Débat présidentiel : ces 10 sujets économiques qui ont opposé Marine Le Pen et Emmanuel Macron
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Débat présidentiel : ces 10 sujets économiques qui ont opposé Marine Le Pen et Emmanuel Macron

Un face-à-face projet contre projet. Tout au long des 2h45 de leur débat présidentiel de l’entre-deux tours, Marine Le Pen et Emmanuel Macron auront étalé leurs divergences, dans des échanges tantôt vifs, tantôt courtois. L’économie n’a pas fait exception : les deux candidats ont marqué leurs différences sur 10 dossiers-clés pour les entreprises et leurs salariés.

Débat de l’entre-deux tours de l’élection présidentielle 2022 entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen — Photo : Capture d'écran France 2

Comme on se retrouve. Cinq ans après leur premier face-à-face dans le cadre du scrutin de 2017, Emmanuel Macron et Marine Le Pen ont de nouveau croisé le fer, le 20 avril, lors du traditionnel débat d’entre-deux tours de l'élection présidentielle. Les deux finalistes en ont profité pour mettre leurs différences, et différends, sur la table. Y compris en matière économique.

Pouvoir d’achat : le salaire ou la prime

Comment améliorer le pouvoir d’achat en période d’inflation galopante ? Le premier thème de la soirée a donné lieu à la première passe d’armes entre les deux candidats. Pas tant sur le bouclier tarifaire mis en place à l’automne sur les prix du gaz et de l’électricité - il sera maintenu "aussi longtemps que la crise est là" par Emmanuel Macron et sera repris par Marine Le Pen, qui le complète par une baisse de la TVA sur l’énergie (de 20 à 5,5 %).

Non, la pomme de discorde porte plutôt sur la manière de soutenir les rémunérations. Le président sortant défend sa proposition de "dividende salarié". Autrement dit, dès qu’une entreprise partage ses bénéfices avec ses actionnaires, elle doit en faire de même avec son personnel, sous forme d’intéressement-participation ou de prime de pouvoir d’achat (la fameuse "prime Macron"). Dans le premier cas, les règles seraient "[simplifiées] dès cet été, compte tenu de l’inflation". Dans le second cas, le plafond serait triplé et porté à 6 000 euros pour bénéficier des exonérations associées.

La représentante du Rassemblement national, elle, dégaine sa proposition de geler les cotisations patronales, dès qu’une entreprise accorde 10 % d’augmentation à ses salariés gagnant moins de 3 Smic. Mieux qu’une prime, explique-t-elle, car, "dans la vraie vie", les emprunts bancaires ou les locations de logements sont octroyés sur la base du seul salaire. De quoi susciter un échange du tac au tac entre les deux prétendants à l'Elysée :
- "La mesure que je propose d’augmentation des revenus est capable d’améliorer la vie quotidienne des Français, assure alors Marine Le Pen.
- Mais vous n’augmentez pas les revenus, parce que vous n’administrez pas les salaires, souligne Emmanuel Macron.
- Vous n’administrez pas les primes non plus, M. Macron."
Le chef de l’État l’admet volontiers : sa proposition est aussi "aléatoire" que celle de sa rivale, à ceci près qu’une "augmentation de salaire est une charge pour l’entreprise", laquelle s’inscrit dans le temps.

Environnement : le patriotisme ou l’investissement

Le choc des projets s’est poursuivi sur le terrain de l’environnement. Accusée d’être climato-sceptique, Marine Le Pen rétorque : "Absolument pas, mais vous, vous êtes un peu climato-hypocrite […] vous êtes le pire de l’écologie punitive !" La candidate RN dit "oui à la transition, mais elle doit être beaucoup moins rapide que ce qu’on impose aux Français". Elle milite pour "le localisme et la relocalisation des productions et des activités". "L’État doit assumer cette responsabilité, donc mettre en place le patriotisme économique", contre "le modèle économique fondé sur le libre-échange […] [qui] tue la planète".

