Comment l'État veut inciter les entreprises à collaborer davantage avec l'administration
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Comment l'État veut inciter les entreprises à collaborer davantage avec l'administration

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Rapprocher l’administration des entreprises et les faire travailler main dans la main. C’est tout l’enjeu de la "nouvelle relation de confiance" que le gouvernement promeut depuis deux ans. Malgré des résultats mitigés, le dispositif s’ouvre à de nouveaux outils. Le principe reste le même : favoriser la sécurité juridique et la conformité fiscale des sociétés par le dialogue, l’accompagnement et la responsabilisation.

Examen de conformité fiscale, guichet unique pour la régularisation spontanée : l’État multiplie les initiatives pour développer la coopération entre l’administration (fisc et Urssaf) et les entreprises — Photo : snowing12

Une main tendue pour éviter les bras de fer. L’État va enrichir d’outils supplémentaires la "nouvelle relation de confiance", qu’il entend bâtir avec les entreprises.

Sous cette expression de marketing politique se cache en fait une série d’initiatives, prises depuis deux ans, pour fluidifier les relations des acteurs économiques avec l’administration fiscale. Ou, mieux, les inciter à venir au-devant d’elle, pour rester, voire revenir, dans les clous. « Nous essayons de concevoir une offre de services pour toutes les entreprises qui veulent jouer le jeu de la transparence et du civisme », explique ainsi le ministère des Finances. Et pour renforcer encore cette collaboration, Bercy va muscler son dispositif dans trois directions.

Développer la prévention et la pédagogie

Pas facile d’y voir clair dans le maelström des règles fiscales et sociales applicables aux sociétés. Pour les aider à s’y retrouver, et s’y plier, le gouvernement déploie trois nouveaux outils, afin de répondre à des besoins autant génériques que spécifiques.

• Un examen de conformité fiscale pour tous

Tout récemment créé, l’examen de conformité fiscale (ou ECF) permet à l’entreprise de s’assurer de son respect de la fiscalité sur dix points bien précis, parmi les plus répandus. Cette prestation, comparable à une certification, est réalisée par un professionnel du chiffre ou de l’audit, et est opposable à l’administration, en cas de contrôle ultérieur. Bercy présente ainsi l’ECF comme un moyen de "libérer" les entreprises "du souci que peut représenter le risque fiscal sur les questions courantes" et ce, en amont de leurs déclarations.

Mais cette démarche volontaire n’offrira pas de totem d’immunité, prévient le ministère des Finances, face aux critiques. Certains ont vu en effet dans l’ECF un outil de ciblage, au service du fisc, pour l’aider à recentrer ses enquêtes. « L’entreprise qui met en place l’examen de conformité fera peut-être moins l’objet de contrôles, ou en tout cas sur des champs plus resserrés, car non-couverts par l’ECF, reconnaît-on à Bercy. Mais celles qui n’y auront pas eu recours ne feront pas l’objet d’un acharnement de l’administration sur ce seul motif ! »

• La visite conseil pour les TPE qui recrutent

Plus consensuelle, la "visite conseil" poursuit le même objectif de sécurisation juridique des entreprises, mais sur un champ beaucoup plus resserré.

Dans sa nouvelle déclinaison, cette mission s’adresse en effet aux TPE qui ont réalisé leurs premiers recrutements au cours des 18 derniers mois. Un conseiller de l’Urssaf étudie alors, avec le dirigeant, tous les enjeux de réglementation liés à l’emploi, et plus particulièrement aux cotisations sociales. Les demandes de visite peuvent être déposées en ligne ou par courrier.

• Un référent unique à l’Urssaf pour les PME

La mise en place d’un référent unique pour les PME au sein de l’Urssaf est moins une nouveauté que la correction d’une lacune.

À ce jour, seules les sociétés de plus de 250 salariés, et celles actives dans plusieurs régions, bénéficient de ce système d’interlocuteur unique et de versement des charges sociales auprès d’une seule caisse. Mais, selon Bercy, près de 26 000 entreprises de plus de 100 salariés n’y ont pas accès, alors que ce pourrait leur être utile. Le dispositif va donc être étendu à partir d’avril, mais dans seulement quatre zones : l’Aquitaine, la Lorraine, les Midi-Pyrénées et la Picardie. En cas de succès, sa généralisation interviendra début 2022.

