Se concentrer sur les compétences et le savoir-être d’un candidat plutôt que sur son CV, ses diplômes et expériences professionnelles. Face aux difficultés de recrutement, les entreprises n’hésitent plus à sortir des sentiers battus pour dénicher de nouveaux collaborateurs.
Le recrutement par simulation
Pour faire face à un pic d’activité en 2015, le site de Thales d’Étrelles, en Ille-et-Vilaine, a fait appel au "recrutement par simulation", une technique développée par Pôle Emploi dans les années quatre-vingt-dix. Les postes à pourvoir concernent la microélectronique, des emplois qui nécessitent de la minutie, mais pour lesquels il n’existe pas de formation dédiée. En lien avec Pôle Emploi, Thales monte alors un processus de formation d’un genre nouveau. "Nous avons accueilli des agents de Pôle Emploi, qui sont venus observer les postes à pourvoir, pour caractériser les compétences requises pour ces métiers : minutie, dextérité, concentration, lecture de plans…", explique Marion Duhoo, responsable RH du site Thales à Étrelles. Fort de ces observations, Pôle Emploi monte alors une batterie de tests, spécifiques aux recrutements attendus chez Thales. Puis, la chasse aux candidats commence.
"Le processus démarre dans nos locaux, explique François Persehaie, directeur territorial délégué pour les cinq agences Pôle Emploi de Rennes. Nous délivrons aux candidats présents une information collective avec le recruteur, en expliquant l’entreprise, le contexte, les besoins". Dans un second temps, des tests de dextérité sont réalisés en salle, qui reprennent les caractéristiques des postes à pourvoir. Ils permettent d’affiner la sélection des candidats.
Casser les stéréotypes
"Dans ce mode de recrutement, nous ne regardons ni les diplômes, formations ou CV des candidats. Seuls comptent le résultat des tests et la motivation". Pour ceux qui réussissent les tests à Pôle Emploi, l’étape d’après consiste en des tests dans l’entreprise cette fois, avec de véritables produits. S’ils donnent satisfaction, la personne candidate se voit proposer une formation "maison", avant de rentrer en production avec un CDI en poche. "Nous avons un plan de recrutement ambitieux et nous recrutons toujours selon ce processus depuis 2015, cela fonctionne bien", confirme la responsable RH de Thales, dont les effectifs d'Étrelles ont été portés en quelques mois de 600 à 800 salariés.
Ce processus de recrutement sans CV a fait ses preuves dans un bassin d’emploi où le taux de chômage reste très bas. "Cela nous permet de recruter des personnes issues de tous métiers, de la coiffure à la comptabilité, qui sont au chômage ou en réorientation professionnelle", explique Marion Duhoo. Autre avantage : le processus permet de recruter des candidats qui ne se seraient jamais présentés. "Par peur d’aller postuler dans une entreprise comme Thales, inaccessible à leurs yeux, ou parce qu’ils se pensaient trop âgés, ou pas assez formés". Il y a aussi ceux qui recherchent un emploi sans idée précise. Pôle Emploi joue alors un rôle décisif en les orientant vers ce mode de recrutement.
"Le CV et l’entretien avec un employeur peuvent représenter une barrière forte pour certains candidats", rappelle François Persehaie. Le recrutement par simulation est un moyen d’éviter cet obstacle. Il y a aussi des personnes qui ne savent pas "se vendre" et les recruteurs passent souvent à côté de ces profils. Toutefois, ce mode de recrutement par simulation n’est pas à la portée de toutes les entreprises. Le dispositif de montage des tests limite ce mode de recrutement à des entreprises ouvrant des postes en quantité importante (plusieurs dizaines d’emplois).
Le recrutement par immersion
Autre méthode de recrutement, sans CV : l’immersion. Face aux difficultés de recrutement, pourquoi ne pas ouvrir directement les portes de l’entreprise aux candidats potentiels ? Pendant un jour, une semaine ou un mois, l’entreprise accueille un demandeur d’emploi, un jeune, un salarié en insertion ou un travailleur handicapé. C’est une approche originale aux intérêts multiples. Pendant cette période de mise en situation, l’entreprise fait découvrir ses activités et les postes à pourvoir au candidat. Cela lui permet de conforter son choix de métier et cela permet à l’employeur de valider le profil. La période d’immersion laisse du temps pour échanger avec le candidat, apprendre à se connaître, s’assurer que le "feeling" passe. Un employeur peut ainsi élargir son vivier de candidatures et toucher une nouvelle population de candidats, peu à l’aise avec les CV, entretiens et processus classiques de recrutement.
L’immersion est une période non rémunérée en entreprise. Entre l’entreprise et le candidat, il est obligatoire d’établir une convention validée pour démarrer une immersion. Le candidat conserve son statut initial et reste couvert par un prescripteur (Pôle emploi, Cap Emploi, Mission Locale, etc.) grâce à la signature de cette convention. Le ministère du Travail a mis en ligne un service en ligne qui facilite toutes les démarches, intitulé "immersion facilitée", disponible à l’adresse suivante : https://immersion-facile.beta.gouv.fr
