Déconfinement : ce qui change (ou pas) pour les entreprises après le 11 mai
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Déconfinement : ce qui change (ou pas) pour les entreprises après le 11 mai

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Le Premier ministre Édouard Philippe a présenté les grandes lignes de son plan de confinement devant l'Assemblée nationale. Au programme, pour les entreprises : une reprise très progressive de l'activité, conditionnée à l'adaptation de leur organisation du travail. Mais le maintien de plusieurs mesures restrictives va continuer à pénaliser des pans entiers de l'économie.

Les bureaux pourraient rester vides encore une bonne partie du mois de mai : le Premier ministre Edouard Philippe a demandé le maintien du télétravail pour au moins trois semaines supplémentaires — Photo : Benjamin Child

Le « monde d’après » commence maintenant. Le Premier ministre Édouard Philippe a présenté, le 28 avril, à l’Assemblée nationale, son plan de déconfinement pour la France. Autrement dit, les règles qui prévaudront à partir du 11 mai pour engager le pays vers la levée progressive des restrictions de circulation et d’activité imposées depuis la mi-mars pour cause de Covid-19.

Cette stratégie intègre la nécessité de « vivre avec le virus », faute de traitement et de vaccin reconnus à l’heure actuelle. Dans ces conditions, le chef du gouvernement entend adopter une approche progressive et adaptée aux réalités locales. Avec, pour les entreprises, de nombreuses implications.

Le calendrier du déconfinement reste provisoire

Le 11 mai ne sera pas un simple retour à la normale. Ce pourrait même ne pas être le début du déconfinement tant espéré. « Si les indicateurs [de suivi de l’épidémie] ne sont pas au rendez-vous, nous ne déconfinerons pas le 11 mai ou nous le ferons plus strictement », a mis en garde Édouard Philippe.

Dans le cas inverse, le gouvernement avancera par étapes de trois semaines. La première s’étendra donc du 11 mai au 2 juin. La situation sanitaire sera alors réévaluée, afin de décider des mesures applicables sur la période suivante, du 2 juin à l’été.

Les règles seront, par ailleurs, adaptées d’un territoire à l’autre, en fonction du niveau de circulation du virus et de l’état du système local de soins. Le 7 mai, chaque département sera ainsi classé « rouge » ou « vert ». Les premiers seront alors placés sous un régime de déconfinement plus strict que les seconds.

Pas de reprise d’activité sans réorganisation du travail

Au-delà du calendrier et de la géographie du déconfinement, les entreprises n’auront pas d’autre choix que d’intégrer la nouvelle donne sanitaire à leur organisation interne. Sur ce point, le Premier ministre a livré plusieurs recommandations pour « permettre le retour au travail dans un cadre qui garantit évidemment la santé et la sécurité des salariés - c’est une condition impérative ».

• Télétravail ou horaires décalés

Au cœur de sa réflexion, le gouvernement s’est donné un double objectif : limiter l’affluence dans les transports publics autant que les contacts dans les espaces professionnels. Pour y parvenir, « le télétravail doit être maintenu partout où c’est possible, au moins dans les trois prochaines semaines ». Quand cette solution n’est pas envisageable, « la pratique des horaires décalés dans l’entreprise doit être encouragée ».

« J'invite toutes les entreprises, quand leurs moyens le leur permettent, à équiper leurs salariés en masques. »

Pour le reste, le chef du gouvernement renvoie aux guides pratiques et fiches métiers du ministère du Travail, déjà en ligne ou à venir d’ici au 11 mai. Ces documents peuvent servir de cadre à la définition « dans chaque entreprise » d’un « nouveau plan d’organisation travail, avec une attention particulière aux emplois du temps, aux gestes barrières, à l’aménagement des espaces de travail ».

• Masques obligatoires, en l’absence de distanciation

Quid du masque ? Il devient obligatoire, « dès lors que les règles de distanciation physique ne peuvent être garanties ». À ce sujet, le Premier ministre « invite toutes les entreprises, quand leurs moyens le leur permettent, à équiper leurs salariés ».

