Comment les dirigeants d'entreprise se forment-ils ?
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Comment les dirigeants d'entreprise se forment-ils ?

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La formation professionnelle est une obligation pour les salariés, pas pour les chefs d’entreprise. Alors comment ces derniers se forment-ils ? Peu adeptes de la formation continue classique, ils préfèrent se tourner vers des réseaux de pairs, les CCI ou encore des accélérateurs qui ont développé des offres spécifiques à leur attention.

Centre des jeunes dirigeants d'entreprise (CJD), Association progrès du management (APM), Groupes d'Entraînement et de Réflexion au Management des Entreprises (Germe) : les réseaux de dirigeants incarnent un mode de formation entre pairs très apprécié par les chefs d’entreprise — Photo : ©Barbara Grossmann

La formation continue est essentielle pour l’entreprise et sa compétitivité martèlent, unanimes, économistes, pouvoirs publics, syndicats… Message reçu pour les salariés, un peu moins par les dirigeants. Si les chiffres sont difficiles à obtenir car, selon leur statut, les chefs d’entreprise relèvent de sept fonds de financement différents, le constat est que, globalement, ils ne se forment pas assez. À telle enseigne que le gouvernement a mis en place un dispositif incitatif sous la forme d’un crédit d’impôt formation dont les chefs d’entreprise peuvent bénéficier jusqu’au 31 décembre 2022. Selon les chiffres de l’Agefice, 66 000 patrons sur 4 millions ont suivi une formation professionnelle en 2018. "C’est peu ! Les personnes qui génèrent le PIB de la France sont sous-formées. Il y a là un vrai enjeu de compétitivité. Malheureusement, de nombreux chefs d’entreprise ne voient pas le lien entre performance de l’entreprise et formation. La problématique, c’est de les attirer vers la formation", analyse Nathalie Carré, expert entrepreneuriat chez CCI France.

Gouvernance, RSE et international

Certains dirigeants éprouvent néanmoins le besoin de se former, aussi bien sur des thèmes généraux (gestion…), que sur des thématiques plus récentes, comme la transformation de l’entreprise, l’innovation ou encore la RSE. Makram Chemangui, directeur de la formation des cadres à l’école de commerce Audencia, le constate : " Avec le phénomène start-up, nous voyons arriver en formation de jeunes dirigeants, dont l’entreprise a grandi et qui se retrouvent à piloter une PME, voire une ETI. Tous profils confondus, les formations les plus recherchées portent sur les questions de gouvernance, l’intégration des critères RSE dans la performance des entreprises et le développement à l’international." Pour attirer les dirigeants, organismes de formation, écoles, réseaux sont donc contraints de rivaliser d’innovation pour développer des formats adaptés, tant dans leur contenu que par la pédagogie mise en œuvre, à l’agenda chargé et à la psychologie du dirigeant. La formule de Churchill - "j’adore apprendre. Je déteste qu’on me fasse la leçon" - la résume assez bien.

Réseaux, pour se former entre pairs

Germe, le Centre des Jeunes Dirigeants (CJD), les clubs Association progrès du management (APM) et bien d’autres réseaux incarnent un mode de formation entre pairs, très apprécié par les chefs d’entreprise. Du business plan à l’analyse financière, en passant par le développement personnel, ces formations font la part belle aux mises en situation réelle et aux retours d’expérience. "Les dirigeants apprennent beaucoup, même sans participer à des formations traditionnelles. Ils apprennent plutôt de leur travail que pour leur travail. D’où notre approche à la croisée de l’expérience et de l’expertise, associant partages entre pairs et interventions d’experts de haut niveau sur des pratiques professionnelles, mais aussi l’éthique du dirigeant ou encore des sujets sociétaux ", analyse Denis Christol, directeur innovation et pédagogie APM. L’association, qui prône "le progrès de l’entreprise par le progrès du dirigeant", revendique 25 000 dirigeants formés par ses soins, à raison d’une journée de formation par mois, pendant parfois une dizaine d’années et plus pour chaque membre. En adéquation avec sa devise "se former pour progresser", le CJD dispose, pour sa part, de son propre centre de formation qui forme chaque année 3 500 dirigeants, et bientôt 5 000 à partir de 2022. " La formation au CJD repose sur deux piliers : le premier, c’est le partage entre pairs pour rompre la solitude du dirigeant ; le second, c’est la formation permanente, car le métier de dirigeant ne s’apprend pas à l’école, mais sur le terrain", rappelle Émeric Oudin, président national du CJD et dirigeant d’AXE-Environnement dans l’Aube.

La mode des accélérateurs

Bpifrance s’est également lancé dans la formation des dirigeants. "Nous avons l’ambition d’être l’école de formation du dirigeant de PME à la française en l’accompagnant sur trois volets : le conseil, la formation et la mise en réseau. Ainsi, nous déverrouillons un potentiel de croissance, nous formalisons des ambitions et donnons aux dirigeants les moyens de les atteindre", déclare Guillaume Mortelier, directeur exécutif en charge de l’accompagnement chez Bpifrance. Depuis 2015, Bpifrance a accompagné via ses accélérateurs plus de 2 000 entreprises avec l’objectif d’en accompagner 1 000 de plus chaque année, à compter de 2023. Une étude, réalisée par une équipe de chercheurs universitaires indépendants affiliés au CNRS, sur l’impact économique de ces programmes, semble en confirmer les bénéfices : les PME accélérées entre 2015 et 2019 ont vu leur chiffre d’affaires croître de 10 % et leur valeur ajoutée de 16 %.

Des formations de plus en plus innovantes

Partant du constat selon lequel, les "vieilles recettes", ne fonctionnent plus, voire se révèlent contre-productives, en raison de l’accélération des changements, Audencia a lancé les séminaires "tipping point" (point de bascule en anglais). "Sur deux jours, nous amenons le dirigeant à déconstruire un certain nombre de réflexes acquis, puis à reconstruire un modèle adapté à son entreprise. Nous avons retenu cinq sujets pour lesquels nous sommes convaincus que cette démarche a du sens et où la technologie apporte une vraie valeur ajoutée : la vente, la conduite du changement, l’engagement, le financement de l’innovation et l’intrapreneuriat. Pour qu’un chef d’entreprise accepte de réviser ses postures, il faut le surprendre. C’est pourquoi nous avons recours à des techniques issues des neurosciences et conçu une salle au design adapté", relate Jean-Michel Moutot, professeur de management et concepteur de la formation.

Pour sa part, Bpifrance travaille avec des experts académiques à mettre les études de cas, souvent conçues pour des cadres issus de grands groupes, aux standards des PME. Tous les acteurs ont également développé la formation à distance (e-learning). Via sa plateforme Bpifrance-universite.fr, la banque publique propose des formations gratuites, spécialement conçues pour les chefs d’entreprise, sous forme de modules e-learning, webinaires, podcasts, exercices interactifs… Elles sont suivies par 20 000 dirigeants. Reste que l’e-learning ne répond pas à la problématique de l’isolement du dirigeant, ni à son appétence pour le "réseautage". C’est pourquoi, la formation à distance est le plus souvent couplée à un accompagnement physique. "Nous utilisons le canal digital pour préparer des formations en présentiel et, après, pour nous assurer qu’elles ont atteint leurs objectifs. Nous pouvons également tenir des formations simultanément en présentiel et en distanciel ce qui permet d’ouvrir ces sessions à plus de dirigeants", témoigne Guillaume Mortelier.

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