Comment instaurer une prime d’intéressement 
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Comment instaurer une prime d’intéressement 

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Seule une minorité de PME et d’ETI a déjà mis en place une prime d’intéressement. Pourtant, ses vertus sont nombreuses pour motiver ses équipes, améliorer ses résultats ou encore réduire les accidents du travail. Et l’Etat vient d’annoncer un coup de pouce fiscal…

L’intéressement permet à l’employeur de verser une prime à l’ensemble des salariés si les équipes atteignent des objectifs de performances fixés par l’entreprise — Photo : Katarzyna Bialasiewicz Photographee.eu

C’est un moyen de partager la richesse créée par l’entreprise. C’est aussi un outil de management. Et pourtant, très peu de PME ont recours à l’épargne salariale. Dans les sociétés de moins de 250 salariés, seuls 15 % des employés en bénéficient, selon le ministère de l’Économie. Pas plus. Ce paradoxe pourrait toutefois changer avec la loi Pacte. Le gouvernement entend en effet favoriser les différents dispositifs d’épargne salariale, comme la participation ou l’intéressement. Signé via des accords sur trois ans, ce dernier dispositif prévoit le versement d’une prime spécifique si les équipes atteignent des objectifs de performances fixés par l’entreprise.

Pourquoi choisir l’option facultative de l’intéressement ? Ce mécanisme permet notamment « d’associer ses salariés au projet et à la performance de l’entreprise », répond Colin Bernier, avocat au sein du cabinet EY. « C’est aussi un moyen de motiver et fidéliser ses équipes, et même de resserrer la communauté des salariés entre eux », ajoute-t-il. En effet, ce mécanisme de rémunération collective doit bénéficier à tous les salariés de l’entreprise, obligatoirement. Dans le détail, la répartition de la prime peut ensuite s’effectuer de manière uniforme (la même somme pour tous), proportionnellement aux salaires, à la durée de présence, ou en combinant ces critères.

Doper ses résultats et faire des économies

Définir la prime suppose d’abord de réfléchir au projet de l’entreprise et à ses besoins. Contrairement à la participation, qui vise à verser une quote-part des bénéfices via un mode de calcul très encadré, la formule de la prime d’intéressement s’avère plus souple. Elle peut être fonction d’un ou de plusieurs objectifs, notamment comptables : augmentation de l’EBE ou du résultat net de 3 % par exemple ; maintien du chiffre d’affaires au niveau de l’exercice précédent ; croissance de 5 %, 10 %, etc., du chiffre d’affaires… La formule peut aussi inclure une série d’éléments de performance qualitatifs : la baisse du taux d’accidents du travail, la réduction de l’absentéisme, l’amélioration du taux de satisfaction client, des délais de livraison…

Financièrement parlant, l’entreprise peut donc doper sa croissance, mais aussi faire des économies. « Je me souviens d’une société qui avait conditionné la prime d’intéressement à une réduction de l’absentéisme. Au bout de plusieurs années, le montant de cette prime était compensé par la baisse des coûts de l’absentéisme. Le solde s’avérait même positif pour l’entreprise », cite en exemple Marie-Pascale Piot, avocate spécialiste du droit du travail chez EY.

Fixer des critères objectifs

Attention toutefois à bien fixer des objectifs chiffrables et des performances mesurables. Exit donc les critères subjectifs. Par ailleurs, « il ne faut pas être sûr à 100 % que les critères seront remplis avant même le début de l’exercice fiscal, sinon c’est du salaire déguisé. Il faut qu’il y ait une possibilité de ne pas atteindre l’objectif, ce qu’on appelle l’aléa », précise Colin Bernier.