Emmanuel Macron la reprend de volée au sujet des importations : "Celles qui nous posent le plus de problèmes, en termes de déficit commercial et de bilan carbone, c’est notre dépendance aux hydrocarbures. Or, vous avez proposé la plus grosse subvention possible aux hydrocarbures, puisque vous voulez baisser la TVA sur l’énergie. Votre programme n’a ni queue ni tête", tranche le chef de l’État. Lui avance ses promesses sur la rénovation des bâtiments, les aides à la conversion aux véhicules électriques ou hybrides, ou encore l’accompagnement des transitions industrielle et agricole "pas par l’injonction, mais par l’investissement". Sans plus de détails.

Énergie : le nucléaire, avec ou sans l’éolien ?

Le bras de fer se durcit au sujet de l’avenir énergétique de la France. Marine Le Pen fustige les "changements de pied" de son rival sur le nucléaire. "Nous avons perdu dix ans à déstabiliser la filière", déplore-t-elle. Avant de critiquer le solaire et surtout l’éolien, dont elle veut "engager le chantier du démantèlement".

Emmanuel Macron lui répond qu’il "assume" ses choix, issus d'"une vraie stratégie, une vraie volonté". Pas de surprise ici : le président de la République reprend les grandes lignes de son programme énergétique, présenté à Belfort, début février. Énergie atomique ou renouvelable ? "Il faut faire les deux - et pardon de la référence - en même temps…", explique-t-il. À une condition toutefois : "Ne pas refaire les erreurs du passé, et donc développer des filières industrielles dans notre pays". Le candidat ne manque pas d’attaquer aussi, bille en tête, le plan de son adversaire, jugé "intenable" : "Vous ne pouvez pas remplacer le renouvelable actuel, que vous voulez démonter, par le [programme] nucléaire que vous déciderez aujourd’hui, car celui-ci n’entrera en service qu’en 2035", du fait des délais inhérents à la construction et l'allumage de nouvelles centrales.

Hydrogène décarboné : comment le produire ?

Le même argument ressurgit quand la candidate RN évoque l’hydrogène comme alternative à l’éolien et au solaire. Pour en produire, "il faut ou du nucléaire ou du renouvelable, déroule Emmanuel Macron. Si vous stoppez le second, on produira, de fait moins d’électricité, alors même que nous avons des besoins [à couvrir] aujourd’hui". Ne reste plus que l’atome, mais les capacités actuelles servent à "nous chauffer", pas à produire de l’hydrogène.
-"Votre stratégie ne boucle pas, en conclut le représentant de La République en marche.
- Si, elle est appuyée sur une vision, s’enorgueillit son interlocutrice.
- C’est une vision, mais elle est dans le brouillard", cingle alors le président sortant.

Europe : les nations ou l’intégration

Autre grand terrain d’affrontement en lien avec l’économie : l’Union européenne. Deux visions se sont clairement affrontées lors de ce débat. Emmanuel Macron est ainsi "convaincu que […], par l’Europe, on sera plus indépendant pour notre énergie, notre technologie, notre défense, notre agroalimentaire […]. Sur tous ces sujets, nous avons besoin d’une Union plus forte, plus intégrée." Marine Le Pen présente un autre dessein : "Je souhaite rester dans l’UE, mais je souhaite profondément la modifier, pour faire émerger une alliance européenne des nations."

Travail détaché : le démanteler ou le réformer ?

L’échange dévie alors vers le travail détaché, passage quasi-obligé en période électorale. Le président sortant défend son bilan sur ce point : "On a changé les règles pour avoir [le principe] à travail égal, salaire égal, pour lutter contre ce qui ne marchait pas".

"Vous avez juste obtenu qu’on arrête de frauder !, corrige sa rivale. Mais les charges continuent d’être payées dans le pays d’origine [du travailleur]. Je considère que c’est une perte nette pour notre pays, qui crée en réalité une préférence étrangère à l’emploi dans un certain nombre de secteurs. Je n’en veux pas, car mon objectif, ma priorité, mon obsession, c’est justement que les Français puissent travailler dans leur propre pays", expose Marine Le Pen.

"La préférence nationale à l’emploi, c’est la fin du marché unique européen", décrypte son interlocuteur. À plusieurs reprises, il accuse d’ailleurs sa rivale de "[mentir] sur la marchandise" et de porter un projet "qui ne dit pas son nom, mais consiste à faire sortir [la France] de l’Europe".