• Un accompagnement jusqu’à présent peu sollicité

Ces initiatives s’ajoutent à celles prises depuis 2019 pour éviter aux entreprises les affres du redressement fiscal. Toutes n’ont pas connu le même succès.

Le "partenariat fiscal", pour les ETI et grandes entreprises, et "l’accompagnement fiscal personnalisé", dédié aux TPE et PME, ont ainsi trouvé un écho relativement faible : 39 groupes, représentant plus de 2 400 sociétés, ont sollicité le premier ; 399 entreprises avaient mobilisé le second, au 31 janvier. À l’inverse, la réhabilitation du rescrit a plutôt bien fonctionné, avec 20 033 prises de position, formulées à la demande des entreprises, en 2020, soit 1 600 de plus que l’année précédente.

Faciliter les régularisations

Quand la prévention ne suffit pas, les entreprises en délicatesse avec l’administration pourront encore s’en sortir, grâce à plusieurs mesures de bienveillance.

• Élargissement du guichet de régularisation

C’est peu dire que ce service de mise en conformité n’a pas vraiment été pris d’assaut jusqu’à présent : en à peine deux ans, il n’a eu à traiter que 70 demandes de régularisation. Il s’agit, à chaque fois, de dossiers déposés spontanément par des entreprises, soucieuses de se remettre dans le droit chemin. À défaut d’amnistie, elles bénéficient alors de sanctions allégées.

Malgré un bilan mitigé, Bercy veut donner une seconde chance à son guichet. Il ouvre donc beaucoup plus largement son champ de compétences. Sont désormais concernées "toutes les infractions commises par les grandes entreprises qui présentent un caractère intentionnel", ainsi que les demandes de bonne foi "mettant en évidence des difficultés" sur les corrections à apporter en termes de chiffrage ou de périodes, ou sur le traitement d’une opération impliquant plusieurs contribuables.

Ces cas s’ajoutent à ceux déjà existants (anomalies identifiées lors de la reprise d’une société, questions de fiscalité internationale ou des dirigeants, activités sujettes aux sanctions fiscales les plus lourdes). Les entreprises intéressées peuvent solliciter ce service sur @email ou au 01 49 91 15 60.

• Évolution de la doctrine des Urssaf

Côté cotisations, l’idée du gouvernement est de changer l’image du contrôle Urssaf, pour en faire "aussi […] une offre de services à destination de l’employeur". Cet accompagnement passe par trois mesures.

Un "rendez-vous de clôture du contrôle" se tiendra désormais "systématiquement" au sein de l’entreprise. Son objectif : "expliciter", "répondre [aux] questions", "aider l’entreprise à corriger [ses] anomalies pour l’avenir".

Fini les régularisations minimes. Plutôt que de faire payer à la société un "faible montant" (notion qui reste à définir), "l’Urssaf se contentera de rappeler la règle et d’inviter l’entreprise à se mettre en conformité".

Inversement, en cas de remboursement, l’administration prend l’engagement de restituer le trop-perçu "dans un délai maximum d’un mois".

Accéder à l’information réglementaire

Dernier axe de travail pour renforcer la "relation de confiance" entre l’administration et les entreprises : développer l’accessibilité de l’information. C’est en ce sens que vient de naître le "bulletin officiel de la Sécurité sociale". Comme le Bofip en matière fiscale, ce "Boss" est conçu comme "une base documentaire unique, gratuite et opposable, regroupant l’ensemble de la doctrine administrative applicable en matière de cotisations et contributions sociales". Autrement dit, il centralise en un seul endroit des règles jusqu’ici éparpillées dans plusieurs documents.

Plus spécifique, le site "Mon intéressement pas à pas" propose, comme son nom l’indique, d’aider les employeurs à rédiger un accord d’intéressement valide. Un peu plus d’un millier ont été créés par ce biais, depuis la mise en ligne du service au mois d’août. De quoi, là encore, rendre les normes plus lisibles et visibles, à défaut d’avoir réussi à les simplifier.

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