« Impossible de réduire le montant des salaires d’un côté pour verser une prime d’intéressement de l’autre. »

« Par exemple, on ne pourra pas verser la prime d’intéressement à la seule condition que l’entreprise dégage un chiffre d’affaires », détaille Juliette Le Franc, manager conseil social chez In Extenso, à Rennes. Pourquoi ? Parce que l’intéressement (qui bénéficie d’avantages fiscaux notamment) ne peut et ne doit se substituer à un autre élément de salaire. « Impossible de réduire le montant des salaires d’un côté, pour verser une prime d’intéressement de l’autre. Je ne peux pas dire non plus : "Je n’augmenterai pas les salaires cette année, mais à la place je propose un accord d’intéressement." C’est interdit », insiste Colin Bernier.

Alors pourquoi les patrons de PME ont-ils tendance à bouder le dispositif ? Peur des complexités administratives, appréhension du coût financier… : les raisons sont multiples. « On entend parfois : "C’est risqué, je ne peux m’engager à verser les sommes sur une période de trois ans" », témoigne Marie-Pascale Piot. Il existe toutefois des mécanismes pour se protéger en cas de difficultés économiques. Il est possible d’insérer des conditions au versement de la prime, comme le fait que l’entreprise n’affiche pas de pertes ou qu’elle maintienne son chiffre d’affaires. « Je me souviens d’une start-up du web dont l’effectif a bondi de 3 à 100 salariés en deux ans. Ayant anticipé cette croissance, elle avait décidé de plafonner le montant de la prime à 10 % de sa masse salariale maximum », raconte Marie-Pascale Piot.

Négociation ou référendum

Pour mettre en place l’intéressement, l’employeur dispose de plusieurs options. Soit il négocie un accord collectif avec les délégués syndicaux ou avec le CSE (comité social et économique). Soit il propose la ratification de l’accord aux salariés, via un référendum interne. « Il est pour cela nécessaire d’établir une liste d’émargement avec les noms et prénoms des employés, et la question : "Acceptez vous l’accord d’intéressement : oui ou non ?". L’accord sera validé s’il récolte l’avis favorable des deux tiers du personnel », explique Juliette Le Franc.

Avec la suppression du forfait social, pour qu’un salarié touche 1 € de prime, il suffit de lui verser 1 €, et non plus 1,20 €.

Pour aider les PME, des modèles simplifiés d’accords d’intéressement et de participation ont été mis disposition sur le site du ministère du Travail. Le gouvernement annonce aussi l’arrivée d’accords-types négociés au niveau des branches. Les PME, qui ne disposent pas de services juridiques spécialisés, pourront opter pour l’application directe de l’accord-type. Afin de mettre en place un modèle d’intéressement pertinent et sécurisant, le recours au conseil d’un cabinet d’experts sur les questions juridiques et comptables peut s’avérer utile dans tous les cas.

De nouveaux avantages fiscaux

Pour encourager l’intéressement, l’État a récemment annoncé de nouveaux avantages fiscaux. Le forfait social, cette contribution des employeurs sur les sommes versées au titre de l’intéressement, vient d’être supprimé pour les entreprises de moins de 250 salariés. Il s’élevait jusqu’alors à 20 % de la rémunération, sauf exceptions. Pour qu’un salarié touche 1 euro de prime, il suffit désormais de lui verser 1 €, et non plus 1,20 €. Cette mesure du projet de loi Pacte a déjà été reprise et votée dans la dernière loi de financement de la Sécurité sociale.

Pour rappel, le montant global versé via ce type de prime ne doit pas excéder 20 % du total des salaires bruts versés à l’ensemble du personnel. Mais, autre nouveauté, la loi Pacte propose un relèvement du plafond d’intéressement à 30 393 € par salarié et par an (contre environ 20 000 € aujourd’hui). Pour les sociétés de moins de 250 salariés, la prime d’intéressement est donc exonérée de cotisations sociales.

Pour le salarié, les sommes ne sont pas taxées à environ 20 % comme sur du salaire, mais seulement soumises aux contributions sociales CSG et CRDS. Elles sont soumises à l’impôt sur le revenu si elles sont encaissées tout de suite, mais pas si elles sont placées sur un plan d’épargne salariale (PEE, PEI, Perco…). Elles sont exonérées d’impôt dans la limite de la moitié du plafond de la Sécurité sociale.

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