Un « appui » spécifique est prévu pour aider les TPE et les indépendants à s’en procurer, par le biais des maires et conseils régionaux. Mais le chef du gouvernement rappelle aussi que certaines branches et organisations professionnelles ont déjà pris des mesures pour leurs entreprises. Et une nouvelle plate-forme web de La Poste sera exclusivement dédiée à la fourniture des TPE-PME.

Édouard Philippe balaiera l’ensemble de ces sujets avec les partenaires sociaux le 30 avril.

Une reprise à plusieurs vitesses, selon les secteurs

Mais avant même de penser à réorganiser le travail, les entreprises devront s’assurer qu’elles peuvent rouvrir. En la matière, plusieurs annonces du Premier ministre vont compromettre la reprise de l’activité pour des secteurs entiers de l’économie.

• Les commerces à l’heure sanitaire

Pour les commerces, dans tous les départements (qu'ils soient classés rouges ou verts), la réouverture est autorisée à partir du 11 mai… sauf exceptions (détaillées ci-après) et à condition de respecter un « cahier des charges strict ». Exemples de mesures à prévoir : organiser les flux de circulation à l’intérieur du magasin, « afin de faire respect la règle de la distance minimale d’un mètre par personne sans contact autour d’elle » ; ou limiter le nombre de clients présents simultanément dans l’espace de vente.

Le port du masque, lui, sera simplement recommandé. Mais un commerçant pourra refuser l’accès à toute personne qui en est dépourvue.

• Bars et restaurants : pas de reprise avant juin

Le Premier ministre n’aura pas donné la moindre lueur d’espoir au secteur de la restauration, fermé par arrêté depuis la mi-mars : « Nous prendrons une décision sur les bars, cafés et restaurants fin mai, pour [dire] s’ils peuvent ouvrir après le 2 juin. »

• Marchés et centres commerciaux sous surveillance

Autre exception au principe général de réouverture des magasins le 11 mai : les préfets pourront décider de laisser fermées les activités non-alimentaires des centres commerciaux de plus de 40 000 m² afin pour éviter les déplacements de populations trop importants.

Quant aux marchés, le non-respect des gestes barrières et de la distanciation sociale pourra amener à leur fermeture.

• Dans le tourisme, les vacances d’été dans l’incertitude

Le discours d’Édouard Philippe a dû avoir l’effet d’une douche froide pour le secteur, condamné à faire une croix sur son avant-saison. Le chef du gouvernement assume vouloir « décourager les déplacements [interrégionaux] » et limiter les déplacements entre les départements et de plus de 100 kilomètres aux « motifs professionnels ou familiaux impérieux ».

Au vu de la situation, le délicat sujet des vacances d’été ne sera abordé qu’à la fin du mois de mai, en même temps que la réouverture des restaurants.

• Sport, culture, événementiel : rideau jusqu’à juin, voire septembre

Là encore, c’est le coup de bambou. Les rassemblements, publics ou privés, doivent rester limités à 10 personnes. Les grands musées, cinémas, théâtres et salles de concert sont donc obligés de garder portes closes au moins jusqu’au 2 juin. Pis, « tous les événements qui regroupent plus de 5 000 participants […] ne pourront se tenir avant le mois de septembre. La saison 2019-2020 de sport professionnel, notamment de football, ne pourra pas non plus reprendre. »

• Maintien du chômage partiel en mai

Dans ces conditions, Édouard Philippe ne s’est pas beaucoup épanché sur d’éventuelles mesures d’accompagnement supplémentaire pour toutes ces entreprises laissées hors jeu après le 11 mai. Le Premier ministre a simplement indiqué que le dispositif d’activité partielle serait maintenu jusqu’au 1er juin. « Il nous faudra ensuite l’adapter progressivement, afin d’accompagner la reprise d’activité… si l’épidémie est maîtrisée. » Il a également promis de continuer à soutenir les secteurs fermés. Sans toutefois dire s’il irait plus loin que les mesures annoncées le 24 avril en leur faveur.

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