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Difficultés d'approvisionnement et de paiement : les relations entre entreprises se tendent 
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Difficultés d'approvisionnement et de paiement : les relations entre entreprises se tendent 

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Nouvelle année de vérité pour les relations entre entreprises. Déjà mises à mal par la crise du coronavirus, elles pourraient encore souffrir des difficultés persistantes d’approvisionnement et de la montée galopante de l’inflation, l’un et l’autre désormais accrues par la crise russo-ukrainienne. Face à ces menaces, le Médiateur des entreprises Pierre Pelouzet lance un vibrant appel à l’entraide au sein de chaque filière.

Loin d’être retombés à leur niveau d’avant-coronavirus, les différends entre acteurs économiques pourraient se maintenir à un niveau élevé en 2022. D’où l’appel du Médiateur des entreprises à la "solidarité" — Photo : boonchok

Le Médiateur des entreprises reste sur le qui-vive. En 2021, ce service du ministère de l’Économie, chargé de démêler à l’amiable les différends entre acteurs économiques, a encore reçu 3 250 sollicitations et enregistré 2 025 demandes d’interventions directes. Un volume d’activité, certes, en retrait par rapport au pic exceptionnel de 2020 (-45,1 %), pandémie de Covid-19 oblige… mais un niveau toujours très élevé comparé à l’avant-crise (+125,2 %) ! Or, le Médiateur Pierre Pelouzet y voit moins une décrue qu’un prolongement des difficultés : ces chiffres "caractérisent bien la situation de tension qui reste importante entre les acteurs économiques".

Les délais de paiement ne sont plus la seule cause de conflits

Et pour cause : les sources de crispation ont plutôt tendance à se démultiplier désormais. Les conditions de paiement restent au cœur des sujets de discorde (47 % des dossiers y sont consacrés). D’autant que l’allongement de la durée de règlement des factures, constaté en 2020, ne s’est pas résorbé. Pierre Pelouzet estime toujours les retards à 12 ou 13 jours, contre 11 auparavant. De même, la question des loyers commerciaux, brutalement apparue avec les confinements, a encore représenté près de 10 % des médiations (quasiment autant que l’année précédente).

Mais 2021 a aussi vu les difficultés d’approvisionnement faire irruption dans la vie des entreprises. Apparues d’abord à la fin du printemps dans le BTP, elles n’ont fait que s’amplifier par la suite, "et je crains bien que cela ne s’arrange pas dans les semaines et mois qui viennent", s’inquiète déjà Pierre Pelouzet. D’où le récent élargissement des attributions du comité de crise sur les délais de paiement, désormais chargé de surveiller les comportements "anormaux", liés à cette situation de pénurie et d’inflation.

Les risques de tensions pourraient se multiplier en 2022

La guerre en Ukraine et les surtensions qu’elle provoque sur les matières premières et les matériaux ne devraient pas arranger les choses. Si le Médiateur n’en voit pas encore les effets, les entreprises du bâtiment en subissent, elles, déjà les conséquences.

"Certains fabricants arrêtent leur chaîne aujourd’hui, du fait de l’augmentation des coûts de l’énergie, parce qu’ils ne peuvent plus produire à des prix raisonnables", assure le président de la Fédération française du bâtiment. Problème qui se pose, par exemple, pour l’acier, l’aluminium, mais aussi les briques, les tuiles ou le carrelage. Olivier Salleron soupçonne également certaines entreprises de la filière de profiter du contexte pour gonfler leurs prix. Dans tous les cas, il faudra ouvrir le débat sur "la nécessaire indexation et revalorisation des contrats de nos clients, dans un monde qui redevient inflationniste", prévient-il.

« Si on a les moyens d’aider, aidons ! Personne n’a intérêt à laisser tomber ses clients ou ses fournisseurs. »

Même pessimisme à la CPME. Son patron François Asselin craint "un effet ciseau" fatal aux PME, prises entre trois feux : "l’endettement [issu des PGE et reports de charges de la période Covid, NDLR] qu’il faut rembourser maintenant, les augmentations des salaires qu’il a fallu effectuer pour compenser l’inflation et les difficultés de recrutement, et maintenant les hausses de prix des fournisseurs et les pénuries éventuelles".

Le Médiateur appelle à la "solidarité", exemples à l’appui

Autant dire que le Médiateur s’attend à rester mobilisé en 2022. Et pour remettre de l’huile dans les rouages des relations interentreprises, il ne faut pas seulement compter sur les aides d’État, et le futur "plan de résilience". Pierre Pelouzet appelle à la responsabilité de chacun - ou plutôt à la "solidarité" de filière. "Si on a les moyens d’aider, aidons ! Ce n’est pas faire de la charité, ni des cadeaux. C’est faire en sorte d’équilibrer les difficultés. Personne n’a intérêt à laisser tomber ses clients ou ses fournisseurs. Soit tout le monde va s’en sortir, soit on va détruire des chaînes de valeur", met en garde le Médiateur.

Ses exemples de bonnes pratiques ne manquent pas : "Payer le plus vite et le plus tôt possible", verser des avances, recourir au "paiement fournisseur anticipé" (financement à taux bas de sa facture, grâce à la garantie apportée par l’acheteur), ou encore intégrer spontanément les hausses de prix des matériaux dans ses bordereaux de paiement… Mais, reconnaît Pierre Pelouzet, pour parvenir à généraliser ces usages, un "changement de culture" est nécessaire. Et même "urgent".

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