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Côtes-d'Armor : Le préfet veut « que les patrons s'emparent du dispositif Embauche PME »
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Côtes-d'Armor : Le préfet veut « que les patrons s'emparent du dispositif Embauche PME »

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Plan d'urgence pour l'emploi, crise du secteur agricole, image du département, réforme des intercommunalités, etc. Le préfet des Côtes-d'Armor, Pierre Lambert, fait le point sur les dossiers qui rythment le début de l'année économique 2016. Entretien.
— Photo : Le Journal des Entreprises

François Hollande a présenté, le 18 janvier 2015, un nouveau plan d'urgence pour l'emploi. En tant que représentant de l'État en Côtes-d'Armor, vous avez en charge sa mise en oeuvre. Quelles en sont les grandes lignes ?
« L'embauche PME est l'une des principales mesures de ce plan d'urgence. Elle doit avoir un effet immédiat sur l'emploi en incitant les entreprises de moins de 250 salariés à recruter. Elle consiste, dans le cas de l'embauche d'un CDI ou d'un CDD de plus de six mois, à bénéficier d'une prime de 2.000 euros par an et par nouvel entrant. Cette mesure est applicable dès maintenant et ouverte à tous ceux qui veulent recruter dans la limite d'un salaire ne dépassant pas 1,3 fois le SMIC, soit autour de 1.900 euros brut. »

Que répondez-vous à ceux qui disent : « encore une mesure de plus avec toujours plus de complexité administrative » ?
« Oui c'est une mesure de plus mais avant tout, je pense, la première aide publique qui n'a jamais été aussi simple à obtenir. L'employeur doit effectuer la demande en ligne sur le site du ministère du travail. Il n'y a aucun papier à donner si ce n'est, chaque trimestre, de justifier, par les bulletins de salaires, la présence effective des salariés. Elle vient s'ajouter aux mesures du pacte de responsabilité comme le CICE ou le CIR. Elle n'est toutefois pas cumulable avec l'aide à l'embauche du premier salarié ou le contrat de génération. »

Vous pensez que cela aura un réel impact sur les chefs d'entreprises ?
« Bien entendu. Nous avons conscience que l'activité économique reste difficile mais les signes d'une relative reprise sont bien là. Cette mesure doit permettre d'inciter les prises de décision pour les embauches, d'allonger les durées de recrutement, etc. J'attends des patrons costarmoricains, qui demandaient un allégement des charges, qu'ils s'emparent de cette mesure à effet immédiat. »

Concernant le CICE, qui devrait céder sa place à une exonération durable des charges, quel bilan tirez-vous de l'année 2015 ?
« 9.000 entreprises en avaient bénéficié sur les salaires 2013, 12.000 sur les salaires 2014. Cela représente une hausse des restitutions de 50 millions d'euros à 63 millions d'euros. Le préfinancement est en hausse aussi, puisqu'en 2015, nous avions 25 dossiers et cette année, nous en sommes à 94. Nous n'avons pas réussi à mesurer l'effet emploi du CICE mais l'amélioration des marges et des rapports bancaires a bien été réelle. »

Autre volet de ce plan d'urgence, la formation des demandeurs d'emploi...
« C'est un élément majeur puisqu'il doit permettre à des chômeurs d'amorcer un retour vers l'emploi. Cela n'aura toutefois de sens que si les formations concernent des filières en tension ou d'avenir. Pour les Côtes-d'Armor, l'objectif est de passer de 4.500 à 9.000 stagiaires par an. C'est ambitieux puisque cela n'a jamais été fait auparavant. Pôle Emploi sera le coordinateur du dispositif et fera le lien avec tous les partenaires concernés. Je pense à la région Bretagne qui va fixer les orientations, au Créfop, organisme régional de formation professionnelle, aux partenaires sociaux, etc. »

