emmanuel Macron entend ainsi œuvrer à la "renaissance" de l'atome : "Il nous faut reprendre le fil de la grande aventure du nucléaire civil en France", a plaidé le chef de l’État. D’où une triple décision engageant la France sur le très long terme.

D’abord, la construction de 6 réacteurs EPR de deuxième génération (sur trois sites différents, à déterminer), avec possibilité d’en ajouter 8 autres à terme. Cette relance, vaguement évoquée le 9 novembre 2021, s’appuie désormais sur un calendrier bien arrêté et très rapide. Il est ainsi prévu de lancer, "dès les semaines à venir, les chantiers préparatoires : finalisation des études de conception, saisine de la Commission nationale du débat public, définition des lieux d’implantation des trois paires [de réacteurs], montée en charge de la filière". Suivront "une large consultation" des Français sur l’énergie au second semestre, puis des discussions au Parlement l’an prochain…

Un agenda serré qui enjambe allègrement les élections à venir et n’engage donc a priori qu’Emmanuel Macron. C’est que le président-pas-encore-candidat voit loin : il espère un lancement des chantiers de construction vers 2028, pour "une mise en service du premier réacteur à l’horizon 2035". Les travaux, comme l’exploitation, seront confiés à EDF, et les turbines à vapeur, au cœur de ces centrales, sortiront de l’usine de Belfort… que le groupe français doit justement racheter à l’américain General Electric d’ici 2023.

Au passage, le chef de l’État a assuré EDF, "cette entreprise nationale, de souveraineté, qui est notre bien commun", de tout son soutien. Des "financements publics de plusieurs dizaines de milliards d’euros" seront notamment mis à sa disposition "pour mener à bien ce projet inégalé depuis quarante ans, dans les meilleures conditions financières et opérationnelles". Un projet qui devrait pérenniser 220 000 emplois à travers toute la filière et en créer plusieurs dizaines de milliers d’autres, a assuré Emmanuel Macron.

1 milliard d’euros pour inventer les réacteurs de demain

Mais l’exécutif ne veut pas se reposer uniquement sur les lauriers de l’EPR, dont le premier exemplaire, à Flamanville (Manche), n’est par ailleurs toujours pas opérationnel, malgré ses 10 ans de retard. L’État va aussi avancer sur des technologies moins matures.

Le plan France 2030 va ainsi consacrer 1 milliard d’euros aux petits réacteurs modulaires (SMR) et autres "réacteurs innovants permettant de fermer le cycle du combustible et produire moins de déchets". Cette enveloppe se partagera, à parité, entre EDF et des acteurs émergents, lesquels pourront être accompagnés par le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Des appels à projets seront ouverts dans les prochains jours. L’idée est d’aboutir, par cette voie, à "la mise en service de 25 gigawatts de nouvelle capacité nucléaire d’ici 2050", avec un premier prototype avant 2030. "Un objectif ambitieux", reconnaît Emmanuel Macron.

Plus d’un demi-siècle d’activité pour les réacteurs d’hier ?

En attendant les EPR2, les SMR et autres solutions d’avenir, une décision complémentaire s’impose, pour le chef de l’État : ne fermer "aucun réacteur en état de produire à l’avenir […] sauf si des raisons de sûreté s’imposaient". EDF et l’ASN, l'autorité régulatrice, vont donc étudier les conditions dans lesquelles les centrales actuelles pourront rester en activité plus de 50 ans (contre une durée d’exploitation initialement estimée à 40 ans).

Réindustrialisation et accélération pour les énergies renouvelables

Le développement des énergies renouvelables est, de son côté, réaffirmé. Dans un souci d’équilibre (le fameux "en même temps"), ce secteur bénéficiera, lui aussi, d’1 milliard d’euros en provenance du plan d’investissement France 2030.

La somme permettra de développer les filières industrielles correspondantes, à travers un soutien à l’innovation, en particulier dans les panneaux solaires et l’éolien flottant. Là encore, les appels à projets sont imminents. Le but est d’éviter de "subventionner l’importation de solutions renouvelables venues de l’étranger". Référence à l’invasion de panneaux photovoltaïques made in China, il y a quelques années.

Le solaire et l’éolien en mer privilégiés

En parallèle, le calendrier de déploiement des énergies vertes se voit, lui aussi, bousculé. En cause : le retard pris par la France dans ce domaine. Pour le rattraper, un "effort particulier" est notamment prévu sur le solaire : "D’ici à 2050, nous multiplierons par près de 10 la puissance installée, pour dépasser 100 gigawatts", a acté Emmanuel Macron. En la matière, il plaide pour le "pragmatisme" et veut jouer sur l’installation de panneaux à la fois sur les terrains et bâtiments commerciaux, publics (notamment militaires) et agricoles.

Pour l’éolien en mer, l’idée est d’accélérer aussi, pour atteindre environ "40 gigawatts en service d’ici 2050, soit une cinquantaine de parcs", contre un seul aujourd’hui, bientôt mis en service, au large de Saint-Nazaire. Dans les terres, la logique est inverse : face au vent de colère contre la prolifération des pales dans les campagnes, l’exécutif veut prendre son temps. Il envisage désormais de doubler la puissance installée actuelle sur 30 ans (d’ici à 2050), plutôt que sur 10.

Pour les autres énergies, un seul objectif fixé : augmenter la part du biogaz jusqu’à 10 % dans le mix français en 2030. Emmanuel Macron y ajoute, mais sans guère de précisions, la promesse de continuer à investir dans les barrages hydroélectriques, "en évitant les mises en concurrence", et donc en relation exclusive avec EDF.

Bref, la voie de la transition énergétique de la France est désormais tracée. Reste un détail à régler : l’élection présidentielle d’avril. C’est elle qui décidera in fine de l’avenir de cette stratégie.

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