Comment va fonctionner la nouvelle "taxe carbone" aux frontières de l’Europe
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Comment va fonctionner la nouvelle "taxe carbone" aux frontières de l’Europe

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L’Europe se convertit au protectionnisme vert. Longtemps annoncée, la future "taxe carbone" aux frontières devrait finalement arriver dans moins d’un an. Cet outil inédit est censé préserver la compétitivité des entreprises de l’UE face aux importations les moins respectueuses de l’environnement. Mais ce "mécanisme d’ajustement" risque aussi d’entretenir l’inflation.

L’aluminium fait partie des produits ciblés par le nouveau "mécanisme d’ajustement carbone aux frontières" (MACF), imaginé par l’UE, pour protéger la production européenne d’importations trop polluantes — Photo : Charlotte Stiévenard

Le marché européen à l’aube d’une nouvelle ère. L’UE a fait un pas de plus, le 13 décembre, vers l’instauration d’un "mécanisme d’ajustement carbone aux frontières" (MACF), avec la conclusion d’un "accord provisoire" entre États membres et eurodéputés. Derrière ce nom barbare, se cache une vraie révolution : la mise en place d’une barrière verte à l’entrée de l’Europe, pour renchérir le coût de certaines importations parmi les plus polluantes.

Quels produits seront concernés par cette "taxe carbone" ?

Le compromis, trouvé le 13 décembre, vise plus large qu’envisagé initialement. Le futur mécanisme d’ajustement, parfois qualifié, pour faire simple, de "taxe carbone", frappera les achats à l’étranger de ciment, aluminium, engrais, électricité, fer et acier, ainsi qu’un "nombre limité" de leurs produits dérivés (comme les boulons et les vis). S’y ajoutent les importations d’hydrogène et de certains "précurseurs" (composés chimiques). Seront également prises en compte "dans certaines conditions" (qui restent à préciser) les "émissions indirectes", c’est-à-dire celles liées à l’énergie utilisée pour fabriquer ces biens.

Cette liste pourra être étendue, dans un second temps, aux "produits chimiques organiques" et aux "polymères" (plastiques). Objectif affiché : "Inclure tous les biens couverts par le système [actuel] d’échange des quotas d’émission d’ici 2030", explique le Parlement européen.

Quand le mécanisme entrera-t-il en vigueur ?

L’Union européenne compte appliquer son MACF au 1er octobre 2023 (au lieu du 1er janvier, un temps envisagé). Mais, à cette date, les entreprises importatrices ne seront soumises qu’à une obligation de déclaration. Dans cette phase transitoire, "le but sera de collecter des données", veut rassurer le Conseil européen.

La suite du programme reste plus floue. Et pour cause : l’application effective de cette taxe carbone aux frontières est corrélée à la suppression des quotas gratuits d’émission de gaz à effet de serre, accordés à certains industriels, sur le marché du carbone européen (le SEQE, dans le jargon bruxellois). Ce volet-là fait l’objet de discussions séparées, censées aboutir avant le 18 décembre. Or, le calendrier exact de cette réforme complémentaire constitue précisément un point de désaccord majeur entre le Parlement et le Conseil.

Comment fonctionne cet ajustement aux frontières ?

Avec le MACF, l’UE cherche à inverser la logique jusqu’ici à l’œuvre sur son marché du carbone. Plutôt que d’alléger les coûts des producteurs européens (par l’octroi de quotas gratuits d’émission), elle va renchérir les tarifs des exportateurs étrangers (par ce nouveau mécanisme d’ajustement). Manière de donner un prix au CO2 importé (et pas seulement à celui émis sur son sol) et de faire porter aussi cette charge environnementale sur les pays tiers peu soucieux des enjeux climatiques. Bref, il s’agit donc, ni plus ni moins, que de faire jouer à plein le signal-prix, selon le principe bien connu du pollueur-payeur.

Concrètement, les importateurs des produits visés devront ainsi "acheter des certificats MACF, afin de compenser la différence entre le prix du carbone payé dans le pays de production et le prix des quotas de carbone" pratiqué dans l’UE, explique le Parlement. Mais ce surcoût ne sera pas automatique, puisque "les pays ayant la même ambition climatique que l’UE pourront exporter vers [elle] sans acheter de certificats MACF".

Comme indiqué précédemment, l’instauration de ce mécanisme implique, par ailleurs, la nécessaire disparition du dispositif actuel des quotas gratuits en vigueur au sein du SEQE. La raison en est simple : le cumul des deux mesures induirait "une double protection" des entreprises communautaires, potentiellement incompatible avec les règles du commerce international.

Quels effets attendre du MACF pour les entreprises ?

L’enjeu du mécanisme d’ajustement carbone est de taille et il est double. D’un point de vue écologique, l’Europe espère entraîner ses partenaires commerciaux dans la décarbonation : pour continuer à vendre au meilleur prix sur le continent, ils devront produire mieux, en tout cas plus vert.

Surtout, au niveau économique, les Vingt-Sept espèrent préserver la compétitivité de leurs propres entreprises. Ou, pour le dire autrement, décourager les velléités de délocalisation et toute forme de "dumping" environnemental. "L’objectif, confirme le Conseil européen, est d’empêcher […] que nos efforts sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre ne soient contrebalancés par l’augmentation de ces rejets en dehors de nos frontières, soit par des relocalisations de production dans des pays extracommunautaires […], soit par une augmentation des importations de produits intensifs en carbone".

Mais ce rééquilibrage de la concurrence ne sera pas sans conséquence sur les entreprises de l’UE… et leurs clients. Car, entre le MACF lui-même et sa contrepartie - la fin des quotas gratuits d’émission -, les coûts de production risquent de connaître une nouvelle poussée de fièvre.

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