Comment Air France tente de séduire les patrons de province
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Comment Air France tente de séduire les patrons de province

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Optimisation des horaires vers Paris Orly et Roissy Charles de Gaulle, montée en gamme de l’offre business sans augmentation tarifaire, etc. Le groupe Air France-KLM multiplie les initiatives pour séduire les chefs d’entreprises implantés en province.

Photo : Julien Uguet / Journal des entreprises

Après plusieurs années de vaches maigres, le groupe Air France-KLM se porte mieux. Avec 93 millions de passagers transportés en 2016 (+ 4 % sur un an), la compagnie aérienne a confirmé son statut de quatrième opérateur en Europe, derrière Ryanair (117 millions de passagers), Lufthansa Group (109 millions) et IAG-British Airways (100 millions de passagers).

Aller à contre-courant du low-cost

Fort de ce retour à la croissance, conforté par un résultat net à 792 millions d’euros pour un chiffre d’affaires de 24,8 milliards d’euros, Air France-KLM repart à l’offensive commercialement autour d’une cible bien identifiée : les chefs d’entreprise en province voyageant sur des vols long-courriers. Stratégique du point de vue de la rentabilité économique des vols, la classe affaires est certes relative en nombre (1,6 million de passagers transportés par an pour 10 % des sièges d'un gros-porteur) mais génère près du tiers du chiffre d'affaires. Pour le marché France, ce segment premium atteint même 42 % du chiffre d’affaires global. D'où l'importance de « soigner » cette catégorie de clientèle.

La business permet aussi à la compagnie franco-néerlandaise de se positionner à contre-courant d'une concurrence low-cost, qui lui a chipé des parts de marché significatives sur les courts et moyens courriers, et qui pointe doucement le bout de son nez sur les longues distances (Norwegian, XL Airways). « Actuellement un passager sur trois, transitant par Paris pour s’envoler dans le monde avec Air France, débute son voyage depuis Brest, Toulouse, Lyon, Lorient, etc. », précise Zoran Jelkic, directeur général marché France pour Air France KLM. C'est un enjeu au niveau des recettes puisque sur ces vols long-courriers, 25 % des clients voyagent pour motif affaires. Ils sont naturellement en attente d'attention spécifique et d'innovation. »

Les horaires, premier critère de la clientèle business

Preuve de cet intérêt grandissant pour les patrons provinciaux, les nouveaux services Air France-KLM, proposés depuis deux ans au départ de Roissy Charles de Gaulle, le sont désormais au départ d’Orly. « Cet aéroport est stratégique car il est connecté à la plupart des terminaux en région via Hop !. La mise en place de vols longue distance, hors Dom-Tom, au départ d’Orly était devenue nécessaire car la concurrence commence à s'y intéresser fortement, ajoute Zoran Jelkic. C’est chose faite depuis un an maintenant avec l’ouverture d’une liaison vers New York. »

Si les taux de remplissage ne sont pas encore satisfaisants (78 % en moyenne là où le seuil de rentabilité se situe davantage aux alentours de 85 %), cette connexion entre le sud de Paris et l’aéroport John Fitzgerald Kennedy est la parfaite synthèse de la stratégie Air France. À commencer par l’augmentation du nombre de fréquence et une adaptation de certains horaires, premier critère de choix de la clientèle d’affaires, entre Orly et une dizaine d’aéroports en Province (56 par semaine pour Toulouse, 86 pour Bordeaux, 116 pour Nice, etc.). « Un patron peut aujourd’hui effectuer un aller-retour vers les USA, au départ de Nantes ou Marseille, en 48 h chrono », confirme Zoran Jelkic.

Une formation du personnel chez Bocuse

Depuis le 1er juin 2017, les nouvelles cabines Best&Beyond ont également été généralisées. « Le siège, conçu par nos partenaires industriels Zodiac ou Stelia, se transforme en véritable lit, précise Anne Rigail, directrice générale adjointe client chez Air France. Le service à l’assiette, effectué comme dans un restaurant, ainsi que le night service, qui permet de dîner avant le décollage, sont aussi proposés. Grâce à toutes ces nouvelles marques d’attention, nous avons considérablement amélioré le taux de satisfaction en business, passé de 6 sur 10 à 7,6 sur 10 en deux ans. »

Pour Air France-KLM, la bataille du long-courrier premium est un enjeu de taille afin de regagner des parts de marchés à l’international. Concurrencée par ses consœurs du golfe, toujours plus innovantes (wifi gratuit, mini-bar privatif, coupe-fil aux contrôles frontières, etc.), la compagnie compte sur son plan d’investissement de 500 millions d’euros (dont 40 % rien que pour les classes business), débuté en 2014, pour rattraper une partie de son retard.

L'épineuse question des tarifs

En 2020, l’ensemble de sa flotte grande distance, Airbus A 380 et Boeing 777 en tête, répondra aux standards mondiaux. « Afin d’assurer un service proche d’un établissement gastronomique, 1.900 personnels navigants ont été formés, pendant deux jours à l’institut Paul Bocuse, ajoute Anne Rigail. Outre New York, qui représente la première escale au monde pour la compagnie avec 15 % de notre activité business, nous avons déployé ce concept sur Singapour, Tokyo et bientôt Hong-Kong. »

Reste que pour Air France-KLM, la bataille du ciel ne se joue pas que dans les airs. Elle débute bien en amont sur le web, le premier canal, en 2017, d’achat et de comparaison du prix des places. Le coût d’un aller-retour entre la province française et New York s’affiche, en business, à partir de 3.000 euros TTC. Ce prix d'attaque de marché reste toutefois limité et la facture peut facilement grimper de 50 % à 70 % selon les périodes.

Des services qui restent à améliorer

À ce tarif, jugé prohibitif par certains patrons, l'opérateur français reste confronté à une concurrence, en moyenne 20 % moins chère, avec des niveaux de qualité identiques, voire supérieurs. « Ce plan de modernisation s’est effectué à tarif constant, voire même avec un léger recul du prix sachant que pour les entreprises des systèmes de fidélité et de dégressivité aux volumes sont négociables, ajoute Anne Rigail. Nous avons quand même cette spécificité d’être l’unique opérateur, présent sur le sol français, à relier la plupart des aéroports de province avec le grand international. »

Il faudra toutefois que la compagnie franco-néerlandaise se montre à la hauteur du défi de la montée en gamme en continu, en s’affranchissant d’un statut de « suiveur » sur l’offre premium face aux compagnies du Moyen-Orient. Encore perfectible, le service à l'assiette va devoir se professionnaliser encore plus pour répondre aux exigences d’une clientèle de restauration gastronomique. Idem sur le wifi à bord, technologie actuellement absente de la flotte Air France, mais attendue par les chefs d’entreprise. « Nous sommes en plein appels d’offres sur ce sujet complexe notamment au niveau du coût de la data en vol. La moitié de la flotte devrait être équipée fin 2018, » conclut Anne Rigail.

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