Quelles sont les filières concernées ?
« Dans les métiers en tension, nous ciblons le commerce, le BTP, la restauration, la sécurité, les services à la personne, etc. Même si certains secteurs sont en crise, on sait qu'il faut renouveler la main-d'oeuvre et préparer l'avenir. Pour les filières en devenir, je pense à la mer qui dispose, dans le département, de peu de structures de formations. L'enjeu est de trouver les bons opérateurs et les financements puisque l'État n'apporte qu'un milliard sur les deux milliards nécessaires. L'idée est d'être opérationnel le plus vite possible, avant le printemps 2016. Le tour de table a débuté le 1e r février. »

La relance de l'apprentissage est également au coeur du dispositif ?
« Dans le département, 500 nouvelles formations professionnelles doivent débuter d'ici 2017, pour certaines via des jumelages entre les lycées professionnels et les CFA. Il est nécessaire de faire la promotion de l'apprentissage auprès des chefs d'entreprises afin de disposer d'un vivier plus important de maîtres d'apprentissage. Il faudra aussi réfléchir à adapter les sections actuelles aux métiers de demain. La préfecture prend sa part puisque nos services accueillent actuellement deux apprentis en espaces verts et en informatique. »

Quel regard portez-vous sur l'économie des Côtes-d'Armor 15 mois après votre prise de fonction ?
« Le département repose sur des champs traditionnels avec l'agriculture, l'agroalimentaire et la mécanique. De nombreux secteurs, porteurs d'avenir, émergent autour des énergies renouvelables, du numérique, etc. L'innovation est là mais globalement l'économie costarmoricaine reste sous-diversifiée. »

Et sur le patronat ?
« Il est là aussi traditionnel, construit autour de la métallurgie et du BTP. Il n'est pas forcément représentatif de la majorité des entreprises en croissance dans le département. Mes relations avec l'Upia sont bonnes mais j'apprécie sortir des sentiers battus pour rencontrer d'autres dirigeants de manière informelle. Cela me permet d'aller au contact direct. »

Comment voyez-vous 2016 ?
« Les indicateurs en fin d'année 2015 sont clairement repartis à la hausse. La croissance du chiffre d'affaires des entreprises est bien réelle. Il faut que cette dynamique se poursuive. De nombreux investissements sont annoncés pour 2016 notamment dans l'agroalimentaire. Ils font suite à des indicateurs, là aussi au vert, l'an passé. Je suis plutôt optimiste à condition que la crise de l'économie agricole ne fissure pas l'économie dans son ensemble. »

Concernant la crise agricole, quel regard portez-vous ?
« Je n'en vois pas le bout sans une mobilisation nationale d'une ampleur exceptionnelle, autant que l'est cette crise. Les plans d'aides, même accélérés, ne règlent pas les problèmes de prix, la distorsion de concurrence, etc. Il faut se poser une bonne fois pour toutes la question des charges dans les exploitations agricoles. Je comprends la colère car les situations personnelles sont dramatiques mais il ne faut pas que la violence prenne le dessus. »

Vous défendez certaines pistes ?
« Je pense à l'approvisionnement local par la restauration collective. De nombreuses collectivités en Bretagne montrent l'exemple mais l'impact n'aura de sens que si la mesure est reprise au national. Le stockage en frigo privé est très peu utilisé alors que les opérateurs français en étaient demandeurs. C'est payé 450 euros la tonne et permet de soulager temporairement les marchés. Je ne sais pas si 50.000 t à l'échelle européenne sont suffisantes mais je constate que seulement 2.000 t ont été utilisées par la France au contraire de l'Espagne ou de l'Allemagne. »

Sur le sujet de la réforme des intercommunalités, quel sera l'impact sur l'économie des territoires ?
« Neuf aires géographiques ont été définies et pour Saint-Brieuc, la prise en compte de la problématique du développement économique a été essentielle. Il était nécessaire d'ouvrir l'assise intercommunale de la préfecture des Côtes-d'Armor pour être conforme à son poids économique. La nouvelle carte propose une ouverture à Saint-Brieuc vers la côte par rapport à ses fonctions touristiques et portuaires. Cela doit lui permettre de renforcer son attractivité vis-à-vis des citoyens et des entreprises avec des zones d'activités fortifiées. »

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