Numérique : problème français ou enjeu européen ?

L’UE, il en est à nouveau question au moment d’aborder le numérique. Le représentant de LREM plaide en faveur d'"un vrai marché unique" européen en la matière, pour "avoir la même rapidité et la même force" que les États-Unis et la Chine. Et insiste sur le poids de Bruxelles pour réguler les géants de la tech. Mais pour faire émerger des champions tricolores, il faut aussi "une politique de formation, d’excellence académique et d’investissement dans la recherche", poursuit Emmanuel Macron, en référence, cette fois, à son plan France 2030, engagé à la fin du quinquennat.

Pour sa part, Marine Le Pen déplore l’inaction passée de la Commission européenne sur ces sujets stratégiques du numérique et de la tech. Mais elle s’attarde surtout sur "le problème de notre économie, celui de l’absence de hausse de productivité. On est dans une économie qui est en train de s’ubériser, on crée des emplois à très bas coût, précaires. C’est une erreur fondamentale, car on ne crée pas de richesses ainsi, on ne peut donc rien financer."

Le bilan économique du quinquennat en question

La productivité en berne, c’était déjà l’une des principales critiques adressées un peu plus tôt par Marine Le Pen à Emmanuel Macron pour critiquer "son bilan économique très mauvais". Déficit commercial record en 2021, chômage plus stable qu’il n’y paraît… ces statistiques choisies montrent qu'"il faut changer les priorités, les méthodes, […] faire du patriotisme économique, de la relocalisation des activités, réindustrialiser notre pays, aider les TPE-PME, en accordant des baisses de fiscalité, et pas seulement aux grands groupes, comme vous l’avez fait", accuse la candidate du RN.

La pique passe mal. Quelques minutes plus tard, attaqué sur l'envolée des dettes publiques sous son quinquennat, Emmanuel Macron hausse le ton : "Que vous ayez l’outrecuidance de dire que l’on n'a soutenu que les grands groupes ! Que les restaurateurs, les artisans, les commerçants, les petits industriels, viennent témoigner et vous dire qui les a aidés pendant la crise Covid !"

PGE : reporter les remboursements ?

À propos du "quoi qu’il en coûte", la question du remboursement des prêts garantis par l’État a été subrepticement abordée, au cours d’un rapide échange qui suggère une possible inflexion du président de la République :
-"Les entreprises n’y arriveront pas, prévient Marine Le Pen.
- À chaque fois, on a lissé [les remboursements], on les décalera, glisse alors Emmanuel Macron.
- Mais en les décalant, vous les inscrivez sur les fichiers des banques, et donc elles ne peuvent plus investir", réplique son opposante, sans susciter davantage de réactions.

Travail : maintenir les réformes Macron ?

Autre point du bilan abordé, cette fois, à l’initiative du chef de l’État lui-même : la réforme du Code du travail de 2017, à travers les ordonnances Macron. "Les maintiendrez-vous d’ailleurs, si vous étiez élue ? Oui ou non ?", interpelle directement l’intéressé. Marine Le Pen ne répond pas, dénonce la "brutalité" de la méthode utilisée à l’époque, puis promet une "grande conférence sociale, à l’automne, avec les syndicats, pour parler enfin avec eux". Elle enchaîne :
- "Objectivement, ils ont assez mal pris [les ordonnances travail], comme la réforme de l’indemnisation de l’assurance-chômage, qui, là encore, a touché les plus pauvres, dénonce la représentante du RN.
- Notre attractivité et nos créations d’emploi, ce sont aussi [grâce à] ces réformes, assure Emmanuel Macron.
- Taper sur les pauvres, ça permet l’attractivité ?, s’offusque Marine Le Pen.
- Quand on crée de l’emploi, on lutte véritablement contre la pauvreté", se corrige le chef de l’État. Avant de reconnaître que, décidément, et comme son adversaire venait de le souligner, elle et lui n’avaient "pas la même vision". Ces 2h45 de débat en auront apporté plus d’une preuve.

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