Comment séduire un fonds d'investissement à impact
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Comment séduire un fonds d'investissement à impact

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Cherchant à concilier performance économique et retombées écologiques ou sociales, les fonds d’investissement à impact se multiplient. Voici les clés pour comprendre leurs attentes, capter leur attention et décrocher leur financement.

Une trentaine de fonds à impact existent en France. Beaucoup d’entre eux ont vu le jour ces derniers mois — Photo : ©William W. Potter - stock.adobe.com

Petite niche dans le vaste univers de la finance, les fonds dits responsables sont actuellement en plein boom en France. Sur ce segment, « l’argent collecté au titre du capital-investissement a bondi de 200 millions d’euros en 2012 à 1,57 milliard courant 2018 », calcule Mathieu Cornieti, président de la commission Impact de France Invest, l’association qui rassemble des sociétés de capital-investissement et les professions financières.

Le nouveau schéma de pensée des financiers

De plus en plus de financiers opèrent en effet selon un nouveau schéma de pensée. L’investissement réalisé au capital d’une entreprise ne se base plus uniquement sur le simple critère de la recherche de la performance économique. Il prend aussi en considération l’impact positif que peut avoir l’entreprise sur la société et l’environnement.

« Avant, nous passions pour des hurluberlus. Aujourd’hui, nous faisons figure de pionniers. »

Une façon, pour ces financiers, de répondre à une demande croissante des entrepreneurs, avec la montée en puissance de l’économie sociale et solidaire, des entreprises à mission et des problématiques liées à la raison d’être de l’entreprise. En Auvergne Rhône-Alpes, par exemple, l'investissement d'impact fait florès. « Les mentalités évoluent du côté des investisseurs, surtout depuis la Cop 21 (sommet pour le climat, organisé à Paris, en 2015, NDLR), confirme Fanny Picard, la dirigeante du fonds d’investissement Alter Equity. Avant, nous passions pour des hurluberlus. Aujourd’hui, nous faisons figure de pionniers. »

Avoir un impact positif sur la société

En France, une trentaine de fonds de capital-investissement opèrent spécifiquement dans ce que l’on appelle l’impact investing. Concrètement, il s’agit de produire un impact social ou environnemental « positif et mesurable ».

Sur quels critères ? À vrai dire, chaque fonds définit sa propre grille d’analyse, en s’inspirant souvent de celle du Global impact investing network ou des « 17 objectifs de développement durable » de l’ONU : éradiquer la pauvreté, améliorer la santé publique, lutter contre le changement climatique… Liste enrichie de 230 indicateurs aidant à mesurer la performance d’une action concrète.

Pour séduire le fonds France 2i par exemple, « il faut tenter de répondre à des problèmes importants, urgents et de manière systémique, via des solutions applicables un peu partout », dixit Eric Coisne, directeur associé de Raise Impact, qui gère ce véhicule de 100 M€. Ce dernier a notamment soutenu une solution qui réduit l’utilisation d’insecticides, en leur substituant des phéromones de synthèse capables d’éloigner les ravageurs des cultures agricoles. Une fois un candidat retenu, « on co-construit un business plan financier et extra-financier, en se fixant des objectifs, comme la quantité d’insecticides économisée, etc. », décrit Eric Coisne.

L’objectif dépend du projet. Ainsi, à la Wild Code School, financée par le fonds Alter Equity, on cible l’insertion professionnelle, en indiquant que « 99 % des demandeurs d’emploi ont obtenu un poste de développeur web à l’issue de leur formation ».

Manager de façon responsable

Les fonds d’impact investing exigent aussi généralement que l’entreprise choisie applique une gestion responsable en interne. Alter Equity a ainsi construit une liste de 90 pratiques vertueuses. À charge aux sociétés financées de retenir une dizaine de critères sur lesquels progresser. « Il peut s’agir d’organiser des entretiens annuels de progrès, au cours desquels le responsable hiérarchique explique au salarié comment gagner en efficacité, ou encore de retenir un fournisseur d’électricité issue d’énergies renouvelables, de réaliser un bilan carbone… », cite en exemple Fanny Picard, la patronne d’Alter Equity.

« Je recherche avant tout un projet entrepreneurial ambitieux, piloté par un dirigeant doté d’une vision. »

Pas question pour autant de négliger la performance économique de l’entreprise. « Je recherche avant tout un projet entrepreneurial ambitieux, piloté par un dirigeant doté d’une vision, témoigne Mathieu Cornieti, président d’Impact Partenaires, un fonds de 110 millions d’euros qui a déjà investi dans 37 sociétés. Car la croissance de l’activité va démultiplier les retombées. »

Illustration avec son entrée au capital de Recyc Matelas Europe, qui récupère et traite les literies usagées pour alimenter la fabrication de moquettes d’isolation et d’appuis-tête pour l’automobile, par exemple. « Ses créateurs ont montré un modèle qui fonctionnait dans leur usine francilienne, avec l’envie d’ouvrir d’autres sites. Cela nous a séduits », raconte Mathieu Cornieti. L’essor de la PME a déjà généré 80 emplois, principalement en insertion, sur un objectif de 100 créations de postes.

Un rendement exigé moindre ?

Quid du rendement exigé ? D’après l’association France Invest, le rendement moyen du capital-investissement classique s’élève à 8,8 % ces dix dernières années. Concernant l’impact investing, difficile d’isoler une moyenne. « Ce chiffre n’existe tout simplement pas », signale Mathieu Cornieti. Pour lui, pas de raison d’exiger des taux de rendements inférieurs à ceux pratiqués par la finance classique. « Si l’impact pèse sur la rentabilité, on bascule vite dans la philanthropie », analyse-t-il.

« Si la finance responsable affiche de meilleures performances que la conventionnelle, les investisseurs demanderont aux grandes entreprises des pratiques plus vertueuses. »

Chez Alter Equity, on vise un rendement de 10 % minimum, supérieur à celui du marché. Un choix assumé. « Si l’on démontre que la finance responsable affiche de meilleures performances économiques que la finance conventionnelle, les investisseurs demanderont aux grandes entreprises d’adopter des pratiques plus vertueuses », milite Fanny Picard. Alter Equity a récemment lancé un nouveau fonds de plus de 70 millions d’euros, auquel contribuent Bpifrance ou encore BNP Paribas.

Autre stratégie chez France 2i, qui vise 5 à 10 % de rendement, soit « sensiblement moins que les fonds classiques soutenant des projets à risque égal ». Eric Coisne, qui cogère cette structure pour le compte de la Fondation de France, joue, lui, sur un levier de motivation : « Plus il y a de retombées positives, plus le rendement exigé sera limité », résume.

Question durée d’accompagnement, les fonds se qualifient parfois de « capital patient ». Impact Partenaires table sur 8 ans de présence en moyenne, Raise Impact sur 5 à 10 ans.

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